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L’éthique au pouvoir
L’intitulé de cette chronique ne relève malheureusement pas du constat que l’éthique, cet autre nom que l’on donne à la morale, serait désormais « au pouvoir » comme on le disait jadis — déjà en forme de vœu pieux — de l’imagination. Il est plutôt question des problèmes que cette considération peut poser « au pouvoir », dans le sens le plus général du terme d’ailleurs.
Au sommet de l’État à n’en pas douter, le terme a dû résonner ces derniers mois avec un entêtant effet d’écho à chaque sortie d’un hebdomadaire satirique du milieu de semaine apportant son cortège de retentissantes révélations sur les conflits d’intérêts, nouvelle spécialité ministérielle…
Et c’est bien pour conjurer l’effet déplorable de ces manquements ostensibles à la morale publique — sur fond bien souvent de confusion des sphères publique et privée — que le président de la République a finalement décidé d’un remaniement dimanche dernier. Il faudrait sans doute beaucoup de mauvaise foi pour ne pas saluer un tel acte d’autorité présidentielle, sauf à en regretter le caractère tardif.
Avec beaucoup de mansuétude, on irait même jusqu’à tenter de se convaincre que les affaires Alliot-Marie et Fillon (qui succèdent aux affaires Blanc Joyandet, Woerth, entre autres) relèvent de la maladresse d’appréciation, que la République tout entière gagnerait à ce qu’on les oublie (les affaires s’entendent car M. Fillon est toujours Premier ministre !) : errare humanum est…
Reste qu’il n’est pas exclu que, procédant pour la neuvième fois depuis le début de son mandat au jeu de chaise musicale du remaniement ministériel, le président ait à nouveau versé dans un genre éthiquement discutable : perseverare diabolicum…
Il n’aura échappé à personne en effet que le ci-devant ministre de l’Intérieur, M. Hortefeux, écarté pour son exposition à des condamnations pénales (pendantes en appel) pour incitation à la haine raciale et violation de la présomption d’innocence (quand on songe que son nom circulait à une époque comme possible garde des Sceaux !) a été aussitôt nommé conseiller spécial du chef de l’État, le Premier ministre suggérant d’ailleurs clairement en public qu’une telle nomination se situait pleinement dans la perspective des élections présidentielles de l’an prochain.
Autrement dit, non seulement la responsabilité pénale reconnue en première instance d’un ministre ne peut guère faire figure que d’arguments parmi d’autres pour justifier un « limogeage-démission » bien tardif (il fut un temps où l’on considérait, à tort ou à raison qu’une simple mise en examen imposait la démission du ministre concerné : ô tempora ô mores…), mais une telle circonstance ne s’oppose pas à ce que l’intéressé devienne conseiller spécial du Prince, qui plus est pour s’occuper aux frais du contribuable, de la campagne du président sortant…
On aura noté que dans le monde des affaires, ce genre de « reclassement » pour des motivations plus ou moins avouables ne s’impose pas nécessairement sans quelque résistance : M. Lombard, l’ex-président directeur général de France Télécom en fait l’expérience, lui dont la nomination comme conseiller spécial de ladite entreprise dont il fut écarté de la direction a provoqué la saisine de la Commission éthique du MEDEF…
De là à dire que la morale est mieux assurée de nos jours dans l’entreprise qu’à la tête de l’État, il y a un pas… On se dit en tout cas qu’une Autorité supérieure de l’éthique en politique ne serait pas nécessairement superflue !
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