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Lois de finances, rééquilibrer le temps parlementaire (enfin ?)
C’est presque une arlésienne du droit budgétaire de l’État : l’adoption de la loi de règlement ou plutôt ses modalités en ce qu’elles doivent garantir l’exercice par le Parlement de ses pouvoirs de contrôle de l’exécution par le Gouvernement des lois de finances.
Un exercice qui a rapidement tourné court. Que l’on songe au délai moyen de huit ans nécessaire sous la IIIe République pour l’adoption de la loi de règlement et plus particulièrement à l’exercice 1915 dont la loi de règlement a été adoptée en 1936.
L’ordonnance du 2 janvier 1959 avait esquissé une légère avancée en prévoyant le dépôt du projet de loi de règlement pour le 31 décembre suivant la clôture de l’exercice budgétaire. La LOLF (L. org. n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances) a poursuivi en ramenant ce délai au 1er juin et en liant l’examen de la loi de finances de l’exercice n + 1 au vote de la loi de règlement de l’exercice n – 1.
L’objectif était de faire de l’adoption de la loi de règlement, le temps fort politique de l’examen de l’exécution des lois de finances.
Las, les parlementaires n’ont pas plus accordé de temps à l’examen de ce texte depuis.
La nouvelle majorité politique pourrait toutefois permettre de faire évoluer la situation.
Lors de son discours prononcé à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes le 22 janvier 2018, le Chef de l’État, Emmanuel Macron a regretté que le Gouvernement passe trop de temps à convaincre et trop peu à rendre compte de son action. Selon lui, il convient de rééquilibrer le calendrier parlementaire, d’aller plus vite sur le projet et de demander au Gouvernement de mieux rendre compte à la représentation nationale de son action.
Dans la foulée, sur son compte twitter, Emmanuel Macron opérait ce constat : « Nous sommes l’une des démocraties qui passe le plus de temps à débattre de ses lois financières. Le Gouvernement passe trop de temps à convaincre et trop peu de temps à rendre compte de son action. Il s’agit de rééquilibrer le temps parlementaire ».
Une double communication qui pourrait être annonciatrice d’une évolution à venir : arlésienne quand tu nous tiens…
En tout cas, la majorité parlementaire est au diapason. En novembre 2017 les députés de la majorité présidentielle entendaient faire savoir leur volonté de prendre « à la lettre le devoir que l’article 24 de la Constitution donne de contrôler et évaluer l’action du Gouvernement et les politiques publiques ».
Ils ne pouvaient que constater « que les outils de la procédure budgétaire ne sont pas adaptés à ce rôle », regrettant ne pas faire « un meilleur usage du temps politique et parlementaire en consacrant 70 jours – et nuits – d’affilée à travailler sur le budget pour 2018 et en ne réservant qu’un modeste après-midi au printemps 2019 pour en contrôler le résultat ».
A les entendre, il faut comprendre qu’ils entendent rééquilibrer ce temps de travail, réaliser des efforts pour rendre nos dépenses publiques plus efficaces et mieux alignées avec les priorités politiques, rendre systématique les échanges réguliers avec les ministres sur leurs politiques publiques et l’adéquation de l’affectation des moyens dont ils disposent.
Un vaste programme ! L’arlésienne n’en avait probablement pas rêvé autant…
De manière très pragmatique, ils proposent une nouvelle répartition du temps parlementaire : trente jours d’évaluation et de contrôle de gestion en Commission au printemps afin que la loi de règlement reprenne son sens. Et trente jours en séance publique à l’automne pour le budget de l’année suivante.
Ils souhaitent également la création d’un « Office de la responsabilité budgétaire » permettant aux parlementaires d’analyser de manière indépendante toutes les données produites par l’administration (propositions contenues dans une Tribune signée par les députés de la République en Marche, sous la responsabilité d’Amélie de Montchalin, responsable du groupe LREM à la Commission des finances et Laurent Saint-Martin, vice-président de la Commission des finances).
Ces propositions rejoignent, plus largement, celles préconisées par la Cour des comptes dans son rapport de juin 2017 sur la situation et les perspectives des finances publiques. Faire que la discussion des textes financiers soit recentrée sur les principales mesures et orientations proposées en matière financière afin de renforcer la lisibilité et la clarté des débats ». Une évolution permettant « au Parlement de consacrer davantage de temps, d’une part, à l’examen des autres textes législatifs et, d’autre part, à ses fonctions de contrôle et d’évaluation des politiques publiques (…). Conformément à l’esprit de la LOLF, l’examen du projet de loi de règlement du budget de l’année écoulée, doit devenir une étape fondamentale de la procédure budgétaire » permettant de garantir un suivi de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques et de réaffirmer le rôle du Parlement en matière d’évaluation de la conduite des politiques publiques, notamment selon une logique de performance.
Avec l’objectif que les ministres soient pleinement mobilisés pour répondre de leurs résultats devant le Parlement.
Une orientation logique venant de la Cour des comptes, présidée par Didier Migaud, l’un des pères fondateurs de la LOLF.
Des propos – et notamment les premiers d’entre eux, politiques – qui laissent espérer que le temps est venu d’une réforme en profondeur de ce calendrier budgétaire. Il faut supposer que cette volonté commune affichée par le Gouvernement et le Parlement (en l’occurrence les députés) permettra de surmonter des obstacles qui jusqu’à présent, sont apparus insurmontables. Un nouvel espoir… cette législature sera peut-être celle du renouveau de la loi de règlement. A suivre…
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