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L'Open Data à la française : autopsie d'un fiasco
L'Open Data est un mouvement à l'inspiration et à la dénomination anglo-saxonnes qui repose sur l'ouverture des données publiques dans le but de les rendre accessibles aux citoyens mais aussi pour permettre leur réutilisation par des entrepreneurs privés pour fournir de nouveaux services, tels que par exemple des horaires de transports, la congestion du trafic routier, etc.
Pour parvenir à ces finalités les services d'Open Data doivent donc présenter deux types de caractéristiques : des données massivement mises en lignes et indexées. Et l’utilisation de formats permettant un accès et une réutilisation efficiente.
Les pouvoirs publics français, qui ne sont jamais en retard d'une modernité, ont donc, comme leurs homologues anglo-saxons adoptés, sous l'influence du droit communautaire :
– un magnifique texte de transposition, incorporé dans la loi du 17 juillet 1978 qui a fondé le régime de la communication des documents administratifs ;
– un superbe décret qui, comme de bien entendu a créé une nouvelle institution « Etalab », chargé de mettre en œuvre la politique d'Open Data (et d'ailleurs déjà restructurée au sein du « Secrétariat général à la modernisation de l’action publique ») ;
– un très beau site Internet : data.gouv.fr qui recueille les données ouvertes mises en ligne par les administrations depuis 2011 ;
– un non moins bel avis d'une commission, le « Conseil national du numérique », du 5 juin 2012 qui préconise de nouveaux développements ;
– et, enfin, une « feuille de route gouvernementale » toute récente qui trace les perspectives d'un politique volontariste en la matière.
Ainsi donc, les Data publiques françaises, sont ouvertes, très ouvertes, et seront de plus en plus ouvertes.
Voila l'état du discours ambiant.
Penchons nous maintenant un peu sur la réalité.
Feuilletons, par exemple, ce site data.gouv.fr qui nous annonce fièrement que « 353 226 » jeux de données sont disponibles.
Déroulons par ministère. Nous constatons ainsi que le ministère de l'Intérieur a royalement mis en lignes 278 jeux de données dont une part majeure est constituée par des résultats électoraux qui étaient déjà disponibles par ailleurs depuis longtemps.
Nous constatons que les services du Premier ministre, qui pilotent pourtant cette politique, ont mis en ligne 190 jeux de données dans lesquelles on retrouve pêle-mêle l'organigramme d'une direction, l'actualité mois par mois d'une commission (mais d'une seule), le fil d'information du site « service.public.fr »...
Essayons maintenant quelques recherches :
– Voulez vous trouver le PLU d'une commune dans laquelle vous envisagez d'acheter une maison : rien ! Les PLU (même ceux des communes qui les mettent en ligne sur leurs propres sites) ne sont pas ici.
– Vous voulez connaître le taux de réussite des auto-écoles de votre département, statistique dont le Conseil d'État a expressément jugé qu'elle existait et constituait un document communicable (CE 3 juill. 2002, Ministre de l’équipement, des transports et du tourisme) ? Rien encore !
– Vous souhaitez avoir accès à un jugement de Tribunal administratif ? Pas davantage. Les bases de données qui les recueillent sont purement internes à la juridiction administrative.
– Vous voulez connaître les statistiques des retards des transports en communs : rien, une nouvelle fois. Car si la RATP a créé sa propre plate-forme d'Open Data, elle a choisi de ne pas y insérer les données liées au trafic, en cours ou passé.
En définitive, ce que nous apprennent ces vérifications concrètes des proclamations politico-administratives françaises c'est très simplement qu'en matière de données publiques il n'existe pas de culture de l’offre de données, mais seulement une culture, issue de mouvement de la transparence administrative des années 1970, de la demande de documents adressés à l'administration sous le contrôle de la Commission d'accès aux documents administratifs.
Il n'existe pas non plus, au sein des grands opérateurs publics ou des collectivités locales, de volonté particulière d'avancer en matière d'accès aux données. Si quelques initiatives locales existent (par la Ville de Paris ou de Rennes par exemples), il s'agit, en règle générale, de politiques de communications. Après le green washing qui est un peu passé de mode, voici la nouvelle tendance : le « transparence washing », si l'on nous permet ce néologisme franco-anglais.
Aussi bien, plutôt que de se payer des mots, il vaudrait mieux continuer d'améliorer l'accès aux données existantes et déjà accessibles (le travail du site géoportail est à ce titre tout à fait remarquable, par exemple), de travailler sur des objectifs concrets plutôt que d'annoncer à coups de millions d'euros des grandes politiques publiques aussi ambitieuses que dépourvues d'effets réels.
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