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[ 9 janvier 2018 ] Imprimer

L’opposition à mariage du Ministère public

Une affaire récente, rapportée par la presse régionale, permet de s’arrêter sur la faculté d’opposition à mariage que possède le Ministère public en vertu de l’article 175-2 du Code civil.

Contrairement à ce que l’on affirme parfois un peu trop vite, l’officier d’état civil, compétent pour célébrer le mariage, n’a pas le pouvoir de s’opposer à cette célébration. Toutefois, il a la possibilité de procéder à l’audition des futurs époux, y compris séparément, afin de s’assurer de leur intention matrimoniale.

L’article 63 du Code civil fait même de cette audition un principe, qui ne cède que lorsque les éléments du dossier ne font naître aucun soupçon quant à l’intention matrimoniale (C. civ., art. 146) ou à la liberté du consentement d’un ou des époux (C. civ., art. 180). Puisque l’audition est de droit, l’officier d’état civil n’a pas à justifier sa demande. 

Souvent, la différence de nationalité, le mariage avec un Français permettant l’acquisition de la nationalité française (C. civ., art. 21-2), va pousser à une audition. Le but est d’éviter que le mariage ne soit instrumentalisé par des individus qui ne veulent contracter mariage que pour profiter de ses effets, pratique que l’on nomme couramment : « mariage blanc ».

Dans l’affaire évoquée par la presse, l’hypothèse suspectée par l’officier d’état civil n’était pas celle d’un « mariage blanc », mais d’un « mariage gris ». Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une collusion frauduleuse entre des individus, destinée à exploiter le mariage pour tirer profit de ses bénéfices, mais de l’abus de la fragilité d’un des membres du couple, par hypothèse sincère, par l’autre membre, insincère, qui cherche, non pas à donner un cadre juridique à sa relation affective, mais à tirer profit, seul, des conséquences du mariage en termes de nationalité, de fiscalité, ou encore de droits successoraux.

Cette situation est sans doute plus délicate, la personne que l’on entend protéger vivant souvent très mal que l’on mette en doute son discernement. En l’espèce, c’est, semble-t-il, la différence d’âge entre les futurs époux (plus de 40 ans) qui a incité l’officier d’état civil à les auditionner. À l’issue de cette audition, ce dernier a décidé, non pas d’interdire le mariage, ce qu’il ne peut faire, mais de saisir le Ministère public afin que celui-ci prenne une décision quant à cette célébration.

Au sein du Ministère public, c’est le « parquet civil » qui gère ce type de saisine. Le « parquet civil » est, en effet, chargé de toutes les questions qui ont trait à l’état civil et à la protection des personnes vulnérables.

Le parquet peut ainsi, à la vue du compte-rendu de l’audition réalisée par l’officier d’état civil, autoriser la célébration, s’y opposer ou décider de surseoir à la célébration dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il va faire procéder.

Cette enquête ne peut durer plus d’un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. À l’issue de celle-ci, le Ministère public doit informer l’officier d’état civil qu’il laisse procéder au mariage ou, au contraire, qu’il s’y oppose. 

Les époux peuvent, à tous les stades de la procédure, contester la décision du parquet. Ils peuvent, d’abord, attaquer le sursis devant le président du Tribunal de grande instance qui doit alors statuer dans les dix jours.

Ils peuvent, ensuite, demander la mainlevée de l’opposition qui leur aura été notifiée par le parquet, sachant que, contrairement, aux oppositions des membres de la famille, celle du Ministère public vaut sans limite de temps. Elle ne cesse donc que sur décision judiciaire.

L’opposition à mariage illustre ainsi les deux facettes de la mission du parquet civil : il veille à la protection de l’état civil qui doit correspondre à la réalité, réalité trompée par le « mariage blanc » (ordre public de direction) ; il veille à la protection des personnes vulnérables, trompées par le « mariage gris » (ordre public de protection).

 

 

Auteur :Mathias Latina


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