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Le billet
Mais où est la gauche ? A votre droite !
Le changement c’est maintenant ! Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Président de la République, François Hollande, n’a pas menti. Après lui, rien ne sera plus comme avant. Après lui, la gauche ne sera plus la gauche. Les militants, les sympathisants et les partisans du parti socialiste ont tous été déçus par un parti devenu un monstre aux traits du libéralisme social, pour les pessimistes, du socialisme libéral, pour les plus optimistes.
Cette fameuse troisième voie, défendue par les réformateurs républicains du début du 20ème siècle, entre libéralisme et communisme, relève désormais de l’Histoire des idées politiques. Léon Bourgeois et ses successeurs seraient bien surpris du tournant pris par le « nouveau » parti socialiste. Attention, il ne s’agit pas de critiquer les courants libéraux ou néo-libéraux. Il faut être respectueux des idées et des valeurs des uns et des autres. En revanche, ce qui est choquant pour un partisan de gauche, par conviction, affinité ou éducation, c’est la trahison. Quelle trahison, en effet, pour un électorat qui observe, impuissant, à un détournement illégitime de son vote par la mise en œuvre d’une politique néo-libérale menée par un Gouvernement de gauche. Inutile de se voiler la face : où est la gauche aujourd’hui ? A votre droite !
Ce virage politique est particulièrement mis en exergue par le droit qui constitue, rappelons-le, selon les enseignements d’Émile Durkheim, le miroir de la société civile. Cette « droitisation », pour laquelle beaucoup n’ont manifestement pas voté, irradie toutes les sphères juridiques. Évoquons quelques exemples en partant des principes qui sont censés être les piliers du temple de la gauche française : la justice sociale et la protection sociale, le pays des droits de l’homme et la terre des libertés et le berceau du service public.
Certes, la gauche n’a jamais eu le monopole du cœur. Cependant, la France s’est toujours démarquée de ses voisins européens et de ses cousins d’Outre-Atlantique par l’importance qu’elle accordait à la protection et à la promotion de la justice sociale dont la mesure la plus symbolique reste la sécurité sociale et le Code du travail. Justice sociale et protection sociale ont fait de la France un modèle dans la protection des plus faibles, des plus démunis et des plus vulnérables. Pourtant, lorsque l’on se penche sur les intentions, bientôt concrétisées par des lois, de nos gouvernants, on se demande si ce discours social ne relève pas désormais de la rhétorique trompeuse. Que l’on songe à la loi El Khomri censée réformer, avec opportunité, notre vieux et poussiéreux droit du travail. Tout n’est pas mauvais dans cette loi, et il serait absurde de jeter le bébé avec l’eau du bain. Mais, tout de même ! Qu’est-il passé à l’esprit de nos gouvernants lorsqu’ils ont envisagé l’instauration d’un plafonnement des indemnités de licenciement quand bien même l’employeur aurait été fautif ? Cette séduction de la « gouvernance par les nombres » (A. Supiot), à laquelle a succombé le Gouvernement, est inacceptable lorsque l’on connaît la pratique de certains employeurs qui « budgètent », aujourd’hui déjà, le licenciement abusif de nombreux cadres supérieurs. Que l’on songe encore aux différents projets de Madame Marisol Touraine, qui ne cesse de stigmatiser les professions médicales, et qui souhaite privatiser les institutions médicales et vulnérabiliser les patients. Elle envisage demain, par un décret en discussion auprès du Conseil d’État, de supprimer certains médicaments proposés dans le milieu hospitalier, dans le cadre de ce que l’on appelle la « liste en sus ». Cette dernière a été créée pour permettre aux hôpitaux d’offrir des thérapies innovantes et très onéreuses sans lourdeur budgétaire pour l’établissement, car tous les médicaments inscrits sur cette « liste en sus » sont pris en charge par l’Assurance Maladie.
Quant à la France pays des droits de l’homme et terre des libertés, les exemples sont légion qui attestent d’une simple vue de l’esprit. Après la loi renseignement du 24 juillet 2015, c’est l’état d’urgence qui a été renouvelé ; état d’urgence qui a été et est encore la cause de nombreux abus ! Est-ce que la prévention du terrorisme doit nécessairement se faire au détriment de toute précaution humaniste ? La politique des migrants également a été très mal gérée et leur accueil plus que mitigé. La France terre d’accueil a du plomb dans l’aile. Enfin, symbole certes mais symbole tout de même, le Président n’a rien trouvé de mieux que de remettre la légion d’honneur au Prince héritier saoudien Mohammed Ben Nayef, ministre de l’intérieur et prochain roi d’Arabie Saoudite, alors que des personnes ont été et sont détenues de manière illégitime, des atrocités ont été et sont infligées aux femmes et des personnes ont été et sont exécutées (153 en 2015 et 70 en 2016) ! On peut dans ces conditions douter du doux manteau humaniste dont la France se drape souvent à l’étranger !
Quant au service public, il est aujourd’hui dans le paysage public réduit à une peau de chagrin. Alors oui, on nous dira que « c’est la faute à l’Europe » et que l’État ne décide plus de rien. Mais l’État français est tellement bon élève qu’il fait parfois du zèle. Il suffit de voir les victimes de la « macronite aiguë » qui touche spécialement les professions réglementées sans distinction : les chauffeurs de taxi, les commissaires-priseurs et les notaires, même combat ! La réforme du notariat en particulier, qui dans son principe est nécessaire, a été menée de manière totalement irréaliste par le ministère de l’économie. Quelle catastrophe pour le notariat ! Non pas pour les grosses structures qui s’en sortiront toujours mais pour les petits notaires de campagne. Surtout, c’est une gifle violente qui heurte les valeurs que cette profession véhicule : pilier d’un système de droit continental offrant un égal accès à un service public de proximité aux usagers. Demain, spécialement avec les sociétés interprofessionnelles, le mot d’ordre ne sera plus soyez disponible et dévoué mais faites du chiffre. Alors non Bercy !
Cette gauche là, beaucoup n’en veulent pas. Cette gauche là, beaucoup ne la reconnaissent pas. Cette gauche là, beaucoup ne la soutiendront pas. On s’éloigne petit à petit de cette France que l’on voudrait humaniste, sociale et solidaire.
La gauche qu’on nous propose aujourd’hui donne l’impression d’une mauvaise blague. Mauvaise blague que Gérard Lenorman avait, lorsque j’étais enfant, abordé avec légèreté dans une chanson intitulée « si j’étais Président … ».
« Si j'étais Président de la République
Jamais plus un enfant n'aurait de pensée triste
Je nommerais bien sûr Mickey premier ministre
De mon Gouvernement, si j’étais président
Simplet à la culture me semble une évidence
Tintin à la police et Picsou aux finances
Zorro à la justice et Minnie à la danse
Est c'que tu serais content si j’étais président ?
Tarzan serait ministre de l’écologie
Bécassine au commerce, Maya à l’industrie,
Je déclarerais publiques toutes les pâtisseries
Opposition néant, si j’étais Président ». (Auteur : Delanoe ; compositeurs: Lenorman ; éditeurs: Warner Chappell Music France, Intersong Paris Sa.)
Alors à la relecture de ces paroles, fiction ou réalité ?
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