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Le billet
Mal être de la justice : la contagion…
Ceux qui pensent que quand la Justice va mal, tout va mal, ont encore en mémoire cette résolution de la Conférence des procureurs, dans laquelle, pour garantir une justice républicaine digne de ce nom, ces messieurs, plus debout que jamais, réclamaient plus d’indépendance, plus de stabilité et plus de moyens.
Après les parquetiers, ce sont les juges du siège qui font part, de façon tout aussi inhabituelle, de leur ras-le-bol, par la voix de la Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance !
Par la voix de son président, la Conférence souligne d’abord que l’année 2011 « restera sans doute parmi les plus difficiles supportées par (les) juridictions depuis bien longtemps. Aux difficultés matérielles et budgétaires s’ajoutent désormais un désenchantement et une souffrance généralisée chez les acteurs de terrain, magistrats et fonctionnaires ».
Une fois cet accablant constat, la Conférence émet des vœux qui parlent d’eux-mêmes…
Morceaux choisis :
« – (…) Qu’en matière de réforme, la réflexion devance l’action les études d’impact précédent leur mise en œuvre et que les moyens soient contemporains de leur entrée en vigueur ;
– que l’année 2012 ne soit pas l’occasion d’une nouvelle avalanche de textes dictés par des considérations électorales ou la réaction à des émotions, et dont la traduction législative solliciterait de plus fort les juridictions pénales au risque d’afficher un désintérêt pour les contentieux civils dont le traitement est pourtant un des facteurs essentiels de paix sociale (…) ;
– que les discours évoquant des créations d’emplois de magistrats comme de fonctionnaires se traduisent concrètement alors que nous constatons jusqu’à présent l’accroissement des vacances de poste et non la prise en compte du travail à temps partiel (…) ;
– que les budgets annoncés soient effectivement alloués et non amputés en cours d’année, spécialement ceux qui stagnent comme l’accès au droit ou qui régressent comme les frais de fonctionnement ;
– que les responsables politiques cessent d’instrumentaliser l’institution judiciaire, garante de l’État de droit, et dénigrer l’institution et les hommes qui la servent au gré des décisions qui leur déplaisent ou nuisent à leurs intérêts partisans ».
CQFD !
Une justice républicaine, digne de ce nom, est incompatible avec une production législative surabondante, incohérente et instrumentalisée. Tant que la loi demeurera un instrument de propagande électorale et un leurre politicien destiné à dissimuler les résultats médiocres d’une politique aussi spectaculaire qu’inefficace, la sécurité juridique, gage d’une justice forte et sereine, constituera un vœu pieux.
Une justice républicaine digne de ce nom doit avoir les moyens de sa mission démocratique. Moyens humains, moyens matériels, moyens qui ne soient pas simplement annoncés ou promis dans les discours mais réellement alloués pour que la justice reste un service public efficace et performant au service des justiciables.
Peut-être ce nouveau signal d’alarme tiré par les professionnels de la justice convaincra les candidats à la présidence de la République de l’urgence à faire de la justice un axe directeur de leur projet, même si électoralement c’est évidemment moins rentable que la sécurité ou la jeunesse… ? Après tout, en cette période de vœux, on peut rêver un peu…
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