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Membre de la Commission, une intermittence malheureuse
La Commission européenne rencontrerait-elle des problèmes d’attractivité ou serait-elle un nouveau marchepied pour parvenir à des fonctions politiques au sein d’un État membre, jugées plus attractives ?
Cette question peut sembler surprenante, mais ce sujet est devenu pleinement d’actualité au regard des nombreux et récents départs, quatre sur l’année 2023, qu’a connu la Commission européenne. Le dernier sera effectif ce 2 décembre et aucun n’est lié à une démission en raison de comportement inadapté ou de fautes politiques. Le dernier départ, sous forme de congé sans solde, est celui de Madame Urpilainen, finlandaise, commissaire européen aux Partenariats internationaux. Jusque-là, en dehors de situations de démission pour incompatibilité avec l’exercice des fonctions, la logique était celle d’aller au terme du mandat de cinq ans. Sous réserve de l’avis d’un comité d’éthique indépendant, l’ambition d’une nouvelle carrière intervenait postérieurement. L’étude de la Commission d’Ursula Von der Leyen montre que la situation est autre et qu’au contraire semble s’installer, de manière surprenante, une forme de concurrence entre le mandat et la participation active aux travaux de la Commission et l’ambition d’embrasser d’autres missions institutionnelles.
Cette situation appelle plusieurs remarques :
■ La première est que la fonction de commissaire européen n’apparaît pas être la panacée. Au-delà de ce constat, invérifiable, cette fonction apparaît se placer en concurrence avec d’autres fonctions présentes aux niveaux national et européen, alors même que les missions confiées ne devraient pas aboutir à des changements de fonction aussi immédiats, sans délai de carence. Le risque est en effet l’existence de conflits d’intérêts identifiés par l’accès privilégié à des documents. En outre, les intérêts de l’Union ne peuvent pas se confondre avec les intérêts nationaux. Or le passage assumé de fonctions de commissaires européens à des fonctions nationales pourrait introduire insidieusement une perception plus nationale des dossiers par certains commissaires pour préserver leur ambition politique plus locale. Ce glissement est d’autant plus dommageable que la Commission européenne est un acteur politique au regard du processus de nomination de ses membres et de l’intervention du discours de l’Union notamment. La Commission est ainsi amenée à défendre résolument les objectifs de l’Union parfois contre les États membres. De plus, la Commission européenne a un rôle primordial au sein de l’Union parce qu’elle partage aujourd’hui avec le Conseil européen le rôle d’impulsion de la construction européenne. Ensuite, elle est également la gardienne des traités. Ces missions ne peuvent être pleinement exercées qu’au regard d’une indépendance vis-à-vis de l’ensemble des États membres et plus particulièrement de l’État membre d’origine. La possibilité de prétendre à un mandat national au cours de la période comme membre de la Commission européenne crée les conditions de suspicion et questionne plus largement leur loyauté.
■ La seconde remarque est que la répétition de ce comportement par des commissaires européens pourrait conduire à considérer que le mandat exercé au sein de la Commission européenne est moins déterminant, moins prestigieux dans l’action politique. Il serait finalement plus accessoire par rapport à un mandat étatique. Ceci est très clairement en contradiction avec les compétences attribuées à l’Union européenne et les pouvoirs de la Commission. La situation actuelle pourrait conduire à une forme de déclassement, puisque les fonctions seraient finalement indifféremment exercées par d’autres personnes, peu importe la technicité du portefeuille confié. Or la nomination au sein de la Commission européenne ne peut être considérée comme une fonction de substitution à tout autre mandat national.
■ La troisième remarque est liée aux modalités de départ constatées, qui sont pour le moins variables, allant même jusqu’à préserver la situation du commissaire concerné. Il est nécessaire de dénoncer les modalités retenues. En effet, si deux personnes ont démissionné, l’une pour devenir ministre des Affaires étrangères, et l’autre pour être candidate aux législatives, avec l’espoir de devenir chef du gouvernement, les deux autres bénéficient d’un congé sans solde le temps qu’elles intègrent éventuellement de nouvelles fonctions. Pour l’une, il s’agit du temps correspondant à la campagne électorale pour la présidence finlandaise et pour l’autre celle de la présidence de la Banque européenne d’investissement (BEI). Ainsi ces dernières personnes ne prennent aucun risque en cas d’échec. La réintégration au sein de la Commission est de droit. Ce choix est clairement incompréhensible au regard d’une fonction politique, qui se distingue de celle d’un agent public ou d’un salarié. En outre, il est fait peu de cas du portefeuille confié au sein de la Commission et des conséquences sur la gestion des dossiers d’un titulaire devenu intermittent. Cette situation, nouvelle, ouvre la porte à de nombreux excès. Elle fait la part belle aux aventures individuelles au mépris de l’engagement collectif et solidaire des membres de la Commission pour l’intérêt communautaire.
Certes personne ne peut se voir imposer l’exercice d’un mandat. Toutefois le renoncement par pur opportunisme affaiblit à la fois la fonction et l’institution. De son côté, la légèreté des conditions retenues par la présidence de la Commission européenne place les personnes concernées dans une situation très avantageuse qui est susceptible de concentrer les mécontentements et de jeter le discrédit sur le rôle des commissaires européens et plus largement de l’Union, qui n’en a pas besoin à la veille des élections européennes. L’intermittence n’a pas de place pour l’acteur de premier plan qu’est la Commission européenne.
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