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Le billet
Même le dimanche…
« Le travail, c’est la santé,…rien faire c’est la conserver, les prisonniers du boulot font pas de vieux os… »
Qui se souvient encore de cette chansonnette du troubadour du farniente, le rigolard Henri Salvador ? Il est vrai qu’il n’est pas de bon ton aujourd’hui d’entonner à tue-tête, ni même a capella, un hymne à la paresse. Et lorsqu’on évoque le temps où le dimanche était sacré, quoiqu’institué par une loi laïque, et consacré au cinéma de papa, à la pêche à la ligne, aux repas de famille, aux virées champêtres, aux siestes crapuleuses, aux championnats de pétanques, aux messes en « si » et aux parties de Mille bornes, on éprouve l’étrange sentiment de parler d’un temps que de moins en moins de nos enfants pourront connaître.
Cynisme, provocation ou désinvolture, l’Histoire jugera, toujours est-il que c’est au plein cœur de l’été, lorsque les Français, abrutis par une estivale torpeur, célébraient lascivement les congés payés, les doigts de pieds en éventail ou éparpillés dans leurs tongs, qu’est entrée en vigueur (accrochez vous !!!) la loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires… Ouf !!! Ou plutôt « Aïe !!! », car sous ce titre, aussi long et lourd que laid, sous couvert de mettre de l’ordre dans le grand bazar des dérogations au principe du repos dominical et d’adapter la loi à l’évolution des mœurs consuméristes, se profilent les nouvelles valeurs de la société française… Le lien social s’efface lentement mais sûrement devant le « tout conso » : nous voilà entrés dans l’ère du « métro, boulot, conso » vitupérait un sénateur… UMP, hostile à l’extension du travail le dimanche !
C’est au fond la raison d’être de cette loi, qui rend caduque le fameux « Vivement Dimanche ! », qui suscite un scepticisme certain. Il ne s’agit pas, en effet, d’assurer la continuité de certains services dans un légitime souci de protéger la santé ou la sécurité des citoyens, mais de permettre aux citadins d’assouvir leurs insatiables besoins consuméristes. Au fond, il s’agit de travailler plus, pas toujours pour gagner plus, mais pour que les autres puissent consommer toujours et encore plus… Bien sûr, précise-t-on, les salariés ne seront pas sacrifiés sur l’autel de la société de consommation, puisque seuls les volontaires participeront à la célébration marchande dominicale. Bien sûr… Et il faut vraiment être un empêcheur de légiférer en rond pour suggérer que la précarité des emplois concernés rend peut-être illusoire la liberté des travailleurs du dimanche… Mais peu importe puisque, aujourd’hui plus qu’hier et sûrement moins que demain, notre credo c’est plus que jamais « Je consomme, donc je suis »… !
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