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Le billet
Norvège oblige !
Ils sont quand même incroyables ces Norvégiens, ces presque cinq millions d’habitants de cette monarchie constitutionnelle, modèle de démocratie pour les démocraties du vieux continent et d’ailleurs…
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer comment la justice de ce pays, dans lequel la peine de mort a été abolie dès 1905 et la prison à perpétuité supprimée en 1971, a traité Anders Behring Breivik, assassin effroyable de 77 de ses compatriotes en juillet 2011. Après ce massacre dont le coupable, un illuminé d’extrême droite jugé finalement responsable de ses actes, avait affirmé cyniquement que ceux-ci étaient « atroces mais nécessaires » pour préserver son pays d’un multiculturalisme maléfique, le gouvernement avait fait preuve d’une retenue dont certains de nos hommes politiques pourraient opportunément s’inspirer. Au lieu d’exploiter ces crimes abjects pour dénoncer l’insécurité dans les médias, pour réclamer toujours plus de répression, pour proposer une énième loi aussi inefficace que les précédentes mais susceptible d’attirer quelques électeurs de plus, le Premier ministre norvégien avait réclamé « plus de démocratie et d’ouverture », tandis que le maire de la capitale avait affirmé : « On punira le tueur en réagissant avec plus de tolérance et de démocratie »… Dis papa, c’est loin la Norvège ???
Mieux, ou pire c’est selon, pendant le procès, le fanatique bénéficiait de conditions de détention auxquelles même nos VIP, délinquants en cols blancs, ne pourront jamais prétendre, même pas en rêve… En effet, l’administration avait mis à sa disposition pas moins de trois cellules de dimension raisonnable (8 mètres carrés chacune…) : la première, pour dormir ; la deuxième, pour ses exercices physiques ; la troisième, pour son travail, pour lequel il disposait aussi d’un ordinateur, sans connexion Internet toutefois… On a appris aussi à cette occasion que les prisons en Norvège sont à cent lieues des nôtres et que les prisonniers sont traités avec dignité dans des conditions d’hygiène et de sécurité que pas une de nos geôles hexagonales peut assurer à ses pensionnaires.
Ce monde judiciaire des « Bisounours » se caractérise aussi par un système de peines qui a tous les atours d’un modèle d’humanisme. Dans une première variété, les peines sont fixées dès le jour du jugement et ne peuvent excéder 21 ans, étant entendu que des permissions de sortie et des mesures de libération conditionnelle bénéficient à l’ensemble des condamnés dans des délais raisonnables.
Breivik a lui été condamné à une peine dont la durée est indéterminée, en ce sens qu’elle peut être prolongée jusqu’à ce que le prisonnier ne soit plus considéré comme dangereux pour la société. Concrètement, Breivik purgera une peine minimum de 21 ans et ne pourra pas bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle avant une décennie, mais potentiellement il peut finir ses jours en prison si après 21 ans, il est encore considéré comme un danger public…
Comme quoi l’humanisme et le respect de la dignité des prisonniers ne riment pas nécessairement avec angélisme et laxisme. Le système des peines « sur mesure » retenu en Norvège devrait faire réfléchir notre vieux pays trop enclin à privilégier la répression « prêt à porter » qui broie les individus en les privant de tout espoir.
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