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Passe vaccinal ou obligation vaccinale ?
Les propos du ministre de la Santé selon lequel « le passe vaccinal est une forme déguisée d’obligation vaccinale » interrogent. Si bien sûr ces propos sont politiques et non juridiques, il faut bien se garder d’assimiler incitation et obligation.
La transformation du passe sanitaire en passe vaccinal aura pour effet de priver les personnes non vaccinées de certaines activités (loisirs, transports longue distance, etc.), mais pas de violer leur droit au consentement à tout acte médical de soin ou de prévention. Ce droit fondamental au consentement, consacré pour la première fois en 1942 (Cass. 28 janv. 1942, Parcelier c/ Teyssier : GADS, 3e éd., Dalloz, coll. « Grands arrêts », 2021), est également protégé au titre du droit au respect de la vie privée (Conv. EDH, art. 8). Libre donc à toute personne de refuser la vaccination, sous réserve de contraintes que ne subiront pas les personnes vaccinées.
La vaccination obligatoire remonte à une grande loi de santé publique du 15 février 1902 : « La vaccination antivariolique est obligatoire au cours de la première année de la vie » (art. 6). La maladie était terriblement contagieuse, ravageant les campagnes, la découverte du vaccin peu avant avait donc conduit le législateur à imposer la vaccination pour sauver des vies. Cette obligation a été étendue à d’autres maladies, qui se caractérisent toutes par un haut degré de contagiosité ou d’incidence, et de gravité. Il y a bien violation du droit au consentement, mais par application d’un autre droit de nature constitutionnelle, qui est le droit à la protection de la santé publique, un droit à la fois collectif et individuel (avec le droit à l’accès aux soins).
Mais dans les deux cas, peu de différences : il faudra toujours une proportionnalité entre le degré de contrainte et le danger sanitaire encouru. Une vaccination obligatoire contre une maladie soit disparue, soit très facilement soignée désormais, doit être supprimée (ce qui a été fait pour la variole). Et si la vague pandémique venait à se réduire durablement, il faudrait là encore diminuer les contraintes sur les non-vaccinés.
Surtout, ce qu’on appelle obligation vaccinale, même légale, n’est pas absolue en France. Les personnes non-vaccinées contre les onze maladies énumérées par le Code de la santé publique ne sont pas jetées en prison. Il n’existe aucune sanction pénale en cas de non-vaccination, mais uniquement des sanctions indirectes : ainsi, un enfant non vacciné ne sera pas admis dans les écoles, centres de loisirs, et autres lieux d’apprentissage collectif, pour des raisons de protection de la santé publique. Les parents pourront toujours refuser la vaccination de leur enfant, mais il faudra alors l’inscrire à des cours à distance durant toute sa période de scolarité obligatoire, et oublier les colonies de vacances.
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