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PLFSS 2025 : l’avenir des droits sociaux en débats
Comme chaque année depuis 1996, le Parlement devra adopter la loi de financement de la Sécurité sociale, qui est l’occasion d’examiner les projets de dépenses et de recettes de la Sécurité sociale, ainsi que les réformes à mettre en œuvre pour atteindre l’équilibre financier. Ces débats sont devenus essentiels, car les questions financières sont au cœur de la protection sociale, et il est important que les grandes orientations soient soumises au choix du Parlement.
Les débats, cette année, s’annoncent particulièrement ardus, en raison non seulement du morcellement politique du Parlement, qui ne permet pas de dégager une majorité stable, mais encore de la situation inquiétante de la dette française, dans laquelle est intégrée la dette de la Sécurité sociale. Cette situation exige de prendre des mesures rapides de réduction des déficits afin de garantir à long terme le maintien de notre système, et de respecter la discipline budgétaire européenne à laquelle nous sommes tenus.
Le bilan de la situation financière montre en premier lieu que la France n’a pas réussi à sortir de la situation de dégradation des comptes sociaux que l’on constate depuis la crise du covid-19. Le déficit pour l’année 2024, initialement prévu de 10,5 milliards d’euros atteindrait finalement un montant (encore incertain) de 18 milliards d’euros. Une dégradation dont la poursuite est encore annoncée pour les 4 ans à venir, 23 milliards de déficits étant déjà annoncés pour 2028. Ces chiffres conduisent à alourdir la dette existante, dont la Cades assure le remboursement. Les causes de cette situation sont nombreuses : la faible croissance économique ne permettra pas de faire entrer suffisamment de ressources, alors que la démographie pèse sur les dépenses de retraite malgré la réforme de 2023, et les dépenses de maladie, gonflées par la fragilisation de la situation sanitaire depuis la crise du covid-19 et le vieillissement de la population, continuent de croître. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est pourtant maintenu à un niveau de croissance faible, en deçà de l’évolution de la masse salariale, ce qui augure d’une contrainte conséquente sur ces dépenses.
■ Niveau de dépenses contraintes élevées et rentrées financières limitées : la situation économique ne s’annonce guère florissante pour la Sécurité sociale. Comment envisager l’avenir dans une telle situation ?
Le PLFSS, tel qu’il est présenté, ne se montre guère ambitieux à l’égard des évolutions engagées, ne parvenant à dégager de marge d’action ni du côté des prélèvements ni de celui de la prise en charge des risques sociaux. Des évolutions significatives sont prévues, notamment du côté des financements avec l’amorce d’une réforme de la politique d’allègement des cotisations patronales sur les bas salaires. Ces allègements, dont l’efficacité en termes d’emploi est contestée, seraient réduits dans un premier temps en 2025, avant d’être refondus dans un dispositif simplifié et plus ample en 2026. D’autres dispositifs vont conduire à une limitation des exonérations de cotisations, notamment en soumettant les apprentis à la CSG et à la CRDS au-delà de 50 % du SMIC, une mesure dont le coût sera supporté par les apprentis.
Le PLFSS entend également mieux canaliser certaines dépenses, en pesant, au moyen d’une politique conventionnelle avec les professionnels, sur les coûts des actes de biologie et d’imagerie, ou en redéfinissant les mécanismes de fixation des coûts des transports des patients en taxi. Les retraités seront aussi concernés, par le gel de la revalorisation des pensions, qui ne serait opérée qu’au mois de juillet au lieu du mois de janvier. La mesure est justifiée, dans le projet, par le niveau moyen des retraites qui autoriserait un effort supplémentaire de la part des retraités.
Le projet ne permet donc guère d’entrevoir d’amélioration dans les droits des assurés sociaux, dans un contexte où les difficultés sont nombreuses (accès aux soins, difficultés de l’hôpital, prise en charge insuffisante de la dépendance, inégalités sociales croissantes, etc.). Un signe positif toutefois peut être relevé du côté d’une politique plus attentive aux revendications des partenaires sociaux : le projet de loi reprend la proposition faite par les partenaires sociaux dans leur accord national interprofessionnel du 15 avril 2023 sur l’amélioration de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail. Celles-ci seront désormais indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire des atteintes physiologiques, la douleur et la détérioration des conditions d’existence induites par l’invalidité. Cette évolution n’est cependant pas sans ambiguïté, car les partenaires sociaux avaient voulu limiter l’impact de deux arrêts de l’assemblée plénière du 20 janvier 2023, qui avaient admis que les juges doivent réparer ce préjudice, selon un montant sans doute plus important que celui qui sera désormais octroyé forfaitairement par la nouvelle rente.
Sans entrer dans le détail des différentes mesures, on voit que le projet, tel qu’il est présenté, ne présente que des évolutions assez limitées, même si celles-ci peuvent avoir un impact significatif. À vrai dire, ce texte ne correspond que de loin à celui qui pourrait être adopté. Par un jeu politique difficilement lisible, plus de 2000 amendements ont été présentés, et les partis de la majorité eux-mêmes ne paraissent pas soutenir le projet qui leur est présenté. Les dispositions sur le gel des retraites ou celles sur les exonérations des cotisations pourraient en pas être adoptées. Dans le même temps, des propositions nouvelles ont été avancées au sein de la majorité, sur l’instauration de délais de carence dans la fonction publique ou sur l’augmentation du ticket modérateur en matière d’assurance maladie. Cela serait le signe d’une dégradation bien plus importante des droits. Vu l’absence de majorité, le débat sera tranché, in fine par un vote, selon la procédure de l’article 49-3 de la Constitution, sur un contenu que l’on peine à anticiper.
L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale est dès lors à rebours de ce que la réforme de 1996 avait introduit. L’idée était de favoriser la transparence dans la gestion de la Sécurité sociale, la clarification dans les orientations du budget, et l’instauration d’un droit de regard du Parlement sur ces questions sociales et financières essentielles. Le spectacle désolant qui est présenté est celui d’une confusion complète, non seulement sur la teneur du projet présenté au Parlement, mais aussi sur les orientations futures de la Sécurité sociale. Réduire les questions de dette à des questions d’ajustements techniques au gré de consensus politiques improbables ne pourra permettre de dégager un horizon d’action à long terme.
Il est temps de s’interroger sur la place, l’efficacité, et l’ampleur des exonérations de cotisations (dont le montant est de 80 milliards d’euros) et de déterminer les priorités qui doivent être poursuivies par un système de protection sociale dans un contexte budgétaire difficile. Peut-être, simplement, de revenir également aux fondamentaux et de donner tout son sens au premier article du Code de la sécurité sociale « La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale » (CSS, art. L. 111-1).
■ Cass. ass., plén., 15 janv. 2023, n° 20-23.673 : D. 2023. 321, note V. Rivollier ; ibid. 2024. 34, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RDSS 2023. 345, note F. Kessler ; RTD civ. 2023. 382, obs. P. Jourdain.
■ Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, n° 325, déposé le 10 oct. 2024
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