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Prière à l’école privée sous contrat c’est non… mais à l’université privée ?
Que n’a-t-on pas entendu sur le droit de prier durant les cours à l’école privée confessionnelle sous contrat d’association avec l’État ? C’est un assaut en règle, relayé par certains médias : le « caractère propre » des établissements confessionnels les autoriseraient à introduire des prières durant les enseignements dédiés aux programmes officiels.
C’est la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 dite « Debré » sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés qui met en place les contrats d’association entre l’État et les établissements privés d’enseignement qui le souhaitent et qui au demeurant ne sont pas tous confessionnels. Cette loi, très claire, a été codifiée :
« Dans les établissements privés qui ont passé (un contrat), l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances, y ont accès » (C. éduc., art. L. 442-1).
Qu’en déduire ? Le « caractère propre » d’un établissement d’enseignement privé, en l’occurrence confessionnel, signifie qu’il peut dispenser des cours religieux ou philosophiques, voire organiser des offices, mais en dehors des heures d’enseignement dédiées aux programmes scolaires officiels.
En effet, en contrepartie des enseignements portant sur les programmes officiels, le contrat d’association prévoit que l’État prend en charge l’intégralité des salaires des enseignants, ainsi que leur retraite. Si l’établissement introduit la prière durant les heures dédiées au programme scolaire officiel, il rompt son contrat et perd donc le bénéfice de la prise en charge étatique, d’autant que le principe de laïcité (Constitution, art. 1er) interdit que l’argent public soit consacré à une manifestation religieuse, ne fût-ce que quelques minutes.
Ajoutons que les contrats d’association comportent une autre contrepartie légale qu’il faut rappeler : « Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances, (…) ont accès (aux établissements signataires) ». Autrement dit, autoriser la prière durant les cours dans une école confessionnelle, c’est obliger un enfant athée ou d’une autre religion à y assister, en violation de sa liberté de conscience, mais au nom de la liberté de conscience des élèves : quel sophisme ! Heureusement, personne n’a proposé de laisser les élèves qui ne sont pas de la « bonne religion » de sortir durant les prières…
Argumentaire maladroit ou objectif dissimulé d’inciter les enfants issus d’autres religions à retourner vers l’école publique ou à y rester ? Prions pour rester entre nous ?
En somme, des temps de prière voire des offices peuvent bien entendu être organisés au sein des établissements privés sous contrat, mais de manière facultative et hors temps dédié aux programmes scolaires officiels.
Et à l’université ?
Le problème se pose dans des termes différents. Il n’existe pas de contrat d’association similaire à celui qui unit les écoles et l’État. Les étudiants sont en principe majeurs, et la présence en cours n’est pas obligatoire, sauf en travaux dirigés et souvent dans le cadre des masters 2 ou des formations professionnelles courtes.
Peut-on dès lors imaginer un enseignant de ces établissements consacrant quelques minutes de son cours à une prière ? Après tout, quelques minutes de prière ne peuvent en principe entraver l’apprentissage des matières au programme. S’il en allait autrement, l’établissement aurait tôt fait de ruiner sa réputation.
Reste que ces établissements touchent souvent des subventions publiques substantielles, notamment des collectivités territoriales, qui peuvent juger qu’il leur est interdit de financer des manifestations religieuses.
Surtout, l’article L. 731-1 du Code de l’éducation permet aux « établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif, concourant aux missions de service public de l'enseignement supérieur », d’être reconnus par l'État en tant « qu'établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général », ce qui leur permet aussi d’obtenir des subventions dans le cadre de contrats (C. éduc., art. L. 732-2). Dans ces conditions, toute prière obligatoire est exclue durant les cours dédiés aux formations sanctionnées par des diplômes d’État et subventionnées.
Enfin, et surtout, en cas de cours ou travaux dirigés obligatoires, imposer la prière revient là encore à porter atteinte à la liberté de conscience des étudiants athées ou d’autres religions. D’autant que ces établissements sont intégrés dans ParcourSup et que des étudiants de toutes religions sont susceptibles d’y entrer alors même que ce n’était pas leur choix initial.
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