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Le billet
QPC relative à l’interdiction du mariage entre les personnes de même sexe.
Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer sur l’opportunité du mariage homosexuel.
Saisis d’une QPC posée par la première chambre civile de la Cour de cassation portant sur la conformité à la Constitution des articles 75 et 144 du Code civil, respectivement relatifs aux formalités de la célébration du mariage et à la fixation de l’âge nubile (Civ.1e, 16 nov. 2010), les sages de la rue Montpensier ont rendu leur décision le 28 janvier dernier. Les articles « litigieux » font référence au mari et à la femme ou à l’homme et la femme.
Une question relative à la contrariété à l’article 66 de la Constitution des articles 75 et 144 du Code civil en tant qu’ils interdisent au juge judiciaire d’autoriser de contracter mariage entre personnes du même sexe a rapidement été écartée par le juge constitutionnel. En effet, la conception du Conseil constitutionnel de l’atteinte à la liberté individuelle est circonscrite aux mesures privatives de liberté. Il considère la liberté du mariage comme une liberté personnelle résultant des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.
En revanche, sont développés dans la décision du 28 janvier, les griefs relatifs à la méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale (préambule de la Constitution de 1946, al. 10) et à celle de l’égalité devant la loi (DDH, art. 6).
Le droit de mener une vie familiale normale se comprend comme un droit de mener de manière concrète une certaine vie de famille mais ce droit ne dépend pas d’un statut juridique particulier. Si l’impossibilité d’accéder à un statut juridique particulier avait pour conséquence d’empêcher de mener une vie familiale normale, alors dans ce cas, ce statut ne serait pas conforme à la Constitution. En l’état actuel du droit, les couples de même sexe ont la possibilité de vivre en concubinage (art. 515-8 C. civ.) ou de signer un pacte civil de solidarité (art. 515-1 s. C. civ.). Ainsi, le Conseil constitutionnel estime que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples homosexuels.
Enfin, se posait la question de savoir si le principe d’égalité devant la loi impose-t-il, en droit de la famille, que les couples homosexuels aient les mêmes droits que ceux accordés aux couples composés d’un homme et d’une femme. Le Conseil constitutionnel considère qu’en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, « le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation… peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille ». Ainsi, les sages refusent de se substituer au législateur pour déterminer si le mariage doit être étendu aux couples de même sexe. Le Conseil constitutionnel n’est ni favorable ni opposé à ce type de mariage, il estime uniquement que cette question de société nécessite un débat parlementaire.
Cons. const., 28 janvier 2011, Mmes Corinne C. et Sophie H, n° 2010-92 QPC, JO 29 janv., p. 1894 ; Cah. cons. const. n° 32.
Références
■ Article 66 de la Constitution
« Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
■ Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
Article 2
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »
Article 4
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »
Article 6
« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
■ Préambule de la Constitution de 1946, al. 10
« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »
■ Code civil
« Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l'officier de l'état civil, à la mairie, en présence d'au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212, 213 (alinéas 1er et 2), 214 (alinéa 1er) et 215 (alinéa 1er) du présent code. Il sera également fait lecture de l'article 371-1.
Toutefois, en cas d'empêchement grave, le procureur de la République du lieu du mariage pourra requérir l'officier de l'état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour célébrer le mariage. En cas de péril imminent de mort de l'un des futurs époux, l'officier de l'état civil pourra s'y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République, auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, faire part de la nécessité de cette célébration hors de la maison commune.
Mention en sera faite dans l'acte de mariage.
L'officier de l'état civil interpellera les futurs époux, et, s'ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la célébration et autorisant le mariage, d'avoir à déclarer s'il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l'affirmative, la date de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l'aura reçu.
Si les pièces produites par l'un des futurs époux ne concordent point entre elles quant aux prénoms ou quant à l'orthographe des noms, il interpellera celui qu'elles concernent, et s'il est mineur, ses plus proches ascendants présents à la célébration, d'avoir à déclarer que le défaut de concordance résulte d'une omission ou d'une erreur.
Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. »
« L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »
« Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. »
Article 515-8
« Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »
■ Civ.1ère, 16 nov. 2010 ; D. 2011. 209 Roux.
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