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Le billet
Quel droit social pour la Présidence d'Emmanuel Macron ?
Quel avenir envisager pour le droit social au lendemain de l'élection du nouveau Président de la République ? Il est sans doute prématuré de poser un pronostic précis avant de connaître la composition de la future majorité parlementaire, au seul vu des programmes jusque-là présentés. Néanmoins, les projets annoncés laissent entrevoir la physionomie des réformes qui vont probablement être entreprises sur le terrain du droit social.
Sans surprise, l'ensemble des réformes proposées est engagé dans une perspective dominée par un horizon économique : le mot d'ordre est de « libérer le travail et l'esprit d'entreprise ».
Dans la continuité des réformes engagées depuis une dizaine d'années, la simplification du droit du travail -entendue comme l'allègement des contraintes pesant sur les employeurs- conduira ainsi à poursuivre l'opération de simplification / recodification du Code du travail annoncée et amorcée par la loi El Khomri du 8 août 2016. La primauté donnée à l'accord d'entreprise sera à nouveau renforcée, et le Code du travail n'aurait plus vocation à définir qu'un socle minimal de règles d'ordre public. Dans la même continuité avec les projets précédents, il est prévu de simplifier les institutions représentatives d'une entreprise en une unique instance.
Le programme se situe donc dans la continuité d'un grand nombre de textes adoptés depuis dix ans en droit du travail, à commencer par la loi du 6 août 2015 (dite Macron) qui avait déjà réformé un grand nombre de règles du droit social dans la perspective de stimuler l'économie.
Il n'est ici ni le lieu ni l'heure de critiquer un tel projet politique, mais il nous semble qu'il serait un jour utile de songer à évaluer avec rigueur ces réformes à la hache du droit du travail sans que les effets économiques annoncés aient jamais été au rendez-vous jusqu'ici. Elles conduisent juridiquement à malmener des principes et des équilibres importants sans qu'émerge clairement une nouvelle cohérence. Les réformes de la procédure prud'homale issues de la loi Macron ont conduit à un effondrement du contentieux, inquiétant du côté de l'accès à la justice et de la garantie des droits des salariés.
Explicitement inspiré par les modèles scandinaves fondés sur la « flexicurité », le projet compense cette flexibilisation des règles du droit du travail par la promotion de « nouvelles protections » extérieures au rapport d'emploi. Des réformes majeures sont ici annoncées. L'assurance chômage devrait prendre un visage nouveau. Le paritarisme traditionnel en la matière serait écarté au profit d'une gestion étatique. Les droits à l'assurance chômage seraient étendus aux travailleurs indépendants ainsi qu'aux salariés démissionnaires. En retour, le contrôle des demandeurs d'emploi serait renforcé et des sanctions prononcées en cas de refus de deux « emplois décent ». Dans la même veine, est annoncée une réforme en profondeur de la formation professionnelle.
Ces évolutions permettront-elles d'insuffler en France un nouveau modèle social à l'origine d'un dynamisme nouveau de l'économie ? Il est permis de s'interroger au vu des résultats des précédentes réformes inspirées de présupposés similaires. La réussite scandinave n'est sans doute pas tant le fruit du seul échange entre flexibilité et sécurité, que de la solidité du modèle social, nourri de la forte présence des partenaires sociaux à tous les niveaux, de la solidité du consensus social, du faible niveau des inégalités et de l'efficacité des services publics.
On mesure alors que l'ampleur des défis représentés par la modernisation du modèle social français : loin de se contenter d'un « détricotage » du Code du travail, elle exigera de repenser profondément l'organisation des protections sociales tout en garantissant un juste équilibre des pouvoirs dans le cadre des rapports de travail. Vaste programme, qui reste encore en grande partie à imaginer.
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