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[ 28 janvier 2019 ] Imprimer

Quelles élections ? Quels débats ?

Les élections visant à désigner les députés au Parlement européen approchent à grands pas, puisqu’elles auront lieu le 26 mai 2019. Comme tous les cinq ans, le sujet est loin de mobiliser les français, pas davantage que la plupart des citoyens européens à quatre mois du scrutin. Seule la volonté de certains « gilets jaunes » de vouloir déposer une liste impose l’expression « élections européennes » dans le traitement médiatique, sans qu’un débat de fond soit véritablement ouvert sur les perspectives de la construction européenne.

La distance avec les questions européennes n’est pas récente, mais elle marque aujourd’hui sans doute davantage les esprits, alors que le Président de la République a fait de cette question un enjeu du débat national en se positionnant très tôt (discours à la Sorbonne du 26 sept. 2017, « Initiative pour l’Europe ») et que le Brexit crée les conditions d’un débat sur la nature de la construction et sur ses conséquences positives et négatives.

Plus symptomatiques, les partis politiques français ne semblent pas avoir fait de ces élections une priorité. C’est ainsi que les leaders politiques des partis les plus représentatifs ont pris leurs distances, préférant ne pas être tête de liste. Il en ressort un scrutin qui fait la part belle à des personnalités moins connues, dans l’hypothèse où une tête de liste a déjà pu être désignée. Le mode de scrutin aurait pourtant dû favoriser la présence de personnalités plus rassembleuses. En effet, le scrutin a gagné en lisibilité à la suite de la réforme électorale du 25 juin 2018, (loi n° 2018-509), en introduisant à nouveau un scrutin national à la proportionnelle. Au contraire, les élections européennes apparaissent comme une tribune à la politique interne, y compris pour les « gilets jaunes », sans qu’un positionnement sur les enjeux européens ne soit défini. 

Cette situation interpelle alors que le Parlement européen n’a cessé de voir ses prérogatives renforcées. En premier lieu, il participe pleinement à l’adoption des actes législatifs de l’Union avec le Conseil de l’Union, dès lors, notamment, que la procédure législative ordinaire est mise en œuvre. Beaucoup de directives et de règlements ont une incidence sur notre quotidien et justifient l’élaboration d’un programme, allant au-delà de considérations générales ou de prises de position sur des compétences que l’Union européenne n’a pas.

En second lieu, le Parlement européen a un rôle essentiel dans le processus de désignation de la Commission européenne. C’est l’une de ses prérogatives les plus importantes et elle devrait justifier à elle seule une attention toute particulière pour ces élections et un véritable débat. En effet, l’article 17, paragraphe 7 du traité sur l’Union européenne précise que le Conseil européen doit proposer un candidat à la présidence de la Commission qui tient compte des élections du Parlement européen. Ceci implique que le candidat soit issu du groupe parlementaire le plus important. Cette logique a été poussée, en 2014, au-delà des textes, pour la désignation de la dernière Commission européenne. En effet, les deux plus grands groupes politiques, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates et le Parti populaire européen, ont choisi en amont leur propre candidat l’imposant au Conseil européen. Le même processus au sein de ces mêmes groupes est en cours et rien n’empêche d’autres formations d’adopter une même stratégie, notamment les groupes plus hostiles à cette construction. Il en résulte que les différents partis politiques français auraient tout intérêt à se positionner réellement sur les enjeux politiques européens, en s’alliant à d’autres formations politiques présentes dans les autres États membres. En pesant ainsi sur la nomination de la présidence de la Commission et des autres commissaires, l’investiture du parlement étant requise, ces groupes auraient leur mot à dire sur les orientations définies par la Commission. 

Les élections européennes, loin d’être anecdotiques, sont partie intégrante du processus de la construction européenne et un moyen de la réorienter ou de la renforcer. Cependant, elle nécessite en amont que les questions européennes soient maîtrisées, travaillées par nos représentants, que nos élus soient présents dans l’hémicycle du Parlement européen, pas uniquement pour faire acte de présence au moment du vote des textes, mais également pour travailler dans les commissions, être rapporteurs de textes. Or, nos élus sont bien souvent très en retrait dans ce travail de l’ombre. Sans doute que le Parlement européen est trop loin pour nous, Français. Après tout le Parlement européen siège… à Strasbourg !

 

Auteur :Vincent Bouhier


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