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Le billet
Qui trop informe, mal éclaire !
Après de longs mois de gestation parlementaire, la loi du 17 mars 2014 qui réforme le Code de la consommation a donc enfin vu le jour. D’ores et déjà, on a beaucoup glosé sur l’action de groupe, qu’elle a finalement introduit, et sur la définition restrictive du consommateur qu’elle retient, en la restreignant, à l’image du droit européen, aux seules personnes physiques.
Du fatras et du maquis que son examen révèle, du charabia réglementaire dont elle est boursouflée, on ne s’arrêtera que sur l’information précontractuelle qu’elle est supposée renforcer. Dans l’absolu, la nécessité d’une obligation précontractuelle d’information ne fait aucun doute ; en effet, elle permet de tempérer l’inégalité consubstantielle à la relation contractuelle qui unit un professionnel et un consommateur. En raison de sa situation de faiblesse, celui-ci est dans l’impossibilité de négocier le contrat qu’il entend conclure avec le professionnel et il est donc exposé au risque d’abus. L’obligation précontractuelle d’information que la loi édicte à son profit conduit à restaurer une véritable liberté contractuelle, purement virtuelle dans les contrats d’adhésion, produits contractuels de masses unilatéralement conçus à grande échelle par les contractants professionnels.
À l’instar du délai de la réflexion, l’obligation d’information confère au consommateur une véritable liberté de se lier, puisque bien informé, il peut s’engager, non de façon insouciante, mais en parfaite connaissance de cause de la réalité et de la portée de son engagement contractuel. En somme, on ne peut qu’approuver la philosophie qui anime l’obligation précontractuelle d’information, à savoir que la liberté contractuelle n’est qu’un leurre, faute de lucidité de la part de celui qui s’engage ; en bref, liberté contractuelle et lucidité du consentement sont ni plus, ni moins, indissociables.
Certes, mais alors pourquoi faut-il que le législateur tombe dans le panneau de la surinformation précontractuelle ?
Dans le droit nouveau, même si le phénomène, lui, ne date pas d’hier, on ne peut que déplorer le fait que le législateur ait privilégié la quantité d’informations sur la qualité de l’information. Avant la loi nouvelle, même si l’obligation précontractuelle d’information se déclinait pour chaque contrat spécial régi par le Code de la consommation, il existait un article L. 111-1, I qui disposait sobrement que « Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ». Voilà qui était suffisamment clair, net et précis, d’autant que, dans un registre un peu différent, mais parfaitement complémentaire, l’article L. 133-2, alinéa 1er, énonce que « Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible ».
Désormais, l’article L. 111-1 reprend, avec un luxe infini de détails, le contenu de l’obligation générale précontractuelle d’information qui s’impose à tout vendeur ou prestataire de services professionnel, dont on épargnera au lecteur le menu de peur qu’il soit atteint d’indigestion, sans compter que le texte annonce, in fine, que la liste et le contenu précis des informations exigées seront fixés par décret en Conseil d’État.
Avec l’expérience acquise grâce à une abondante jurisprudence relative à l’obligation précontractuelle d’information en matière de droit de la consommation, on ne peut que rester circonspect face à la méthode retenue par le législateur. Depuis plusieurs années, en effet, la Cour de cassation décide que le professionnel ne peut prétendre s’être acquitté de son obligation d’information en se contentant de remettre au consommateur une offre écrite respectant à la lettre le formalisme légal. En d’autres termes, le professionnel ne peut se contenter de remettre au consommateur, une information « prêt à porter », standardisée, dépersonnalisée. L’exécution de son obligation d’information exige, au contraire, qu’il assure à son contractant une information « sur-mesure », ce qui suppose qu’il s’informe de la situation personnelle, familiale, professionnelle, patrimoniale du consommateur pour lui communiquer une information personnalisée, adaptée à son profil spécifique, et qu’il attire l’attention du consommateur sur les risques engendrés par le contrat qu’il entend conclure.
En somme, le professionnel doit œuvrer pour que le consentement du consommateur s’exprime avec une parfaite lucidité, faute de quoi la liberté contractuelle n’est rien d’autre qu’un fantôme. Or, il est moins que certain que le Code nouveau permettra d’obtenir un tel résultat et on peut craindre que le consentement du consommateur surinformé, en droit, ne sera guère éclairé, en fait… Caramba, encore raté !!!
Références
■ Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JO 17 mars.
■ Code de la consommation
Article L. 111-1 ancien
« I. - Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
II. - Le fabricant ou l'importateur de biens meubles doit informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces indispensables à l'utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est obligatoirement délivrée au consommateur par le vendeur, avant la conclusion du contrat.
III. - En cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations.»
Article L. 111-1 (L. no 2014-344 du 17 mars 2014, art. 6-I)
« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes:
1o Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné;
2o Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1;
3o En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4o Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'État.
Le présent article s'applique également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement. »
Article L. 133-2
« Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible.
Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable aux procédures engagées sur le fondement de l'article L. 421-6. »
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