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Réflexions autour du vote blanc
À quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, alors que les candidats essaient de distinguer leur programme les uns des autres, les intentions de votes sont encore changeantes. Les Français iront-ils voter, vont-ils s’abstenir ou voter blanc ? Que prévoient la constitution et le code électoral sur ces deux choix des électeurs ?
Quelques précisions terminologiques pour commencer : l’abstention est constituée par la non-participation d’un électeur au scrutin que celui-ci soit celui d’une élection ou d’un référendum. En revanche, le vote blanc ou nul témoigne de la participation de l’électeur au scrutin. Toutefois, le vote nul est caractérisé par un bulletin sans enveloppe, un bulletin annoté, un bulletin déchiré ou un autre document qu’un bulletin de vote, inséré dans l’enveloppe (le bulletin est alors qualifié de « non réglementaire »). Le vote blanc quant à lui correspond à une enveloppe vide, sans bulletin, ou une enveloppe avec un bulletin vierge sans nom de candidat (v. C. élect., art. L. 66).
Si l’on regarde les taux d’abstention depuis 2002, date à laquelle le président a été élu pour la première fois pour cinq ans, elle a évolué autour de 20 % (20,29 % en 2002, 16,03 % en 2007 et 19,65 % en 2012) et a culminé à 25,44 % en 2017 lors de la dernière élection présidentielle.
Pendant longtemps, les bulletins blancs ou nuls ont été décomptés ensemble, sans distinction. Ils représentaient environ 4 % des suffrages (4,3 % en 2002, 4,20 % en 2007 et 4,68 % en 2012). Il a fallu attendre la loi du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections (n° 2014-172) pour que les deux types de votes soient distingués. Ainsi en 2017, il a été comptabilisé 6,35 % de vote blanc et 2,24 % de vote nul.
La loi a été adoptée dans l’objectif de reconnaître le vote blanc comme un acte citoyen. François Sauvadet, député, à l’initiative de la proposition de loi l’explique dans l’exposé des motifs (v. ici) : « [le vote blanc] se distingue de l’abstention – l’électeur s’étant déplacé jusqu’à son bureau de vote – et exprime au contraire un choix, une volonté politique de participer au scrutin pour dire son refus de choisir entre les candidats en lice. (…) L’assimilation des votes blancs à des votes nuls contribue à décourager les électeurs d’accomplir leur devoir électoral car ils ont le sentiment légitime de ne pas être pris en considération, alors même qu’ils ont exercé leur droit de vote avec civisme. (…) Avec l’adoption de cette proposition de loi, une distinction claire sera enfin opérée entre l’absence de vote, le vote nul parce qu’irrégulier, et le vote blanc du citoyen qui considère ne pouvoir retenir aucune des options qui lui sont proposées. Ce dernier, qui verrait la spécificité de sa démarche enfin reconnue, serait moins tenté de se résigner à l’abstention ou à un vote extrême dont la montée interpelle tous les démocrates. »
Si la distinction semble en effet souhaitable, la portée de la loi reste cependant bien limitée. En effet, bien que décomptés séparément, les votes blancs et les votes nuls ne sont toujours pas assimilés à des suffrages exprimés (on entend donc par suffrages exprimés, l’ensemble des votes moins les votes blancs et nuls). En d’autres termes, ils sont considérés comme des suffrages non exprimés. Or, d’après l’article 7 de la Constitution, « le Président est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Le vote blanc et le vote nul ne peuvent donc pas, à ce jour, influencer l’élection du chef de l’État. Ils n’ont aucune valeur juridique.
Face à l’augmentation du taux d’abstention, la prise en compte des votes blancs est régulièrement envisagée. Pour le scrutin présidentiel, le Conseil constitutionnel reconnaît que l’intégration des votes blanc dans les suffrages exprimés « rendrait plus difficile une élection au premier tour » et « empêcherait l’élection au second tour si le candidat arrivé en tête ne rassemblait pas plus de voix que celle de son adversaire, augmentées des bulletins blancs » (v. ici). C’est bien justement là tout l’intérêt ou tout le danger de cette éventuelle réforme dont les enjeux sont complexes (v. P. Blachèr, B. Daugeron, « Vote blanc : avancée démocratique ou non-sens électoral ? », D. 2014. 673). Dans l’attente, nul doute que les élections présidentielle et législative de cette année vont encore être scrutées et analysées au prisme de ces nuances.
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