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Réforme de l’Université : un bon « Plan » pour les Facultés de droit ?
Comme chaque année, la rentrée universitaire a été à l’origine d’une forte polémique. Certaines filières connaissant plus de succès que d’autres, les autorités ont mis en place un mode de sélection jugé inacceptable : le tirage au sort. Outre l’injustice d’un tel procédé, de nombreux candidats se retrouvaient sans formation universitaire, obtenant une réponse souvent trop tardive pour envisager un plan B. Cet épisode malheureux est révélateur d’un besoin plus profond : repenser le statut de l’étudiant et son accès à l’Université.
C’est dans cette optique que le Gouvernement a décidé de prendre les choses en main en proposant, le 30 octobre 2017, un « Plan étudiants » composé de 20 mesures destinées à améliorer le lien entre le secondaire et l’Université. Le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants est désormais « en marche » même s’il reçoit une réception mitigée, avec un avis positif historique du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche contrebalancé par un avis négatif du Conseil supérieur de l’éducation. L’objectif est d’identifier au plus tôt, dès la terminale, le profil de l’étudiant et son adéquation au cursus universitaire envisagé. S’il faut féliciter le Gouvernement d’avoir entrepris une telle réforme, elle demeure tout de même au milieu du gué et camoufle les intentions réelles des autorités.
Le Gouvernement décide de mieux orienter les étudiants en agissant, en premier lieu, en amont du processus. Dès la classe de terminale, deux professeurs principaux accompagneront le lycéen dans ses choix et le conseil de classe donnera son avis sur ses projets. Une série d’informations et de réunions sera organisée pour mieux orienter le futur candidat. Puis viendra la nouvelle procédure d’inscription des vœux, réduits au nombre de 10 sans ordre de préférences, hormis les BTS, IUT et « Grandes écoles » qui conservent leur propre mode de sélection. L’admission PostBac (APB) et son algorithme sont remplacés par une nouvelle plateforme appelée Parcoursup.
Chaque filière universitaire publiera ses « attendus » afin d’éclairer les candidats sur les « prérequis », même si le lycéen est censé avoir le « dernier mot » selon le mot rassurant du Gouvernement ! Ce « dernier mot » est de la « poudre de perlimpinpin », car les universités auront naturellement et légitimement tendance à se fier aux appréciations données par le conseil de classe. A l’issue de cette procédure, trois réponses sont envisageables : une réponse positive (« oui »), conditionnée (« oui si ») et « en attente ». La deuxième réponse obligera le candidat à suivre au sein de l’Université une « remise à niveau » pour accéder à la filière demandée, système très inspiré de l’exemple italien.
En aval et en deuxième lieu, une fois le candidat entré dans la licence de son choix, le Gouvernement souhaiterait mettre en place une formation à la carte au moyen d’un « contrat de réussite pédagogique ». L’étudiant pourra se livrer à une adaptation temporelle et substantielle de sa formation en deux, trois ou quatre ans. A cet ensemble s’ajoute une réforme de la sécurité sociale étudiante, des engagements pour le paiement de la bourse dès le 5 du mois et une amélioration de l’offre de logements étudiants.
Personne ne peut nier l’effort sérieux qui est fait afin d’améliorer l’entrée, le suivi et les conditions de vie des étudiants. On peut cependant douter de l’efficacité d’une telle réforme, spécialement pour les Facultés de droit.
Tout d’abord, s’agissant de la remise à niveau, elle existe depuis de nombreuses années aux États-Unis et les études qui ont été faites révèlent que la valeur ajoutée d’une telle année de « filtrage » est négligeable. En outre, s’il s’agit d’intégrer au sein de l’Université une année de remise à niveau, notamment au sein des Facultés de droit, il va falloir augmenter les moyens des Universités tant en locaux, les salles ont un taux d’occupation tel qu’aucun rattrapage ne peut être envisagé dans certaines universités, qu’en enseignants. S’il s’agit de prévoir un cursus spécial pour les étudiants en « probation », les crédits des Universités devront être augmentés. Certes un milliard d’euros sur cinq ans dont 500 millions pour la création de 130 000 places supplémentaires sont prévus. Mais les Facultés de droit en bénéficieront-elles alors qu’actuellement il est décidé dans de nombreuses Facultés de ne plus recruter ni enseignants ni administratifs ?
Ensuite et surtout, il ne faut pas se voiler la face sur les intentions du Gouvernement : il souhaite sélectionner l’entrée dans les Universités. C’est la « fin du mythe de l’Université pour tous » (E. Macron). En demandant aux lycées d’évaluer les candidatures en émettant un avis et en chargeant les Universités de répartir les candidats en trois catégories, on opère sans le dire une sélection entre les étudiants. Les « Attendus » et « Prérequis » ne sont que les avatars d’une véritable sélection mieux acceptée par nos voisins européens (Angleterre, Irlande, Espagne) et Outre-Atlantique. Ce n’est pas tant le principe de la sélection qui gêne mais le refus du Gouvernement de le dire clairement. Au surplus, si une sélection doit avoir lieu à l’entrée de l’Université dans les filières les plus tendues telles que le droit, il faudrait à l’instar de nos voisins anglais, irlandais et espagnols mettre en place une vraie sélection sur dossier et/ou au moyen d’un examen d’entrée sur les fondamentaux indispensables à chaque filière choisie. Une vraie sélection exige une augmentation des droits d’inscription accompagnée d’une aide personnalisée aux étudiants qui ont peu de moyens, sans se référer exclusivement à ce critère souvent injuste et peu réaliste qu’est le revenu des parents. Les études supérieures ont un coût et l’État n’entend pas le prendre en charge. A-t-on alors vraiment le choix ? Par ailleurs, la licence à la carte proposée (imposée) à toutes les Universités est-elle raisonnable au sein de Facultés de droit qui connaissent déjà des sureffectifs impossibles à gérer. La licence à la carte n’est envisageable que si les effectifs sont peu nombreux.
Enfin, la vraie réforme ne se situe pas seulement au stade de l’accès à l’Université. L’échec existe pendant et après l’Université. Pour y remédier, pour des filières telles que le droit, ce sont la méthode et le contenu de l’enseignement qui doivent être repensés afin de former les juristes du 21e siècle.
S’il faut de l’audace pour initier des réformes, il faut du temps pour les mettre en œuvre. Gageons qu’une réforme d’ensemble de l’Université n’attendra pas la fin du quinquennat pour voir le jour.
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