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Réforme du droit des contrats : cette fois, c’est parti !
Avec la décision du Conseil constitutionnel, que celui-ci a rendu le 12 février 2015, il semble bien que l’on soit bientôt et enfin arrivé dans la dernière ligne droite de la réforme du droit des contrats.
On se souvient que l’Assemblée nationale et le Sénat se sont, ces derniers mois, opposés sur le point de savoir si le gouvernement pouvait être habilité à réformer le droit des contrats par voie d’ordonnance. Après un long périple parlementaire, le dernier mot est finalement revenu à l’Assemblée nationale qui, le 28 janvier, a en lecture définitive voté cette habilitation. Mais les sénateurs n’ont pas pour autant désarmé puisqu’un certain nombre d’entre eux, dans la foulée des critiques émises par certains auteurs, a saisi le Conseil constitutionnel, en soutenant en substance que l’habilitation donnée au gouvernement pour réformer le droit des contrats, d’une part, excédait « en raison de son ampleur et de l’importance que revêt dans l’ordre juridique le droit des contrats (…), les limites qui résultent de l’article 38 de la Constitution en matière de recours aux ordonnances », d’autre part, portait atteinte à la sécurité juridique, « compte tenu des modifications qui pourraient être apportées au droit des contrats (…) par le Parlement à l’occasion de la ratification de l’ordonnance ».
Le Conseil ne les a pas entendus, c’est le moins qu’on puisse dire. Après avoir sobrement rappelé les conditions que le gouvernement doit, en vertu de l’article 38 de la Constitution, respecter quand il demande au Parlement de prendre des mesures qui relèvent de la compétence de celui-ci, et considéré que l’habilitation conférée par la loi qui lui était déférée était « précisément définie dans son domaine et ses finalités », le Conseil rappelle les mesures qui s’impose au législateur lorsqu’il ratifie les dispositions d’une ordonnance entrée en vigueur, afin que soit préservé l’impératif de sécurité juridique. La loi d’habilitation est donc déclarée conforme à la Constitution.
On ne reviendra pas, tant la question a déjà été débattue, sur la légitimité démocratique du recours aux ordonnances pour réformer le droit des contrats et on se contentera juste de relever que ce nouvel épisode illustre la remarque de Pascale Deumier, selon laquelle « le code civil est plus le fruit d’une élaboration savante et pratique que celui d’un beau débat démocratique » (RTD civ. 2014. 601).
Et maintenant ? Quelles sont les étapes qui doivent encore être franchies avant que le titre III du Livre III du Code civil soit réellement modifié ?
Première étape, qui devrait intervenir très rapidement, la publication de la loi qui habilite le gouvernement à réformer le droit des contrats par ordonnance.
Deuxième étape, une vaste consultation va être lancée par le gouvernement à destination de tous ceux qui potentiellement ont leur mot à dire sur le contenu de la réforme : organisations professionnelles, praticiens, universitaires et j’en passe certainement. Cette étape prendra plusieurs mois et nous promet quelques débats aussi récurrents que passionnés. Point n’est besoin d’être devin pour prédire qu’on va s’écharper sur le sort qui doit être réservé à l’emblématique notion de cause, sur l’opportunité d’intégrer dans le Code civil une règle de protection contre les clauses abusives et un principe général de bonne foi, sur le maintien de l’absence de révision judiciaire pour imprévision, sur le pouvoir de révision judiciaire du prix abusif, sur l’admission d’une exception au principe de l’exécution forcée en nature lorsque celle-ci est manifestement déraisonnable.
Après cette consultation qui durera probablement quelques mois et dont le gouvernement fera son miel… ou non, le texte sera alors soumis au Conseil d’État pour avis. Sera venu le temps de la réforme proprement dite par voie d’un règlement adopté en Conseil des ministres ; puis, pour que le texte qui aura alors la valeur d’un règlement, accède au rang de loi, devra être votée une loi de ratification.
Pour parcourir toutes ces étapes, le gouvernement dispose d’un délai de 12 mois à compter de la publication de la loi d’habilitation. Autant dire qu’en principe, les étudiants qui suivront le droit des contrats en deuxième année de licence entre les mois de septembre et de décembre 2015, ont des chances d’entendre leur professeur conjuguer son cours à deux temps : le présent et le futur. L’important sera qu’ils n’en perdent pas leur latin…
Références
■ Cons. const. 12 févr. 2015, n° 2015-710 DC, Loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
■ Article 38 de la Constitution
Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
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