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Le billet

[ 18 mai 2020 ] Imprimer

Surpopulation carcérale : autant en emporte le virus !!!

La France, dont on se souvient peut-être qu’on l’appelle parfois encore le pays des droits de l’homme souffre de surpopulation carcérale et pêche par mauvais traitement infligé à cette horde de détenus et de prévenus. 

Au 1er janvier 2020, selon la direction de l’administration pénitentiaire, alors que 61080 places étaient disponibles dans les prisons de notre hexagone, 70651 personnes étaient incarcérées dans celles-ci. Autrement dit, le taux d’occupation moyen de nos établissements pénitentiaires s’élevaient à 116% ; une paille !!!!!!!!. Puis, miracle (?), le 30 avril dernier un grand quotidien du soir annonçait que les prisons françaises contenaient pas-moins de 11500 détenus de moins !!! Quant à la ministre de la justice, elle a affirmé dans ce même numéro du Monde que le taux d’occupation des prisons était désormais inférieur à 100%.

Les bonnes âmes pourraient imaginer que cette diminution de la population carcérale est la conséquence pour le pays des droits de l’homme du respect des principes de la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen. Enfin, pourrait-on alors se réjouir, car notre pays a déjà été condamné plusieurs fois au cours de ce siècle par la Cour européenne éponyme pour traitement dégradant, au titre de la surpopulation carcérale, en vertu des articles 2, 3 et 13 de la CEDH. 

En bref, le message adressé par la Cour européenne à l’État français était le suivant : «  Peines privatives de liberté : oui ! ; Peines privatives de dignité et d’intimité : non ! ». Or, il ne faut pas être grand clerc pour deviner que la surpopulation carcérale constitue un laisser-passer à de potentielles et graves atteintes à l’hygiène, la dignité et l’inimité des personnes incarcérées. Il convient de relever que ce ne sont pas les nombreuses condamnations dont notre douce France a été l’objet qui a emporté la baisse de la surpopulation carcérale. D’ailleurs la dernière décision rendue, en ce sens, par la CEDH, date du 30 janvier 2020 (J.M.B. et autres c/ France, n° 9671/15).

En réalité, cette diminution de la surpopulation carcérale, qui fait entrer la France dans la classe des bons élèves de la Convention européenne, est une conséquence de la pandémie qui affecte nos villes et nos campagnes. Entre autres, ce dépeuplement des prisons est la conséquence de la baisse de l’activité pénale et de la délinquance pendant la période du confinement.

Et demain, qu’en sera-t-il ? Les pessimistes parient que lorsque le coronavirus aura repris ses cliques et ses claques, la population carcérale repartira à la hausse. En ce sens, madame Belloubet considère que la fin du confinement fait craindre une remontée du nombre des personnes incarcérées. Alors que faire pour que les lieux de privation de liberté demeurent respectueux de la dignité et de l’intimité des personnes qui qui sont privées de liberté, si tant que l’on admette que quitte à être emprisonnées elles n’en sont pas moins hommes ? 

Un article rédigé par un collectif d’avocats et récemment publié apporte une proposition que l’on fera sienne. Il s’agirait de confier aux avocats, qui sont des acteurs de la justice et des gardiens de la démocratie, comme c’est déjà le cas aux parlementaires, un droit de visite dans les lieux de privation de liberté. Comme l’a écrit cette petite armée d’avocats :« N’oublions pas, une fois cette crise passée, le sort de ceux qui vivent derrière les murs, d’autant plus isolés et fragiles, et de ceux qui y travaillent dans l’indifférence, ils méritent toute notre attention » (Le Monde, Tribune, 2 mai 2020).  

Dis-moi quel est l’état de tes prisons, je te dirai quelle démocratie tu représentes, en somme…

 

Auteur :Denis Mazeaud


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