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Le billet
Transparence et renouvellement de la vie publique
Une des premières lois du quinquennat d’Emmanuel Macron sera sans doute la loi de moralisation et de renouvellement de la vie publique portée par l’actuel Garde des sceaux, François Bayrou. Un projet de loi devrait en effet être présenté en Conseil des ministres avant même le premier tour des élections législatives.
Condition du soutien de François Bayrou à Emmanuel Macron, cette loi, que l’on annonce « ambitieuse », devrait aller plus loin que la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, qui a créé la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, ou la loi dite Sapin 2 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique.
Elle devrait en effet contenir des mesures emblématiques, comme l’obligation pour les candidats à une élection de présenter un casier judiciaire vierge, élément de la moralisation de la vie publique, ou la limitation du cumul des mandats dans le temps, fer de lance du renouvellement de la vie publique.
Les luttes d’influence, au sein du Gouvernement, doivent toutefois aller bon train car le Premier Ministre, Édouard Philippe, n’est pas un fervent partisan de la transparence imposée aux acteurs de la vie publique. En témoigne la mauvaise humeur qu’il avait manifestée en remplissant la déclaration à laquelle il était astreint, en tant que parlementaire, par la loi du 11 octobre 2013. En lieu et place de l’estimation de la valeur de ses biens immobiliers, il avait indiqué « aucune idée », ce qui lui avait valu un blâme.
Or, comme souvent, tout sera affaire de degrés.
Par exemple, la mention d’un casier judiciaire vierge vaudra-t-elle pour toute élection à un mandat public, ou uniquement pour celle donnant accès à l’Assemblée nationale ou au Sénat ? Faudra-t-il présenter un bulletin n° 2 vierge, ou uniquement un bulletin n° 3, qui ne contient que les condamnations pour crimes et délits supérieures à deux ans d'emprisonnement sans sursis, ou les condamnations pour crimes et délits inférieures à deux ans d'emprisonnement sans sursis si le tribunal en a ordonné la mention (le rapport Dosière prévoit un moyen terme, c’est-à-dire un bulletin n° 2 ne mentionnant pas un certain nombre d’infractions tels la corruption ou le trafic d’influence) ?
Quid du non cumul des mandats dans le temps ? Concernera-t-il tous les mandats publics, nationaux et locaux ? La limitation dans le temps concernera-t-elle deux ou trois mandats ? Quid de la rétroactivité de la loi : le législateur tiendra-t-il compte des mandats passés, en invoquant un impérieux motif d’intérêt général, ou repoussera-t-il le renouvellement dans dix ou quinze ans ? Pourra-t-on contourner la limitation en passant de l’Assemblée nationale au Sénat ?
On imagine le peu d’entrain de Gérard Collomb, homme fort de la Macronie, pour cette mesure, lui qui a été député du 21 juin 1981 au 14 mai 1988 (réélu le 16 mars 1986), puis a été élu comme sénateur le 2 novembre 1999, avant d’être réélu deux fois, le 26 septembre 2004, et le 28 septembre 2014 (d’après la fiche qui lui est consacrée sur le site du Sénat). Surtout, si l’on ajoute qu’il a été maire du 4e arrondissement de Lyon de 1995 à 2001, avant de devenir maire de Lyon à compter de 2001 (réélu le 9 mars 2008 et le 30 mars 2014). Il n’est donc pas certain, loin s’en faut, que Gérard Collomb s’offusque de l’existence de « fiefs locaux », dénoncée par le rapport Dosière, lui qui n’a jamais caché tout le bien qu’il pense du cumul des mandats.
L’heure des choix approche à grands pas pour Emmanuel Macron et, sur ce sujet, il faudra bien trancher entre François Bayrou et Gérard Collomb. Cette première loi a donc tous les atours d’un vrai test. Le Président de la République aura en effet l’occasion de démontrer sa capacité à prendre des décisions, point sur lequel il a été attaqué pendant toute la campagne présidentielle.
Mais, s’il tranche, ce que l’on peut souhaiter ardemment, il lui faudra ensuite maintenir la cohésion du Gouvernement lorsque viendra le temps des déceptions de ceux qui pensent, à tort ou à raison, que, sans eux, Emmanuel Macron ne serait pas Président…
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