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Le billet
Une « nouvelle » loi pour lutter contre le terrorisme ?
Préalablement adopté par le Sénat en 1re lecture le 18 juillet 2017, le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme est en discussion devant l’Assemblée nationale depuis le 25 septembre et sera soumis au vote par scrutin public le 3 octobre. Il a été annoncé comme un moyen de permettre la levée de l’état d’urgence sur notre territoire le 1er novembre prochain, suite à la sixième prorogation de ce régime en juillet dernier (L. n° 2017-1154 du 11 juill. 2017 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence). Présenté par le Gouvernement Philippe, ce texte ravive le débat sur l’équilibre du rapport sécurité/liberté dans une période troublée par la menace terroriste et les oppositions au sein d’une classe politique redimensionnée et en quête d’identité après la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle et d’une majorité de députés de La République En Marche aux élections législatives.
Sans pouvoir livrer en quelques lignes une étude détaillée du texte, il nous semble toutefois possible de souligner deux constats après les échanges au sein des hémicycles et dans le débat public.
Le premier constat est celui de la confusion du message politique du Gouvernement et du Président. On assiste en effet à un brouillage terminologique et ce, dès l’exposé des motifs du projet de loi qui précise : « L'état d'urgence est un régime temporaire, activé dans des circonstances exceptionnelles pour faire face à un péril imminent et justifiant, pour cette raison et pour une durée limitée, de renforcer les pouvoirs confiés à l'autorité administrative pour garantir l'ordre et la sécurité publics, en limitant de manière proportionnée l'exercice de certaines libertés publiques. Si le péril imminent prend un caractère durable, en particulier avec le développement de nouvelles formes de terrorisme, il devient nécessaire, pour tenir compte de cette appréciation de la menace, de doter l'État de nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme, en réservant les outils de l'état d'urgence à une situation exceptionnelle. »
Ce bref extrait tend d’une part, à confirmer l’annonce faite par le Président lors de son discours du Congrès du 3 juillet 2017 – et largement relayée par les médias – de la levée de l’état d’urgence et, d’autre part, à supposer que le texte propose de véritables nouveaux moyens pour éradiquer le terrorisme.
Or, si l’on regarde de plus près la loi de 1955, le projet gouvernemental et la dernière version du texte adopté à l’Assemblée nationale, on y retrouve les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les assignations à résidence, les perquisitions administratives, les saisies ainsi que le contrôle parlementaire de l’application de ces mesures. Même si la nouveauté existe – les assignations à résidence sont requalifiées « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance », les perquisitions administratives deviennent « les visites » et la procédure qui encadre ces mesures est également revue pour essayer de redonner un rôle à l’autorité judiciaire – elle est tout de même réduite. On comprend dès lors mal comment seul le message de la « fin » de l’état d’urgence a pu être retenu puisque le projet de loi tend plutôt à intégrer dans le Code de la sécurité intérieure des moyens issus d’un régime destiné à « faire face à un péril imminent » et voué, à ce titre, à une application « d’une durée limitée » et – pour reprendre encore l’exposé des motifs – un régime dont « les outils » – mais lesquels désormais – sont réservés à « une situation exceptionnelle ».
Puisque ce premier constat pourrait être taxé de « critique abusive » par les défenseurs du texte – alors que nous ne sommes pas de facto contre des moyens « nouveaux » au sens propre du terme pour renouveler la lutte contre le terrorisme – venons-en au second.
Il semblerait que la question de l’utilité de l’état d’urgence et en conséquence, de ses instruments soit devenue tabou. Aucun débat n’émerge sur ce point, nulle part. Il ne le peut car la moindre réflexion est automatiquement anéantie. Ceux qui défendent son maintien sont les ennemis des libertés, ceux qui s’y opposent ou doute de son bien-fondé sont des naïfs inconscients. Nous sommes donc face à un grave problème, très grave même, car ce n’est pas être irrespectueux des victimes ou irresponsables que de se demander si le choix de l’état d’urgence et des instruments proposés est une « bonne » solution. Au contraire … Il nous semble essentiel depuis longtemps mais plus encore aujourd’hui, d’engager une réflexion sur ce que veut dire lutter contre le terrorisme dans une démocratie, sur ce que nous voulons défendre et sur les besoins d’introduire toujours plus de dispositifs dans notre droit commun. Ce n’est pourtant pas la voie qui semble avoir été empruntée ces dernières semaines : en guise de débat apaisé, la procédure accélérée a été engagée sur le projet de loi, en guise de discussion par la représentation nationale, 41 députés étaient présents dans l’hémicycle au moment du vote de l’article 10 du texte (présenté comme une disposition très sensible car modifiant le régime des contrôle d’identité) et avant lui, la sixième prorogation de l’état d’urgence avait été votée par 150 députés, seulement. Qu’il nous soit donc permis de rappeler que le Président avait affirmé devant le Congrès que « (…) La démocratie n’a pas été conçue simplement pour les temps calmes. Elle vaut surtout pour les moments d’épreuve. Il est là, le chemin de l’efficacité, et c’est le même chemin que celui des valeurs. Un pays rassemblé, uni sur ses principes, une société pleinement consciente de ce qui la fonde sont invincibles. Tel est exactement le sens profond des textes que vous aurez à examiner. (…) » et de douter, sans angélisme, que ces textes « (…) visent à nous libérer de la peur, de l’aliénation à la volonté de nos adversaires. (…) ».
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