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Le billet

[ 29 août 2011 ] Imprimer

Victime présumée

Le feuilleton de l’été n’aura pas tenu toutes ses promesses…

Partie sur les chapeaux de roues, l’ « affaire DSK » a connu un trou d’air au cœur de notre été hivernal. Pourtant, tout avait si bien commencé : émissions spéciales, retransmissions en direct des audiences, débats à n’en plus finir, les « grandes » chaînes pensaient avoir de quoi tenir en continu jusqu’à la rentrée, et son traditionnel lot de nouvelles séries. Et qu’importe si l’envoyé spécial, en « direct live » d’un trottoir new-yorkais, était forcé de répéter, toutes les 10 minutes, qu’il ne disposait pas de nouvelles informations. Alors, puisqu’il fallait bien meubler, les journalistes et leurs invités, appartenant tous « aux milieux autorisés », comme disait l’autre, se sont perdus en conjecture. C’est là qu’est apparu le symétrique du « présumé innocent », à savoir la « victime présumée ». Il faut dire que ceux qui tentaient de respecter la présomption d’innocence se sont vus accusés de mépriser la parole de la plaignante et, au-delà, de toutes les victimes d’agression sexuelle. Il est donc apparu nécessaire, d’une part, de respecter la loi et, d’autre part, de ne pas se montrer insensible à la situation de la plaignante ; d’où son nouveau statut de victime présumée. Las, on a eu beau inverser les mots, si la victime est présumée, c’est bien que l’on présume qu’elle est victime et, par voie de conséquence, que la personne qu’elle désigne a bien commis les faits qu’on lui reproche. La victime présumée présuppose donc qu’il existe un présumé coupable…

Or, Présumé coupable est précisément le titre d’un film, dont la sortie est prévue le 7 septembre, qui relate la descente aux enfers d’Alain Marécaux, injustement mis en cause, avec d’autres, dans une affaire de pédophilie. Si la révolution judiciaire attendue, à la suite du procès d’Outreau, n’a pas eu lieu, des évolutions sensibles se sont fait jour. Entre autres, la formation des magistrats a été repensée, et les justiciables ont obtenu le droit de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature, dont la composition a d’ailleurs été modifiée afin d’écarter tout réflexe corporatiste. Certes, cela n’empêchera pas que d’autres erreurs soient commises. Soit dit en passant, quelle grande idée que d’avoir prévu l’intégration de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Jamais une cour d’assises ne s’est en effet trompée… Toujours est-il que si le monde judiciaire a évolué, qu’en est-il des pratiques journalistiques ? Qu’est-il advenu des journalistes de la presse locale ou régionale qui avaient, au mépris de la présomption d’innocence, jeter en pâture les noms des mis en cause de l’affaire d’Outreau, ces fameux « notables » ? Y a-t-il eu des assises du journalisme ? Un Code de déontologie rappelant clairement les règles de cette belle profession a-t-il été édicté ? Pas à notre connaissance. Pourtant, ce ne serait pas un luxe. Quand les soupçons sont révélés au public, on ne s’en débarrasse pas facilement. Le soupçon est gluant, il colle à la peau. La faute à une présomption, dont la fausseté est inversement proportionnelle à l’utilisation : il n’y a pas de fumée sans feu…

 

Auteur :Mathias Latina


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