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Le billet

[ 21 octobre 2024 ] Imprimer

Vingt ans déjà, une intégration réussie ?

C’est un anniversaire qui est un peu passé inaperçu au cours de l’année 2024, celui de l’élargissement de l’Union européenne à dix nouveaux États membres le 1er mai 2024. Cet évènement majeur au sein du continent européen a soldé les conséquences de la seconde Guerre mondiale, mettant fin au rideau de fer.

Si la réunification de l’Europe a été historique, l’ambition de cette intégration a été à l’origine plus vaste avec des objectifs économiques, politiques ainsi que l’affirmation de valeurs communes, autour de l’État de droit, de la démocratie et du respect des droits fondamentaux. La volonté était d’arrimer ces États à la fois au système démocratique et à la stabilité géopolitique.

■ L’élargissement a sans nul doute tenu une grande part de ses promesses en matière économique, puisque les nouveaux États membres ont pu profiter à la fois de l’accès au marché intérieur et des aides européennes pour accélérer les investissements dans les infrastructures de réseaux, d’énergie, dans les exploitations agricoles pour les États concernés et la formation entre autres. Ces États se montrent d’ailleurs particulièrement attachés à la construction économique de l’Union et n’entendent pas porter atteinte aux règles des libertés de circulation, y compris lorsque des crises politiques existent avec les institutions européennes.

■ Les réussites sont en revanche plus contrastées quant aux objectifs politiques et au respect des droits fondamentaux. La solidarité attendue au travers des politiques européennes en matière d’immigration, de sécurité et de défense communes est loin d’être présente. Au contraire sur ces différents sujets, l’Union européenne apparaît très polarisée, laissant resurgir les fractures de l’histoire et compliquant la définition de trajectoires communes. Ainsi face à la Russie, dans le cadre du conflit ukrainien, certains États d’Europe centrale préfèrent jouer des intérêts propres au détriment des États de l’Union qui sont directement sous la menace russe (États baltes, Finlande et Pologne). L’effort financier pour la politique de défense face à cette menace n’est que trop peu partagé alors que c’est la stabilité du continent européen qui est en cause. Le problème migratoire demeure également trop souvent à la charge du seul État par lequel les migrants entrent, sans que de solutions européennes s’inscrivent dans la durée et sans que les questions de vieillissement des populations à l’échelle du continent soient abordées. Sur ces différents sujets n’émerge pas une doctrine européenne claire et constante, contrairement à l’intégration politique voulue depuis le traité de Maastricht. Une difficulté existe tout autant sur l’exigence de la protection de l’État de droit et des droits fondamentaux socles des valeurs européennes. La montée de l’illibéralisme dans plusieurs États constitue à ce titre un échec pour l’Union, dès lors que l’illibéralisme s’appuie notamment sur un renforcement de l’État central, de l’administration centrale afin de réaffirmer la souveraineté de l’État au détriment de certaines libertés individuelles et des moyens de les garantir. C’est ainsi que l’accès au juge, le droit au procès équitable et de la liberté de la presse sont remis en cause. Ces coups de canif aux valeurs défendues par les traités de l’Union européenne ont donné lieu à de nombreux contentieux à l’initiative de la Commission européenne contre la Pologne et la Hongrie principalement. Ces États questionnent plus largement le modèle d’intégration et les fondements de l’ordre juridique communautaire, dont la portée du principe de primauté.

Sous ces derniers angles, l’intégration n’apparaît pas parfaitement réussie. Ces vingt ans de vie commune renvoient à la nature des liens, aux motivations que chaque État souhaite développer avec l’Union. Pour reprendre une notion du droit des sociétés, c’est l’affectio societatis qui est interrogé au travers de la capacité des États à se fondre dans le projet politique posé par Robert Schuman, le 9 mai 1950. Chaque État doit déterminer, si le socle de valeurs communes qui les unit vaut indépendamment de toutes alternances politiques, évitant un affaiblissement coupable de l’Union dans un monde multipolaire où les enjeux sont redoutables.

 

Auteur :Vincent Bouhier


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