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Le billet
Vox populi
Les perspectives de réforme en matière de justice s’affichent à un rythme effréné. Parfois d’ailleurs l’une remplace l’autre sans que celle-ci ait vu le jour.
Alors même qu’il évoquait l’instauration de jurys populaires en matière correctionnelle pour les délits les plus graves, idée chère au président de la République, le nouveau garde des Sceaux confiait la semaine dernière son scepticisme sur la possibilité à court terme d’une réforme — entendez suppression, comme il faut plus généralement traduire désormais en termes restrictifs et réducteurs de droits l’emploi du mot réforme — du juge d’instruction.
Cette autre idée pourtant chère également au chef de l’État attendra un peu. Il est vrai que, au plan du « marketing » politique, les jurys populaires sont autrement plus vendeurs. Les deux projets n’ont pas de rapports entre eux, mais il n’est pas à exclure qu’ils procèdent l’un et l’autre de philosophies voisines.
Quel est en effet l’arrière-plan de cet engouement subit pour les mérites de la justice populaire ? Il faut rappeler nous a dit en substance le nouveau ministre de la Justice, reprenant sur ce point au mot près le « catéchisme » présidentiel, « que la justice est rendue par le Peuple français ».
On avait souvenir pour notre part que la norme était plutôt qu’elle soit rendue « au nom du peuple français », et que la démocratie ne trouvait pas spécialement à déchoir lorsque la fonction de juger est assurée par des magistrats professionnels ; pas plus que la souveraineté du peuple français ne se trouve violentée chaque fois que la loi est le fait de la représentation nationale plutôt que le fruit d’un référendum populaire…
Évidemment la justification inavouée de cette préférence donnée à l’expression directe de la voix du peuple tient tout entière dans le présupposé, très en cours dans les estaminets sinon dans les prétoires, d’un laxisme coupable des magistrats professionnels.
Le juge d’instruction est suspect de trop d’indépendance : on envisage de le supprimer. Le juge correctionnel — bien qu’il condamne à tour de bras, et plutôt des peines de prison, faute de moyens pour les sanctions alternatives — est susceptible d’endosser la responsabilité d’un échec de la politique pénale : on le destine à la saine et démocratique tutelle du peuple.
La « réforme » en question est-elle probablement vouée à couvrir un champ très modeste (seulement en cause d’appel dit-on déjà et les jurés statueraient avec des magistrats professionnels) et à produire des effets très limités ? Qu’importe, puisque l’effet recherché n’est pas juridique mais cosmétique.
Référence
« Magistrat du siège du tribunal de grande instance désigné dans cette fonction pour trois années renouvelables. Il constitue la juridiction d’instruction du premier degré (…). »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
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