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Le cas du mois
Attention, il ne faut pas tout cautionner !
Les examens approchent pour Désiré et Adhémar. Ils révisent le droit des sûretés. Plutôt à l’aise dans cette matière, deux cas leur posent portant problème…
M. Mad s’est porté caution personnelle et solidaire à hauteur de 40 000 € de la société Off dont il est le gérant. Dans l’acte l’engageant est inscrit : « En me portant caution personnelle et solidaire de la société Off dans la limite de la somme de 40 000 € — quarante mille euros — couvrant le paiement principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités et intérêts de retard, pour la durée de 14 mois — quatorze mois —, je m’engage à rembourser à la banque les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société Off n’y satisfait pas elle-même en renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2021 du Code civil et en m’obligeant solidairement avec la société OFF, je m’engage à rembourser à la banque sans pouvoir exiger qu’elle poursuive préalable la société Off ».
Nos deux comparses s’interrogent sur les conséquences du non-respect des mentions manuscrites imposées par la loi.
Donna, l’épouse de M. Mad, avait créé il y a quelques années une société spécialisée dans le nettoyage des plages. Pour acheter le matériel nécessaire, elle avait souscrit un prêt dans la banque Crédit illimité, pour lequel M. Mad s’est porté caution solidaire. La BNP — Battons Nous pour la Propreté — une société soutenant les initiatives éco-citoyennes s’était également portée caution simple à concurrence de certaines sommes. En novembre 2012, la BNP est mise en liquidation judiciaire. Donna n’a pas, depuis décembre 2012, honoré les échéances de son prêt. La banque crédit illimité a donc poursuivi M. Mad en sa qualité de caution. Celui-ci demande à être déchargé de son engagement à la suite du dépérissement de l’engagement donné par la société BNP. La banque lui oppose un refus.
La demande de M. Mad est-elle légitime ?
M. Moulade, le père de Désiré, en entendant les deux cousins discuter de cautionnement leur pose une question.
Il y a 5 ans maintenant, un contrat de location-gérance a été conclu pour une durée de 3 ans entre la société Arbre en folie, dont M. Moulade est le gérant, et la société Jardin magique. Les gérants de la société Jardin magique se sont rendus cautions envers la société Arbres en folie de toutes les sommes que ladite société Jardin magique pourrait devoir en vertu du contrat de location-gérance. Ce contrat a, par la suite, été prorogé deux fois pour une durée d’un an, par avenants successifs. Malheureusement, la société Jardin magique a été mise en liquidation judiciaire. La société Arbres en folie après avoir déclaré sa créance à la procédure, a assigné les cautions en exécution de leur engagement. Ces derniers refusent de payer au motif que le cautionnement ne valait que pour les trois premières années, mais ne portait pas sur les prorogations du contrat de location-gérance.
Monsieur Moulade s’inquiète de ne pas pouvoir obtenir le paiement des sommes dues à sa société. Qu’en pensez-vous ?
■ ■ ■
■ M. Mad, personne physique, s’est porté caution de la société Off auprès de la banque, créancier professionnel.
L’acte de cautionnement engageant une personne physique auprès d’un créancier professionnel est régi par les dispositions de la loi n°2003-721 Dutreil du 1er août 2003. Ainsi les mentions manuscrites prévues aux articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation doivent être respectées à peine de nullité.
Or, en l’espèce, M. Mad n’a pas reproduit fidèlement la mention de l’article L. 341-2 du Code de la consommation puisqu’il a remplacé les termes « prêteur » et « créancier » par celui de « banque » et a ajouté qu’il se portait caution « personnelle et solidaire ».
Il faut donc se demander si le non-respect de ces mentions peut entraîner la nullité du cautionnement.
Il convient, au préalable, de se rappeler l’objectif de ces dispositions. En effet, en imposant de telles formalités ad validitatem, le législateur a voulu protéger le signataire du cautionnement afin que la personne physique prenne conscience de l’importance de l’acte qu’elle allait souscrire. La sanction prévue ici a donc pour but de protéger les cautions qui n’auraient pas compris la portée de leur engagement.
Or, dans cette affaire, M. Mad a substitué les termes « créancier et prêteur » par celui de « banque », qui en l’espèce est bien le prêteur et le créancier. Une telle modification démontre bien qu’il savait parfaitement envers qui il s’engageait. De plus, en ajoutant spontanément les termes « personnelle et solidaire » pour définir le cautionnement, il prouve qu’il connaissait l’importance de son engagement.
La jurisprudence adopte ce raisonnement dans un arrêt du 10 avril 2013 et énonce que de telles modifications « n’affectent ni le sens, ni la portée des mentions manuscrites prescrites » et déboute la caution de son action en nullité.
Conclusion, le but visé par les mesures légales ayant été observé, leur strict non-respect en l’espèce ne peut dès lors entrainer la nullité du cautionnement.
■ M. Mad a été poursuivi en tant que caution solidaire par la banque Crédit illimité à la suite du non-paiement des échéances du prêt garanti. Il a demandé à être déchargé de son engagement après le dépérissement de la caution simple donné par la société BNP. La banque lui a opposé un refus. Il se demande si son action était légitime.
Il convient donc de rechercher si en tant que caution solidaire, M. Mad pouvait bénéficier du bénéfice de la subrogation prévu à l’article 2314 du Code civil.
Les articles 2298 et 2302 du Code civil posent le principe selon lequel, la caution solidaire ne peut pas invoquer ni le bénéfice de discussion (c'est-à-dire qu’il ne pourra pas demander au créancier de poursuivre d’abord le paiement sur les biens du débiteur), ni le bénéfice de division (ce dernier permet à la caution poursuivie de demander aux créanciers qu’il divise son recours entre les différentes cautions). Toutefois, la solidarité n’empêche pas la caution d’exercer un recours subrogatoire contre le débiteur, pour qui il a payé, ou les autres cofidéjusseurs.
Dès lors, par la faute du créancier, la caution solidaire a perdu le bénéfice d’un recours, celle-ci peut lui opposer le bénéfice de subrogation et demander à être déchargée de son engagement comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril 2013 (n°12-14.596).
La demande de M. Mad était donc parfaitement légitime. Il devra donc démontrer que par la faute du créancier, en l’espèce la banque, il a perdu le recours contre la caution simple. Il devra, en outre, démontrer que cela lui a causé un préjudice.
■ Les gérants de la société Jardin magique se sont portés caution de toutes les sommes qui pourraient être dues en vertu du contrat de location gérance signé avec la société Arbres en folie pour une durée de 3 années. Deux prorogations d’une année ont été effectuées pour le contrat de location-gérance sans que l’engagement de la caution ne soit renouvelé. La société Jardin magique a été mise en liquidation judiciaire.
La société Arbres en folie a déclaré sa créance et s’est retournée vers les cautions. Celles-ci lui opposent que le cautionnement n’a pas été renouvelé en même temps que les prorogations et qu’elles ne sont pas tenues du paiement des dettes nées postérieurement au terme des trois premières années.
L’article 2292 du Code civil dispose que « le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ».
En l’espèce, les cautions n’ont pas donné leur consentement exprès lors des prorogations. Dans la mesure où l’engagement initial était limité dans le temps (3 ans), et que le cautionnement ne peut pas être présumé, il semble difficile de poursuivre les cautions pour les dettes nées lors de l’exécution du contrat de location-gérance après les prorogations. La Cour de cassation a rappelé cette solution dans un arrêt du 9 avril 2013 (n°12-18.019).
Dès lors, il faudra distinguer entre les créances nées lors de l’exécution du contrat initial et celles nées lors des prorogations. Les cautions seront tenues de garantir les dettes antérieures, même si la demande, comme c’est le cas en l’espèce, est formulée postérieurement au terme du contrat ; c’est l’obligation de règlement. Cette dernière doit être distinguée de l’obligation de couverture, qui a pris fin à l’échéance du premier contrat et permet aux cautions de ne pas garantir les dettes nées lors des prorogations.
Références
■ Civ. 1re, 10 avr. 2013, n°12-18.544.
■ Com. 9 avr. 2013, n°12-18.019.
■ Com. 9 avr. 2013, n° 12-14.596.
■ Code de la consommation
Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." »
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »
■ Code civil
« Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. »
« La caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires. »
« Lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d'un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette. »
« La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
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