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Le cas du mois
Code de conduite !
Tom, le père d’Adhémar a toujours rêvé d’avoir un 4x4. Pour ne pas avoir de mauvaises surprises après l’achat, il décide de se rendre chez un professionnel afin d’être bien informé et conseillé...
Il choisit la société Karka’s qui lui propose un véhicule récent avec moins de 2 000 kilomètres pour la somme de 50 000 euros. Lors de la présentation, le vendeur précise que le véhicule a eu une aile froissée. Le bon de commande de la voiture qui en faisait également état, portait la mention : « véhicule accidenté réparé dans les règles de l’art ». Plusieurs jours après l’achat, Tom confie son 4x4 à un garagiste afin de procéder à une révision. C’est à cette occasion qu’il apprend que le véhicule avait été gravement endommagé, ce qui avait nécessité de très coûteuses réparations. Tom, furieux, se sent lésé. Il n’aurait jamais acheté ce véhicule s’il avait connu l’ampleur des réparations.
Désiré, quant à lui, a décidé d’investir ses économies dans l’achat d’une motocyclette. Il arrête son choix sur le deux-roues proposés par David Sonne. Bien décidé à ne pas vivre les mêmes mésaventures que son oncle Tom, il demande à essayer le bolide et interroge le vendeur sur la provenance du véhicule. Il apprend alors que la mobylette appartenait à la mère de David, décédé plusieurs mois auparavant. Il a décidé de la vendre car ses frères, cohéritiers, ne l’utilisaient pas et lui était déjà propriétaire d’une plus grosse cylindrée. Bien informé, Désiré conclu la vente le 21 janvier 2012. Il n’est pas surpris lorsqu’il voit sur le contrat que le propriétaire est encore Mme Duc Katy (épouse Sonne), la mère du vendeur. Fier de son acquisition, il parcourt Paris et décide de rendre visite à Adhémar. À quelques mètres de chez son cousin, la motocyclette tombe en passe. Il finit donc le trajet à pied.
Tom, Désiré et Adhémar se retrouvent dans le salon de la famille Tichaud, bien décidés à obtenir la nullité des deux ventes. Que leur conseillez-vous ? Quelles sont leur chance d’obtenir gain de cause ?
■ ■ ■
I. Achat du 4x4 par Tom : les actions à envisager
Un contrat de vente portant sur l’achat d’un véhicule d’occasion a été conclu entre Tom et la société Karka’s. Avant l’achat, le vendeur a précisé à Tom que l’aile froissée survenue à la suite d’un accident avait été réparée dans les règles de l’art. Postérieurement à la vente, Tom découvre que le vendeur a minimisé l’ampleur des travaux qui avaient été effectués sur le véhicule.
Tom peut envisager deux actions :
– l’une tendant à obtenir la nullité du contrat de vente ;
– l’autre tendant à mettre en jeu la garantie des vices cachés à laquelle est tenu le vendeur.
En effet, un concours d’action est possible en l’espèce. Rappelons que la jurisprudence est intervenue pour prohiber les concours d’action. Un arrêt de la première chambre du 14 mai 1996 (Civ. 1re, 14 mai 1996) énonce que la garantie des vices cachés constituant l’unique fondement de l’action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale, une cour d’appel n’a pas à rechercher si l’acheteur peut prétendre à des dommages-intérêts sur le fondement de l’erreur. Néanmoins, cette prohibition d’action ne vaut qu’en présence d’une erreur et d’un vice caché. En revanche, la jurisprudence a précisé ultérieurement que « l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en nullité pour dol » (Civ. 1re, 6 nov. 2002). Ainsi, en l’espèce, même si le vice de l’automobile s’apparente à un vice caché, Tom peut agir sur le terrain du dol. Il dispose donc d’un choix entre deux actions possibles.
I. L’action fondée sur la garantie des vices cachés
L’article 1625 du Code civil dispose que « la garantie que le vendeur doit à l’acquéreur, a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires ». L’article 1641 du même code ajoute que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou en aurait donné un moindre prix, s’il les avait connus ». Le vendeur professionnel est tenu de garantir les vices alors mêmes qu’il n’en avait pas connaissance (art. 1643 C. civ.).
Il convient ainsi, pour que l’action en garantie des vices cachés puisse prospérer que :
– la chose soit impropre à l’usage auquel elle est destinée ;
– le vice soit antérieur à la vente ;
– le vice soit caché.
En l’espèce, l’accident et les réparations subis par le 4x4 diminuent considérablement l’usage auquel il est destiné. À cet égard, la jurisprudence a pu retenir que constituent des vices cachés, les vices d’un véhicule d’occasion du tant à l’accident subi qu’aux réparations mal faites (Civ. 1re, 25 mars 2003). En tant que professionnel, le vendeur est tenu des vices mêmes s’il n’en avait pas connaissance.
Les vices sont antérieurs à la vente. Ils sont en outre cachés. En effet, ils se révèlent par l’usage de la chose et en outre, l’acheteur n’est pas un professionnel. Si tel n’avait pas été le cas, il aurait pu être possible d’appliquer le principe en vertu duquel l’acheteur professionnel est réputé connaître les vices. Dès lors, si le juge venait à considérer que les vices de la voiture diminuent l’usage auquel elle est destinée, Tom pourra obtenir soit la restitution du prix qu’il a payé et rendre la voiture, soit obtenir une réduction du prix.
De plus, s’il prouve que le vendeur avait connaissance des vices, il pourra obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1645 du Code civil. Il convient de préciser que la jurisprudence a posé une présomption irréfragable de connaissance des vices par le vendeur professionnel (Civ. 1re, 16 avr. 1996). Dès lors, en l’espèce, Tom pourra obtenir des dommages-intérêts venant réparer les conséquences du vice.
B. Action en nullité fondée sur le dol
Ce qui pose problème est le caractère libre et éclairé du consentement donné par Tom à la vente. À cet égard, l’article 1109 du Code civil pose le principe selon lequel « il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par le dol ».
L’article 1116 du Code civil prévoit que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ses manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ».
Pour être retenu, le dol suppose la réunion de plusieurs éléments. Le dol suppose de la part de son auteur un acte de déloyauté lors de la conclusion du contrat, c’est l’aspect délictuel du dol (maintien de la conception romaine du dol qui y voyait un délit) ; il doit en résulter chez la victime un vice du consentement, c’est l’aspect psychologique du dol.
■ L’aspect délictuel du dol
Sous son aspect délictuel, le dol suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.
– L’élément matériel du dol
L’élément matériel du dol est traditionnellement envisagé comme un acte positif c'est-à-dire des manœuvres, des mensonges ou des mises en scène, peut également être caractérisé par le silence gardé par une partie (Civ. 3e, 15 janv. 1971). L’auteur de ses manœuvres doit être le cocontractant de la victime.
En l’espèce, le vendeur de la société Karka’s a menti sur l’ampleur des dégâts. Il a simplement fait état d’une aile froissée réparée dans les règles de l’art. Ce mensonge résulte des indications données par le vendeur qu’il sait erronées. L’article 1116 alinéa 2 du Code civil dispose que le dol « ne se présume point, il doit être prouvé ». En principe, c’est à celui qui invoque le dol de le prouver.
– L’élément intentionnel
Le 4x4 proposé à la vente par la société Karka’s avait été gravement endommagé lors d’un accident et avait du subir de très importantes réparations. Le fait pour le vendeur d’assimiler ces lourds dégâts à une simple aile froissée prouve bien qu’il a voulu cacher la vérité à Tom et ainsi le rassurer quant au bon état de fonctionnement du véhicule. Ces mensonges avaient donc pour but de pousser Tom à acheter ce véhicule.
Le prononcé du dol est subordonné à une dernière condition : le caractère déterminant de l’erreur provoquée. Il s’agit de l’aspect psychologique du dol.
■ L’aspect psychologique du dol
L’aspect psychologique du dol s’apprécie in concreto. Traditionnellement, une distinction entre le dol principal (c'est-à-dire celui qui aurait conduit la victime à ne pas contracter) et le dol incident (celui qui aurait amené la victime à contracter à d’autres conditions) était réalisée. Mais la Cour de cassation semble désormais fonder à retenir le dol qu’il soit principal ou incident (Civ. 3e, 22 juin 2005).
En l’espèce, Tom a acheté ce véhicule parce qu’il était persuadé que seule une aile avait été endommagée. Or, il apprend par la suite que l’ensemble du véhicule avait été abîmé. Profane en matière d’automobile, Tom s’est dirigé vers un professionnel pour être sûr d’être correctement renseigné. Or, le vendeur a menti sur l’état de la voiture, qui est un élément déterminant du consentement pour la victime.
Les conditions relatives au dol étant réunies en l’espèce, il semble que Tom pourra obtenir gain de cause s’il demande la nullité de la vente sur le fondement du dol (Civ. 1re. 12 janv. 2012).
Le dol constitue également une faute. Tom pourra donc engager la responsabilité délictuelle du vendeur et ainsi obtenir des dommages-intérêts. Il devra prouver que le manquement à cette obligation lui a causé un préjudice. En l’espèce, il pourra être caractérisé par les frais engendrés pour réparer le véhicule.
Il n’aurait jamais acheté la voiture s’il avait connu la gravité de l’accident et les réparations qui avaient été effectuées.
II. La nullité de la vente de la mobylette achetée par Désiré
Désiré a acheté une mobylette à David Sonne. Celui-ci lui explique que cette mobylette appartenait à sa mère prédécédée, dont le nom apparaissait encore sur l’acte de vente. Le véhicule tombe en panne et Désiré souhaite obtenir la nullité de la vente.
L’article 1599 du Code civil dispose que « la vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ».
En l’espèce, David Sonne a vendu une mobylette appartenant à sa mère décédée et dont le nom apparaît sur l’acte de vente.
Avant de pouvoir conclure que la vente est nulle parce qu’elle porte sur la chose d’autrui, il convient de rechercher si David Sonne n’a pas agi au nom de sa mère ou pour le compte de l’indivision.
L’article 2003 alinéa 3 du Code civil pose le principe selon lequel « le mandat finit par la mort […] soit du mandant, soit du mandataire ». Mais la jurisprudence rappelle que cet article n’est que supplétif de la volonté des parties (Paris, 12 déc. 1967).
En l’espèce, la mère de David est décédée. Il n’est fait état d’aucun mandat donné ante mortem. David ne pourra donc pas justifier la vente de la mobylette sur ce fondement.
Reste à rechercher si David n’a pas agi au nom de l’indivision successorale.
En tant qu’enfant du de cujus, David doit être considéré comme héritier selon les règles applicables en matière successorale (art. 733 et s. et 741 et s.).
L’article 724 du Code civil dispose que « les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droits des biens, droits et actions du défunt ». En présence de plusieurs héritiers, une indivision portant sur les biens du défunt est formée. Dès lors chacun des cohéritiers peut agir sur les biens de la succession dans l’intérêt de l’indivision.
En l’espèce, David Sonne a vendu la mobylette parce que ni lui, ni ses frères héritiers et donc coïndivisaires ne l’utilisait. Toutefois, il ne semble pas qu’il l’ait vendu au nom de l’indivision mais en son nom.
Dans la mesure où chacun des héritiers est saisi des biens du défunt, ils peuvent agir en leur nom sur ces biens. Mais, l’article 883 alinéas 1 et 3 du Code civil précise que « Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. (…) Toutefois, les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coïndivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet ».
Dès lors, il convient de distinguer selon que la mobylette sera (ou était) comprise dans le lot de David Sonne au moment du partage de la succession de la mère.
Dans l’hypothèse où le véhicule fait parti du lot attribué à David, par l’effet déclaratif, on considérera qu’il est devenu propriétaire le jour du décès et la vente ne pourra pas être annulée.
En revanche, si la mobylette ne lui échoit pas au jour du partage, en l’absence d’autorisation donnée par tous les coïndivisaires, la nullité de la vente pourra être prononcée. (Civ. 1re, 18 janv. 2012).
Références
■ Civ. 1re, 14 mai 1996, Bull. civ. I, n° 213, D. 1997. 345.
■ Civ. 1re, 6 nov. 2002, Bull. civ. I, n° 260.
■ Civ. 1re, 25 mars 2003, n°00-211.14.
■ Civ. 1re, 16 avr. 1996, Bull. civ. I, n° 188.
■ Civ. 3e, 15 janv. 1971, Bull. civ. III, n° 38.
■ Civ. 3e, 22 juin 2005, Bull. civ. III, n° 137.
■ Civ. 1re, 12 janv. 2012, n° 10-23.250.
■ Paris, 12 déc. 1967, D. 1968. 269.
■ Civ. 1re, 18 janv. 2012, n°10-23.056.
■ Code civil
« Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.
Les légataires et donataires universels sont saisis dans les conditions prévues au titre II du présent livre.
A leur défaut, la succession est acquise à l'État, qui doit se faire envoyer en possession. »
« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.
Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l'indivision. Il n'est pas distingué selon que l'acte fait cesser l'indivision en tout ou partie, à l'égard de certains biens ou de certains héritiers seulement.
Toutefois, les actes valablement accomplis soit en vertu d'un mandat des coïndivisaires, soit en vertu d'une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l'attribution des biens qui en ont fait l'objet. »
« Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
« La vente de la chose d'autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui. »
« La garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires. »
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
« Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. »
« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. »
« Le mandat finit :
Par la révocation du mandataire,
Par la renonciation de celui-ci au mandat,
Par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture, soit du mandant, soit du mandataire. »
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