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Le cas du mois
Droit des personnes
Début d’année mouvementé…
Pour bien commencer l’année 2011, Désiré se promène dans les rues de Cassis afin d’entretenir sa forme physique et éliminer les excès culinaires du jour de l’an...
Il croise alors devant un centre d’épilation rapide son ami d’enfance « Dédé la châtaigne ». Au collège, ce dernier avait des habitudes « bizarres » : il portait des jupes-culottes, mettait un peu de mascara et utilisait tous les prétextes pour se déguiser en fille. Aujourd’hui, il est méconnaissable : il se promène en talons aiguilles, avec une mini-jupe argentée et il arbore une poitrine avantageuse. Dédé profite de cette rencontre pour demander à Désiré s’il peut changer son état civil masculin en féminin et s’il peut désormais porter le prénom Émilie.
Un peu choqué par cette rencontre, Désiré reprend sa ballade vers la pâtisserie « Cloug ». La boulangère lui demande des nouvelles de son ami Adhémar, parti faire un trek au Népal à Noël. Désiré lui explique que son ami s’est lancé dans l’escalade de la face Nord de l’Everest le 24 décembre et qu’il n’est pas revenu au camp de base le 26 comme prévu. Depuis cette date, Adhémar n’a plus donné de nouvelles. Désiré est d’autant plus inquiet que le frère d’Adhémar a dit qu’il allait demander l’ouverture de sa succession dans le but de récupérer et faire vendre sa magnifique collection d’ouvrages en droit. En effet, Adhémar ayant entretenu une liaison amoureuse avec Audrey Taduboulot, salariée Dalloz, il possède une cinquantaine de codes « rouges » et 250 ouvrages à jour des dernières réformes.
Une heure plus tard, Désiré rentre de sa promenade et trouve une lettre anonyme glissée sous sa porte. Il s’agit d’un courrier l’informant que le magazine Cancan va publier une photo de lui embrassant fougueusement une actrice de film X « Coco Beloeil ». Il est outré et il a très peur des conséquences sur ses études en droit.
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Quels conseils Désiré peut-il donner à Dédé la châtaigne ?
La question posée par Dédé permet de revenir sur les conditions permettant la rectification du sexe à l’état civil. C’est la question qui a été posée aux juges par les transsexuels désireux d’accomplir ce changement.
Dans la majeure, il faut se référer à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH) et l’article 99 du Code civil. Ensuite, il faut citer l’évolution de la jurisprudence. On distingue deux périodes :
– avant 1992, les juges du fond reconnaissaient parfois aux transsexuels la possibilité de changer de sexe. En revanche, la Cour de cassation au toujours eu une position intransigeante en la matière (refus catégorique de modifier l’état civil des transsexuels). 4 arrêts rendus par la Cour de cassation le 21 mai 1990 démontrent sa volonté de privilégier le sexe chromosomique au sexe psychologique ;
– le revirement de jurisprudence a eu lieu le 25 mars 1992. Par cet arrêt, la CEDH a décidé de reconnaître le transsexualisme (CEDH 25 mars 1992). Elle considère que l’État qui refuse catégoriquement la rectification de l’état civil viole l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à une vie familiale normale). Logiquement, la Cour de cassation s’est inspirée de cette décision pour admettre le changement de sexe des transsexuels et en préciser les conditions (Ass. plén. 11 déc. 1992, 2 arrêts) :
– 1e condition : avoir effectué les opérations de conversion sexuelle avant de saisir le juge ;
– 2e condition : que le transsexualisme soit médicalement reconnu ;
– 3e condition : que le transsexuel ait l’apparence du sexe qu’il revendique ;
– 4e condition : que le transsexuel ait le comportement du sexe qu’il revendique.
Dans la mineure, l’étudiant doit vérifier chacune des conditions pour trancher. Deux solutions en l’espèce - s’il a été opéré, il pourra vraisemblablement obtenir la rectification ; - s’il n’a pas été opéré, il ne pourra sûrement pas l’obtenir.
Que peut faire le frère d’Adhémar ?
Ce problème permet de distinguer deux notions que les étudiants confondent fréquemment en droit des personnes : l’absence (art. 112 s. C. civ.) et la disparition (art. 88 s. C.civ.).
L’absence est « l’état d’une personne dont on ignore si elle est encore en vie, alors qu’aucun événement particulier ne fait présumer son décès. Il autorise une demande de constatation, par le juge des tutelles, d’une présomption d’absence et, sous condition de l’écoulement d’un certain délai (dix ans depuis un jugement de présomption d’absence ou, à défaut, vingt ans depuis le jour des dernières nouvelles), une demande de déclaration d’absence par le tribunal de grande instance. La première de ces situations emporte présomption que la personne est vivante en vue de préserver ses intérêts d’ici son retour. La seconde produit les effets du décès. Ce sont des situations où il existe une incertitude sur l’existence de la personne physique. L’absent est une personne dont on n’a plus de nouvelles et le disparu est une personne qui était en outre dans des circonstances mettant sa vie en danger. »
La disparition consiste dans « l’événement qui, en raison des circonstances, fait douter de la survie d’une personne. Sa non-représentation, consécutive au péril de mort auquel elle s’est trouvée exposée, conduit à bref délai à un jugement déclaratif de décès. » (Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010).
Dans la majeure, il est donc nécessaire de détailler les deux régimes juridiques (conditions et effets).
Dans la mineure, il faut tout d’abord rejeter l’hypothèse de l’absence, puisqu’il existe bien des indices laissant présumer le décès (excursion en haute montagne, absence de nouvelles). Puis, il faut vérifier si les conditions de la disparition sont remplies. Compte tenu des circonstances (escalade de l’Everest), le frère d’Adhémar pourra vraisemblablement obtenir l’ouverture de la succession et peut-être récupérer les ouvrages Dalloz.
Quels sont les moyens de droit utilisables contre le magazine Cancan ?
Cette publication permet de préciser les contours de ce que l’on appelle « l’intimité de la vie privée » et la liberté d’expression des médias.
Dans la majeure, il faut se référer aux articles 8 et 10 de la Conv. EDH ainsi qu’à l’article 9 du Code civil. En outre, il faut distinguer le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image même si le fondement textuel est le même (art. 9 C. civ.). Conformément à l’article 9 al. 2 du Code civil, il faut saisir le juge civil au fond ou en référé afin d’obtenir l’allocation de dommages-intérêts, la cessation du préjudice et/ou son indemnisation. La jurisprudence est très abondante en la matière (ex. Civ. 2e, 5 mars 1997). Toutefois, » il ne faut évidemment pas que l'atteinte puisse être justifiée par un impératif jugé supérieur à celui du respect de la vie privée et familiale des personnes ». (v. Droit civil 1e année, p. 196 s.)
Dans la mineure, il faut vérifier que les conditions d’une action sur le fondement de l’atteinte à la vie privée sont remplies. Cela semble être le cas, puisque la vie sentimentale relève de la vie privée. En conséquence, Désiré pourra vraisemblablement obtenir l’indemnisation de son préjudice moral mais il a très peu de chances de faire interdire la publication imminente de l’article, en raison de la lourdeur des procédures civiles de référé par rapport aux délais de publication des magazines concernés.
Références
« Droit d’une personne sur sa représentation. Initialement conçu comme un aspect du droit à la vie privée, il tend à être reconnu comme un droit autonome par la jurisprudence. Il confère en principe à une personne un droit exclusif sur son image et l’utilisation qui en est faite. Celle-ci pourra, en conséquence, interdire à quiconque de photographier, filmer, exposer en public ou publier dans la presse son image sans son consentement, à peine de dommages et intérêts, de destruction des clichés et d’interdiction pour l’avenir de toute publicité. Toutefois, le droit à l’image connaît des limites, liées notamment au droit à l’information et à la liberté de la presse. Le droit pénal sanctionne les atteintes au droit à l’image, telles que la captation d’image dans un lieu privé, ou le montage réalisé avec les paroles ou l’image de l’intéressé. »
« Désigne, par opposition à la vie publique, la sphère des activités de la personne qui relèvent de l’intimité et qui doivent rester à l’abri du regard d’autrui : vie sentimentale, mœurs, état de santé, pratique religieuse, loisirs, etc. La loi proclame le droit au respect de la vie privée, la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvrant droit à réparation. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
« Peut être judiciairement déclaré, à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées, le décès de tout Français disparu en France ou hors de France, dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n'a pu être retrouvé.
Peut, dans les mêmes conditions, être judiciairement déclaré le décès de tout étranger ou apatride disparu soit sur un territoire relevant de l'autorité de la France, soit à bord d'un bâtiment ou aéronef français, soit même à l'étranger s'il avait son domicile ou sa résidence habituelle en France.
La procédure de déclaration judiciaire de décès est également applicable lorsque le décès est certain mais que le corps n'a pu être retrouvé. »
« La rectification des actes de l'état civil est ordonnée par le président du tribunal.
La rectification des jugements déclaratifs ou supplétifs d'actes de l'état civil est ordonnée par le tribunal.
La requête en rectification peut être présentée par toute personne intéressée ou par le procureur de la République ; celui-ci est tenu d'agir d'office quand l'erreur ou l'omission porte sur une indication essentielle de l'acte ou de la décision qui en tient lieu.
Le procureur de la République territorialement compétent peut procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement matérielles des actes de l'état civil ; à cet effet, il donne directement les instructions utiles aux dépositaires des registres. »
« Lorsqu'une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l'on en ait eu de nouvelles, le juge des tutelles peut, à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constater qu'il y a présomption d'absence. »
■ Convention européenne des droits de l’homme
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
■ Civ. 1e, 21 mai 1990 (n° 88-12.829, 88-12.850, 88-12.163, 88-15.858) ; D. 1991.169 obs. Massip ; RTD civ. 1991.289 obs. Hauser.
■ CEDH 25 mars 1992, B. c. France.
■Ass. plén. 11 déc. 1992 (n° 91-12.373 et n° 91-11.900) ; RTD civ. 1993.97 obs. Hauser.
■ Civ. 2e, 5 mars 1997 ; D. 1998.474 obs. Ravanas ; RTD civ. 1997.396 Hauser.
■ Douchy-Oudot M., Droit civil 1re année, Dalloz, 5e éd., coll. HyperCours, 2007, p. 196 s.
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