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Le cas du mois
Procédure et contentieux administratifs
Des ennuis de travaux à la pelle !
Léo Zénith vient de remporter un siège aux élections régionales (v. le cas du mois précédent). Ses nouveaux amis, Désiré, Norah et Maria, veulent sans attendre fêter l’événement. Cela tombe bien — si l’on peut dire — puisque le parti de Léo, le PIIOU, organise un grand rassemblement festif sur la place de l’hôtel de ville pour fêter sa victoire aux élections régionales.
Musique, concert de klaxons… rien ne manque pour célébrer la victoire. Désiré qui veut prendre de la hauteur face à la situation, monte sur un auvent de l’hôtel de ville… qui s’effondre ! Mais heureusement plus de peur que de mal dans la foule présente, sauf pour notre ami Désiré qui a le bras cassé… et voit ses espoirs brisés. Il devait en effet passer le lendemain un examen de piano très important et très sélectif pour l’entrée à la prestigieuse École supérieure de musique.
Tout cela ne se serait pas passé, pense Désiré, si la mairie avait pris les mesures adéquates. Compte tenu de la vétusté de l’édifice public, l’équipe municipale a décidé de déplacer la plupart des services municipaux dans de nouveaux bâtiments flambant neufs mais peu insonorisés. Adhémar en sait quelque chose : son appartement étant contigu à ceux-ci, il peut assister sans se déplacer aux séances du conseil municipal, y compris jusque tard dans la nuit ! La situation devient vite insupportable pour notre ami qui décide de saisir la justice.
Désiré pourra-t-il engager la responsabilité de l’administration pour le préjudice subi ? Adhémar a-t-il des chances d’obtenir réparation des nuisances provoquées par les nouveaux bâtiments de la mairie ?
Désiré peut-il engager la responsabilité de l’administration pour le préjudice subi ?
Désiré peut engager la responsabilité de la commune devant les juridictions administratives pour le préjudice subi. En effet, la chute trouve son origine dans l’effondrement d’un auvent de l’hôtel de ville qui est lui-même un ouvrage public. Ce sont donc les règles de la responsabilité administrative qui trouvent ici à s’appliquer, plus précisément celles régissant les dommages de travaux publics (CE, sect., 24 nov. 1967).
Désiré pourra se prévaloir d’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public en sa qualité d’usager. L’usage anormal de l’ouvrage ou d’un de ses accessoires est sans incidence sur le régime applicable. En effet, l’usager « anormal » de l'ouvrage, c'est-à-dire celui qui ne respecte pas sa destination ou ses règles d'utilisation, est assimilé à l'usager ordinaire (CE, sect., 30 oct. 1964). Le fait d’être monté sur un élément qui par nature n’a pas pour fonction de servir de promontoire, peut être prise en compte par le juge comme faute de la victime pour atténuer la responsabilité de la commune. Il faut au demeurant rappeler que cette dernière n’a de son côté pris aucune disposition pour en éviter l’accès en dépit de la vétusté de l’édifice. La commune ne pourra donc pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’elle n’a commis aucun défaut d’entretien normal : elle avait au contraire connaissance des risques présentés par l’édifice tout entier sans avoir pris, pour autant, les mesures de signalement nécessaires.
S’agissant de la réparation de la perte d’une chance d’obtenir son examen d’entrée à l’École Supérieure de Musique, il n’est pas certain qu’elle soit suffisamment sérieuse pour être indemnisée. En effet, le juge procède à un examen de la probabilité de l'obtention de l'avantage, du gain ou du droit invoqué par la victime dans l'hypothèse où l’administration n'aurait pas interféré dans le cours des choses. Or, Désiré ne nous dit pas si, par exemple, les possibilités de se présenter à cet examen étaient réduites ou pas, ou bien encore, si son niveau lui permettait sérieusement de prétendre à une réussite à celui-ci.
Adhémar a-t-il des chances d’obtenir réparation des nuisances provoqués par les nouveaux bâtiments de la mairie ?
Adhémar peut rechercher lui aussi la responsabilité de la commune pour dommage de travaux publics, la cause du dommage provenant d’un ouvrage public, mais sur un autre fondement que celui de Désiré. Adhémar est, contrairement à son ami, en position de tiers, autrement dit d’une personne n’utilisant pas l’ouvrage au moment où il subit le dommage alors même qu’il résulte de l’existence ou du fonctionnement de cet ouvrage. Cette qualité lui permet d’engager la responsabilité sans faute de la commune devant les juridictions administratives (CE 4 oct. 1957). Adhémar doit donc seulement démonter au juge qu’il y a un lien de cause à effet entre l’ouvrage et le dommage causé, et que le préjudice subi est anormal – autrement dit qu’il dépasse la simple gêne et donc dépasse un certain seuil de tolérance — et spécial — c’est-à-dire subi par un seul ou groupe restreint d’individus, conditions qui en l’espèce semblent ne pas être des obstacles à l’admission d’une réparation. Le juge prend en considération pour apprécier l’anormalité du dommage certains éléments dont la règle de l’antériorité (CE 3 mars 1978).
Références
■ CE, sect., 24 nov. 1967, Min. Travaux publics c/ Dlle Labat, Lebon 444.
■ CE, sect., 30 oct. 1964, Min. Travaux publics et transports c/ Piquet, Lebon 505, concl. Fournier.
■ CE 4 oct. 1957, Ministre des travaux publics c/ Beaufils, Lebon 510.
■ CE 3 mars 1978, Secrétaire d’État aux Postes et télécommunications c/ Acam, Lebon T. 963.
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