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Le cas du mois
Déshabiller Adhémar pour habiller Paula
Désiré et Adhémar ont brillamment réussi leur premier semestre. Pour fêter cela, ils décident de s’offrir un beau voyage. Destination la Nouvelle-Zélande. Pour payer le voyage, les deux garçons souhaitent utiliser l’argent qu’ils avaient mis de côté sur leur livret A. Au moment de faire le virement des sommes nécessaires au paiement des billets d’avions, Adhémar s’aperçoit que 5 000 euros ont disparu de son compte épargne…
Affolé, il contacte la banque pour comprendre ce qu’il se passe. Après deux jours d’attente, il est contacté par M. Richard, le directeur de la banque qui lui apprend que l’une de ses salariés, Paula, a détourné l’argent de ce compte. Cette dernière, accro du shopping, vit au-dessus de ses moyens. Elle a expliqué qu’étant déjà à découvert, elle avait besoin de cet argent pour acheter des pièces de créateurs repérées lors de la fashion week début mars. Grâce à son emploi à la banque, Paula pouvait facilement détourner les sommes nécessaires à ses achats.
Adhémar, excédé par l’attitude de Paula, souhaite engager la responsabilité de cette dernière ainsi que celle de la banque pour obtenir réparation de son préjudice.
■ ■ ■
Paula, employée de la banque dirigée par M. Richard, a détourné des fonds du compte d’Adhémar.
Il convient de rechercher d’une part, si la responsabilité personnelle de Paula peut être engagée et d’autre part, si M. Richard peut voir sa responsabilité engagée du fait des agissements de son employée.
I. La responsabilité de M. Richard
L’article 1384, alinéa 5, du Code civil pose le principe selon lequel les commettants sont responsables des dommages causés par leurs préposés dès lors qu’ils ont agi dans l’exercice de leurs fonctions.
Trois conditions doivent donc être réunies :
– il doit exister un lien de préposition entre le commettant et le préposé. Pour la jurisprudence, ce lien « suppose que ce dernier a eu le droit de donner au préposé des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé » (Civ. 4 mai 1937). ;
– le préposé doit avoir commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité personnelle ;
– le préposé doit avoir agi dans le cadre de ses fonctions.
En l’espèce, Paula, employée banque, a profité de sa position pour détourner 5 000 € du compte d’Adhémar.
En tant qu’employée, Paula est liée à la banque par un contrat de travail. Le contrat de travail permettant à l’employeur, en l’espèce M. Richard, de donner à l’employée des ordres ou des instructions sur la manière de remplir ses fonctions, il semble que la condition tenant à l’existence d’un lien de subordination soit remplie.
Par ailleurs, Paula a détourné des fonds d’un compte en banque. Le détournement de fonds est constitutif d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité personnelle. Le fait fautif est donc caractérisé en l’espèce.
Enfin, il faut que le préposé ait agi dans le cadre de ses fonctions et donc que le salarié n’ait pas commis un abus de fonction. L’abus de fonction a été défini par la jurisprudence comme le fait pour le salarié d’agir « hors de ses fonctions auxquelles il [est] employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions » (Ass. plén. 19 mai 1988).
Les conditions relatives à l’absence d’autorisation et à l’action du préposé à des fins étrangères à ses attributions ne posent pas de difficulté en l’espèce puisque Paula n’avait aucune autorisation pour détourner les fonds et qu’elle l’a fait à des fins personnelles pour s’acheter des vêtements.
En revanche, a-t-elle agi dans le cadre de ses fonctions ?
Cette condition est appréciée de manière très stricte par les juges. En effet, il faut rechercher si le dommage a été causé, pendant les heures de travail, sur le lieu de travail avec les instruments mis à la disposition du salarié. En l’espèce, Paula était apparemment sur son lieu de travail et a utilisé les moyens mis à sa disposition dans le cadre de sa mission pour détourner les fonds. Il semble donc que l’abus de fonction ne puisse pas être retenu, cette dernière condition faisant défaut.
La responsabilité de M. Richard pour le détournement commis par Paula pourra donc être engagée.
II. La responsabilité de Paula
Depuis l’arrêt d’Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 25 février 2000, le préposé qui a commis un dommage sans excéder les limites de sa mission n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers.
Toutefois, dans un arrêt du 14 décembre 2001, l’Assemblée plénière a limité l'immunité du préposé lorsque ce dernier a commis une faute pénale intentionnelle. Dans une telle hypothèse, la responsabilité personnelle du préposé pourra être engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
En l’espèce, Paula a détourné les fonds se trouvant sur le compte d’Adhémar pour pouvoir faire du shopping.
Le fait de soustraire de l’argent d’un compte bancaire est une infraction pénale intentionnelle. Dès lors, Paula pourra voir sa responsabilité personnelle engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
Adhémar pourra donc poursuivre M. Richard et Paula pour obtenir réparation de son dommage.
Références
■ Code civil
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
■ Ass. plén. 19 mai 1988, n°87-82.654.
■ Ass. plén. 25 févr. 2000, n° 97-17.378 97-20.152, RTD civ. 2000. 582, note Jourdain.
■ Ass. plén. 14 déc. 2001, n°00-82.066, RTD civ. 2002. 109, note Jourdain.
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