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Le cas du mois
Droit de la responsabilité civile
Écart de conduite
Bien mal acquis ne profite jamais ! Désiré vient d’en faire l’amère expérience.
Le week-end dernier, souhaitant profiter des premiers jours d’été, il avait emprunté la voiture de sa mère, sans l’en avertir, pour se balader aux abords de Paris en compagnie d’Adhémar. Profitant d’un moment d’inattention de ses parents, occupés par la conversation qu’Adhémar avait fait exprès d’entamer, Désiré avait tout simplement saisi le sac à main de sa mère pour récupérer les clés de voiture, rangés dans la poche habituelle. Quelques heures après le départ des deux cousins, les parents de Désiré s’aperçurent de la disparition de leur véhicule. Inquiets, ils s’étaient alors rendus au commissariat pour déposer une plainte pour vol, n’ayant bien sûr à aucun moment soupçonné leur fils d’en être l’auteur. Hasard ou coïncidence, au moment même où ils signaient leur plainte, les cousins eurent un accident de la route, leur véhicule ayant été percuté par un conducteur non titulaire du permis de conduire, et fortement alcoolisé. Si Adhémar en sortit indemne, Désiré, qui était au volant du véhicule, a été gravement blessé au point de devoir suivre, dans les semaines à venir, de nombreuses séances de rééducation. Autant dire que son été promet d’être gâché. L’étendue de ses dommages a naturellement conduit ses parents à lui pardonner son forfait. Outre le soutien de ses parents, Désiré a également pu compter sur l’implication de l’avocat et ami de ses parents, Eric. Cependant, si ce dernier a réussi à obtenir la condamnation du chauffard à l’origine de la collision à une peine de prison de deux ans avec sursis, assortie d’une amende conséquente, sur le plan civil, la famille eut la malheureuse surprise d’apprendre, à l’issue de l’audience, que le juge avait exonéré leur assureur de la garantie dont il était censé être tenu pour les préjudices subis par Désiré, motif pris de la responsabilité de ce dernier pour le vol du véhicule. Vu le contexte familial, tout le monde s’est étonné que cette circonstance ait pu être jugée élusive de la garantie de l’assureur. Leur avocat leur avait d’ailleurs parlé d’une « immunité familiale » prévue en cas de vol commis entre enfants et parents. Commençant à douter de la compétence de leur avocat, auquel ils se fient surtout en raison de leurs liens d’amitié, les parents de Désiré aimeraient s’assurer, avant de se pourvoir en cassation, de la réalité de cette immunité dont ils espèrent pouvoir bénéficier. Craignant le manque d’impartialité de leur fils et même de leur neveu sur cette affaire, dont aucun ne sort grandi, ils comptent sur vous pour les éclairer.
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■ Sélection des faits : Le passager d’un véhicule est blessé dans un accident provoqué par un conducteur alcoolisé, non titulaire du permis de conduire et circulant à vitesse excessive. Quelques heures plus tôt, la victime avait pris la voiture de ses parents à leur insu. Le juge condamne pénalement le conducteur responsable de l’accident mais rejette la demande d’indemnisation du préjudice, causé par les infractions, formée par les parents de la victime contre l’assureur du véhicule.
■ Qualification des faits : Après avoir subtilisé la voiture de ses parents, le passager d’un véhicule est victime d’un accident de la circulation causé par un conducteur circulant en infraction à plusieurs dispositions du Code de la route. Le juge déclare ce dernier pénalement responsable mais déboute les parents de la victime de l’action civile qu’ils avaient engagée contre leur assureur en indemnisation du préjudice corporel de leur fils.
■ Problème de droit : Le mineur victime d’un accident de la circulation après avoir subtilisé la voiture de ses parents peut-il obtenir, sur le fondement du droit des assurances, l’indemnisation de son préjudice corporel ?
■ Majeure : L'infraction de vol telle que définie à l'article 311-1 du Code pénal s'entend de la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; outre son élément matériel, cette infraction suppose également la caractérisation d'un élément intentionnel résidant dans le caractère frauduleux de la soustraction. Il existe toutefois une immunité familiale prévue par l’article 311-12 du même code. Selon ce texte, ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne : 1° Au préjudice de son ascendant ou de son descendant ; 2° Au préjudice de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément. Cette immunité s’applique donc notamment entre enfants et parents. Plus particulièrement, le vol commis par les premiers ne permet pas aux seconds d’engager des poursuites pénales contre eux même lorsque leur véhicule a bien été pris en fraude. En revanche, cette immunité pénale ne s’étend pas au droit des assurances. En effet, l’article L 211-1 alinéa 2 du Code des assurances dispose que si le contrat d’assurance couvre la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, d’un véhicule, il prévoit par exception qu’en cas de vol du véhicule, le contrat ne couvre pas la réparation des dommages subis par les auteurs, coauteurs ou complices du vol. Cette exception légale revient à exclure la garantie de l’assureur notamment dans le cas où un véhicule est conduit après avoir été soustrait aux parents du conducteur. Même si l’emprunt du véhicule par des enfants n’est pas constitutif d’un vol au sens du droit pénal (soustraction frauduleuse de la chose appartenant à autrui), il l’est donc au regard du droit des assurances.
■ Mineure : Désiré a pris les clés du véhicule dans le sac à main de sa mère, à l'insu de celle-ci. L’élément matériel du vol est donc constitué. Quant à l’élément intentionnel, il doit être discuté. En effet, il est douteux qu’il ait réellement entendu voler la voiture de ses parents. Ceci étant, au regard du droit pénal, il avait conscience du caractère illicite de son acte, bien qu’effectué sans effraction, dans la mesure où la prise du véhicule a été effectuée sans l'accord de ses parents et que ces derniers, en leur qualité de propriétaires du véhicule, ont déposé plainte pour vol. Le véhicule a donc bien été subtilisé par Désiré en fraude de ses parents, en sorte que l’élément intentionnel semble pouvoir être caractérisé.
Certes, Désiré, en qualité de fils des victimes du vol du véhicule, sera pénalement couvert par l’immunité familiale. Toutefois, cette immunité ne s’étendant pas au droit des assurances, les faits qu’il a commis seront sans doute qualifiés de vol en application de l'article L. 211-1 du Code des assurances, nonobstant l'absence de poursuites pénales due à l'immunité familiale. C’est ce que dans un contexte similaire à celui du cas rapporté, la Cour de cassation a jugé pour exclure la garantie indemnitaire de l’assureur des parents du mineur victime d’un accident de la circulation après avoir volé leur voiture (Crim. 21 mars 2023, n° 22-83.477).
■ Conclusion : L’assureur des parents de Désiré ne devrait pas être tenu à garantie pour l’indemnisation des dommages corporels subis par ce dernier.
Sur la méthodologie du cas pratique : V. vidéo Dalloz
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