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Le cas du mois
Droit des obligations
Gagner le gros lot
Désiré et Adhémar ont reçu, le 10 février 2016, d’une société de distribution une lettre leur annonçant qu’ils étaient les heureux gagnants d’une somme de 1000 euros payable immédiatement sur simple envoi, sous la seule réserve d’y procéder dans les délais, d’un bon de validation qui était joint à cette lettre. Enchantés, Désiré et Adhémar n’ont pas hésité une seule seconde et renvoyé le jour même le bon de validation.
Or, voilà que deux jours plus tard, ils reçurent une nouvelle lettre de la société leur annonçant qu’à l’issue de l’ultime grand tirage, ils n’avaient malheureusement pas gagné les 1000 euros prévus, mais qu’ils se verraient néanmoins attribuer un lot de consolation.
Désiré et Adhémar sont furieux, car ils n’avaient pas du tout compris qu’en renvoyant leur bon de validation, ils ne faisaient en réalité que participer à un pré-tirage. Pourtant, selon eux, la première lettre était sans équivoque et les désignait comme les gagnants définitifs du tirage organisé. Dans ces conditions, ils entendent réclamer des comptes à la société et, notamment, les 1000 euros promis, qu’ils estiment avoir gagnés.
Désiré et Adhémar voudraient savoir sur quel fondement ils peuvent agir et, persuadés que la justice est une entreprise aléatoire, quelles sont leurs chances de succès. On ne se refait pas !
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Pour savoir si Désiré et Adhémar peuvent obtenir le versement de la somme qu’ils pensent avoir gagnée, il faut déterminer si la société s’est engagée à la leur verser.
Pour condamner les organisateurs de loterie publicitaire à verser les gains annoncés, les juges se fondent, depuis un arrêt du 6 septembre 2002, sur le quasi-contrat (C. civ., art. 1371). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a considéré que « l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer » (Cass., ch. mixte, n° 98-22.981).
Il en résulte que pour obtenir la délivrance de son gain, le bénéficiaire d’une loterie publicitaire doit démontrer qu’il a bénéficié d’une publicité individuelle, que celle-ci contient l’annonce d’un gain et qu’aucun aléa n’a été mis en évidence. Dans un arrêt du 13 juin 2006 (Civ. 1re, n° 05-18.469), la Cour de cassation a précisé ses exigences quant à l’aléa. Il convient :
- que l’évidence de l’aléa apparaisse dès l’annonce du gain : exigence temporelle ;
- qu’elle puisse être appréciée à la première lecture : exigence formelle.
En l’espèce, Désiré et Adhémar apparaissent bien comme les destinataires de la publicité qui leur a été adressée nominativement, la première lettre les informant clairement qu’ils sont les heureux gagnants d’une somme de 1000 euros payable immédiatement sur simple envoi dans les délais du bon de validation. Ainsi, aucun aléa n’est-il mis en évidence dans la première lettre. S’il existait un aléa, ce n’est qu’à la lecture du second courrier qu’ils étaient susceptibles de le percevoir, en y apprenant qu’ils avaient simplement participé à un pré-tirage et qu’à l’issue de l’ultime grand tirage, ils n’avaient pu obtenir qu’un seul lot de consolation. Or la jurisprudence exige que l’aléa ressorte dès la première lecture, c’est-à-dire dès l’annonce du gain initial. La mise en évidence de l’aléa aurait donc dû apparaître dans le contenu du premier courrier, sans que le second courrier, en tant que document postérieur, ne puisse être de nature à détruire la croyance générée par le premier.
En conséquence, les conditions du quasi-contrat sont réunies et Désiré et Adhémar ont toutes les chances d’obtenir le versement des 1000 euros promis.
Références
■ Cass., ch. mixte, 6 sept. 2002, n° 98-22.981, D. 2002. 2963, note D. Mazeaud ; ibid. 2531, obs. A. Lienhard ; RTD civ. 2003. 94, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2003. 355, obs. B. Bouloc.
■ Civ. 1re, 13 juin 2006, n° 05-18.469 P, D. 2006. 1772.
Sur la méthodologie du cas pratique : V. vidéo Dalloz
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