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Le cas du mois
Droit de la famille
La justice, un remède de grand-mère ?
Décidemment, les temps sont durs pour Simone. Depuis peu locataire d’un modeste meublé après avoir été contrainte de quitter l’appartement familial, la voisine et nouvelle amie de Désiré et d’Adhémar est en fait moins contrariée par ses difficultés matérielles que par celles, relationnelles, qu’elle rencontre avec sa fille, née d’un premier lit.
Si elles ne se sont jamais vraiment entendues, depuis quelques années déjà, elles ne se parlent quasiment plus. Le conflit est en fait né en même temps que les enfants de la fille de Simone, celle-ci ayant pris prétexte de leur mésentente pour empêcher sa mère de voir ses deux petites-filles, deux jumelles de six ans. Simone ne les a jamais rencontrées depuis la réception du faire-part de naissance que sa fille avait quand même eu la décence de lui adresser.
Simone a malgré tout fait en sorte de créer un lien, même à distance, avec les jumelles, leur envoyant des cartes de vœux pour Noël, des cadeaux pour leur anniversaire, des photos de vacances, des jouets, des livres pour enfants, et ce de manière constante, jusqu’à aujourd’hui, malgré ses moyens financiers limités.
Lassée de ces échanges sans contact, Simone souhaiterait demander à un juge, à défaut de pouvoir l’obtenir de sa propre fille, un droit de visite sur les jumelles. Elle ignore cependant si un tel droit est juridiquement reconnu aux grands-parents et, le cas échéant, selon quelles modalités.
Pouvez-vous l’éclairer ?
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Sélection des faits : Privée du droit de voir ses petites filles depuis leur naissance malgré ses attentions multiples et répétées à leur endroit, une grand-mère souhaite obtenir en justice le droit de leur rendre visite.
Qualification des faits : Une mère s’oppose injustement à ce que ses filles, mineures, rencontrent et fréquentent leur grand-mère. Celle-ci entend, en sa qualité d’ascendant, obtenir d’un juge l’octroi d’un droit de visite.
Problème de droit : Un parent peut-il faire obstacle au développement de relations entre son enfant, mineur, et son grand-parent ?
Majeure : « L’autorité parentale (…) (a) pour finalité l’intérêt de l’enfant » et a été conçue « pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité » (C. civ., art. 371-1). C’est dans cette perspective et en vertu de l’autorité qu’ils détiennent sur leur enfant que ses parents sont autorisés et même invités à contrôler ses fréquentations.
Ils ne peuvent cependant faire obstacle au développement de certaines relations. Ils doivent ainsi respecter les liens qui unissent l’enfant au second parent (Civ. 1re, 4 nov. 2010, n° 09-15.302 P, reconnaissant l’égalité des parents comme un « principe essentiel du droit français » ; sur ce point V. égal. J. Garrigue, Droit de la famille, Dalloz, n° 776), ainsi qu’à ses frères et sœurs (C. civ., art. 371-5 : « L’enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs , sauf si cela (est indispensable) ou si son intérêt commande une autre solution. S’il y a lieu, le juge statue sur les relations personnelles entre les frères et sœurs »).
Ils ne peuvent davantage priver leur enfant d’avoir des contacts avec ses aïeuls : « (l’enfant) a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants » et « (seul son) intérêt (…) peut faire obstacle à l’exercice de ce droit » (C. civ., art. 371-4). Ainsi, lorsque des parents s’opposent sans raison légitime à ce que leur enfant rencontre ses grands-parents, ces derniers peuvent donc obtenir en justice le droit de correspondre avec lui, de lui rendre visite et même de l’héberger de temps en temps (Civ. 1re, 1er déc. 1982, n° 81-14627 P ; Civ. 1re, 14 janv. 2009, n° 08-11.035 P).
Il convient enfin d’ajouter que même un tiers, parent ou non, est en droit d’obtenir la protection du lien noué avec l’enfant (C. civ., art. 371-4), à la condition que l’intérêt de l’enfant le justifie, ce qui permet notamment à d’anciens conjoints ou concubins des père et mère, à des oncles et tantes ou à des personnes qui ont temporairement accueilli l’enfant (Civ. 1re, 1er déc. 1982, préc.) de continuer à le fréquenter et parfois même de l’héberger périodiquement (Civ. 1re, 5 mai 1986, n° 84-16.901 P).
Concernant les modalités d’exercice de ces droits de visite et d’hébergement, l’étendue des pouvoirs du juge est assez remarquable. D’ailleurs, l’article 371-4 ne précise pas les modalités selon lesquelles le droit de visite et d’hébergement des grands-parents peut s’exercer. Si l’article 1180-5 du Code de procédure civile dispose que lorsque le juge décide que le droit de visite de l’un des parents s’exercera dans un « espace de rencontre », il est libre de fixer la durée de la mesure et de déterminer la périodicité et la durée des rencontres. Quoi qu’il en soit, ce texte n’est pas applicable aux relations entre les enfants et leurs grands-parents (Civ. 1re, 13 juin 2019, n° 18-12.389 P et 18-16.642 P) en sorte que le juge peut encore plus librement décider de la durée de la mesure, du lieu et de la périodicité des rencontres (Civ. 1re, 13 juin 2019, préc.).
Mineure : Simone devrait en conséquence très probablement obtenir le droit de visite escompté. Alors qu’elle n’a jamais pu rencontrer ses petites-filles en raison du refus, illégitime, de leur mère, celle-ci a néanmoins réussi à créer un lien avec elles, par des attentions régulières, s’étant ainsi conférée une certaine place dans leur vie et ayant également préservé, par son attitude, l’unité de la fratrie. Enfin, son attitude récente témoigne de la permanence de son engagement, malgré ses difficultés matérielles.
Il semble donc assez certain qu’il est de l’intérêt des jumelles de rencontrer, enfin, leur grand-mère et d’entretenir des relations avec elle, dont le juge saisi déterminera librement les modalités d’exercice en fonction de l’intérêt, supérieur, des filles.
Sur la méthodologie du cas pratique : V. vidéo Dalloz
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