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Le cas du mois

Leçon de dictée…

[ 1 septembre 2011 ] Imprimer

Droit des successions et des libéralités

Leçon de dictée…

Après des vacances au Brésil avortées, Désiré apprend à son retour sur Limoges le décès de la riche propriétaire terrienne, Mme Testatique, paralysée depuis l’enfance à la suite d’un choc émotionnel...

Considérant cette dernière comme sa propre grand-mère, Désiré lui avait toujours rendu de nombreux services et prodigué beaucoup d’attention.

Le malheur des uns pouvant faire le bonheur des autres, Désiré voit sa prévenance récompensée en apprenant que Mme Testatique l’a, par testament, désigné héritier.

Désiré se voit déjà vivre de ses rentes mais… c’est sans compter sur la demande d’annulation du testament et l’inscription en faux faite par Lucile Perpalenord. Nièce et unique héritière de Mme Testatique, elle argue que sa tante n’a jamais pu dicter à son notaire ses dernières volontés devant témoins du fait de sa paralysie partielle faciale et que la rédaction de l’acte n’est que le fruit de l’inspiration de l’officier public.

Quelles sont les chances de Désiré de devenir rentier ?

■ ■ ■

Afin de pouvoir se prononcer sur les chances de Désiré de devenir rentier, il est important d’abord de déterminer la date à laquelle on doit se placer pour définir le droit applicable. Toute succession s’ouvrant par le décès (art. 720 C. civ.), c’est à la réglementation applicable en septembre 2011 qu’il faut se référer (art. 720 s. C. civ.).

Ensuite, il faut déterminer l’ordre et le degré des héritiers de Mme Testatique (art. 734 C. civ.). Cette dernière ne laisse, apparemment, ni conjoint, descendant ou ascendant survivants. Sa nièce Lucile Perpalenord semble être la seule à être appelée à lui succéder en qualité de collatérale privilégiée (2e ordre, art. 737 C. civ.) du 2e degré (art. 741 et 743 al. 2 C. civ.).

Parallèlement, Désiré aurait été institué, par testament authentique, légataire universel, c’est-à-dire qu’il serait bénéficiaire d’un legs qui lui donne vocation à recueillir l’ensemble de la succession de Mme Testatique (art. 1003 C. civ.). On comprend ainsi aisément pourquoi Lucile Perpalenord souhaite contester la validité du testament…

Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit (art. 901 C. civ.), la preuve contraire incombant à celui qui invoque la nullité du testament (Civ. 1re, 6 juill. 2000). En vertu de l’article 916 du Code civil, le testateur qui ne laisse ni descendant ni de conjoints survivants, peut consentir des libéralités par actes entre vifs ou testamentaires sur la totalité de ses biens. De plus, le testament authentique répond à un certain formalisme. Ainsi, en vertu de l’article 971 du Code civil, le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins, ceci afin de garantir que les dernières volontés du testateur ont été fidèlement transcrites juridiquement (Civ. 1re, 28 juin 1961).

En l’espèce, il semble que Mme Testatique ait confié ses dernières volontés qu’à un seul notaire. Dans cette hypothèse, l’article 972 alinéa 2 du Code civil précise :

– que le testament doit être dicté (et non lu : Civ. 1re, 26 sept. 2007) par le testateur personnellement et oralement (et non par signes : Civ. 1re, 7 juill. 1965) ;

– et que c’est le notaire, lui-même, qui l’écrit sous la dictée du testateur (ou le fait écrire à la main ou « mécaniquement ») en présence des deux témoins qui doivent attester de la dictée (Civ. 1re, 19 déc. 1978).

Si le testament authentique n’a pas été réellement dicté en présence de ces deux témoins, il est frappé de nullité absolue (Civ. 1re, 29 juin 2011).

Lecture est ensuite faite au testateur (art. 972 al. 3 C. civ.) pour qu’il puisse vérifier que ses intentions ont été correctement transcrites.

En l’espèce, selon les dires de Lucile Perpalenord, il semble que la présence de témoins ne soit pas à remettre en cause et qu’ils étaient bien présents lors de la dictée. Quant au moyen soulevé par cette dernière que sa tante n’ait pu procéder à la dictée du fait de sa paralysie partielle faciale, il a été jugé que la maladie mentale ne doit pas être confondue avec une infirmité physique (v. pour une difficulté d’allocution : Civ. 1re, 20 févr. 1968 ; pour une paralysie partielle conséquence d’une tumeur : Civ. 1re, 22 déc. 1971).

Désiré aurait ainsi toutes ses chances de devenir rentier.

Références

■ M. Grimaldi (dir.), Droit patrimonial de la famille 2011-2012, 4e éd., Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2011, n°321-141 s.

Testament

[Droit civil]

« Acte juridique unilatéral par lequel une personne, le testateur, exprime ses dernières volontés et dispose de ses biens pour le temps qui suivra sa mort.

• Le testament authentique est celui qui est reçu par 2 notaires ou un notaire et 2 témoins.

• Le testament mystique ou secret est celui qui est écrit par le testateur ou un tiers, signé par le testateur, présenté clos et scellé à un notaire qui dresse un acte de suscription en présence de 2 témoins.

• Le testament olographe est celui qui est entièrement écrit, daté et signé de la main du testateur. La signature doit être nécessairement apposée à la suite des dispositions de dernières volontés à peine de nullité du testament. »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

Civ. 1re, 6 juill. 2000, n° 98-22.654, D. 2001. 1509.

Civ. 1re, 28 juin 1961, Bull. civ. I, n°353.

Civ. 1re, 26 sept. 2007, n°05-19.909.

Civ. 1re, 7 juill. 1965.

Civ. 1re, 19 déc. 1978, n°77-15.542.

Civ. 1re, 29 juin 2011, n°10-17.168.

Civ. 1re, 20 févr. 1968, Bull. civ. I, n°74.

Civ. 1re, 22 déc. 1971, Bull. civ. I, n°329

■ Code civil

Article 720

« Les successions s'ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt. »

Article 734

« En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit :

1° Les enfants et leurs descendants ;

2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ;

3° Les ascendants autres que les père et mère ;

4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants. »

Article 737

« Lorsque les père et mère sont décédés avant le défunt et que celui-ci ne laisse pas de postérité, les frères et sœurs du défunt ou leurs descendants lui succèdent, à l'exclusion des autres parents, ascendants ou collatéraux. »

Article 741

« La proximité de parenté s'établit par le nombre de générations ; chaque génération s'appelle un degré. »

Article 743

« En ligne directe, on compte autant de degrés qu'il y a de générations entre les personnes : ainsi, l'enfant est, à l'égard du père et de la mère, au premier degré, le petit-fils ou la petite-fille au second ; et réciproquement du père et de la mère à l'égard de l'enfant et des aïeuls à l'égard du petit-fils ou de la petite-fille ; ainsi de suite.

En ligne collatérale, les degrés se comptent par génération, depuis l'un des parents jusques et non compris l'auteur commun, et depuis celui-ci jusqu'à l'autre parent.

Ainsi, les frères et sœurs sont au deuxième degré ; l'oncle ou la tante et le neveu ou la nièce sont au troisième degré ; les cousins germains et cousines germaines au quatrième ; ainsi de suite. »

Article 901

« Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence. »

Article 916

« A défaut de descendant et de conjoint survivant non divorcé, les libéralités par actes entre vifs ou testamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »

Article 971

« Le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins. »

Article 972

« Si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l'un de ces notaires l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.

S'il n'y a qu'un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.

Dans l'un et l'autre cas, il doit en être donné lecture au testateur.

Il est fait du tout mention expresse. »

Article 1003

« Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès. »

 

 

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