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Le cas du mois

Menace voilée sur le lycée Le Grand Petit Louis

[ 20 novembre 2009 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Menace voilée sur le lycée Le Grand Petit Louis

Depuis qu’ils vivent à Paris, dans un appartement pas forcément très silencieux (v. le cas du mois précédent), Adhémar Tichaud et Désiré Moulade fréquentent le très bon lycée Le Grand Petit Louis. Très heureux d’éduquer leur esprit aux joies des humanités, de l’histoire et géographie, des langues (pas toutes étrangères) et des sciences (dures mais pas trop), nos deux cousins sont pourtant étonnés de voir arriver en plein milieu d’année une jeune fille qui ne dévoile pas vraiment ses sentiments ni même son visage...

Très rapidement, une amitié se lie entre eux. Cette relation s’arrête malheureusement brutalement le jour où le proviseur convoque la jeune lycéenne pour lui demander de retirer immédiatement le vêtement lui recouvrant le visage, non sans avoir rappelé le règlement en usage dans l’établissement. L’intéressée refusant d’obtempérer, se voit contrainte de quitter sur le champ l’enceinte du lycée. Nos deux compères, prévenus de la situation par des témoins de la scène, décident de solliciter les conseils d’un avocat pour savoir comment aider la jeune fille à revenir dans le bon lycée Le Grand Petit Louis.

■ ■ ■

La situation dans laquelle se trouve la jeune fille n’est pas évidente dans la mesure où la loi du 15 mars 2004 est venue poser un principe d’interdiction dans les écoles, les collèges et les lycées publics, du port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse (art. L. 141-5-1 C. éduc.). Par conséquent, les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. La loi est rédigée de manière à pouvoir s'appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l'apparition de nouveaux signes, voire à d'éventuelles tentatives de contournement de la loi. Toutefois, et il ne semble pas que ce soit le cas de la jeune fille, la loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets. L’amie d’Adhémar et de Désiré ne pouvait donc pas légalement refuser d’enlever le vêtement cachant son visage.

En revanche, l’attitude du chef d’établissement est quant à elle tout à fait surprenante. En effet, aux termes du second alinéa de l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation (résultant de la loi du 15 mars 2004), le règlement intérieur doit rappeler que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. Or, ce dialogue a, semble-t-il été quasi inexistant, et surtout n’a été suivi d’aucune procédure permettant à l’élève de s’expliquer et de faire valoir ses arguments devant un conseil de discipline. Au demeurant, comme le souligne une circulaire du 18 mai 2004, le dialogue doit être poursuivi le temps utile pour garantir que la procédure disciplinaire n'est utilisée que pour sanctionner un refus délibéré de l'élève de se conformer à la loi. Si le conseil de discipline prononce une décision d'exclusion de l'élève, il appartient par ailleurs à l'autorité académique d'examiner avec l'élève et ses parents les conditions dans lesquelles l'élève poursuivra sa scolarité.

La seule solution qui s’offre à cette jeune fille est de saisir la juridiction administrative pour demander l’annulation de la décision du proviseur révélée par sa demande de quitter sur le champ l’enceinte du lycée, et fondée sur l’illégalité de la procédure. Elle peut également demander au juge administratif d’assortir son jugement d’une réintégration, s’il considère que sa décision implique nécessairement une telle mesure.

Référence

■ Article L. 141-5-1 du Code de l’éducation

« Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.

Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »

 

 

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