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Le cas du mois

Nuits blanches à Montmartre...

[ 22 octobre 2009 ] Imprimer

Droit des biens

Nuits blanches à Montmartre...

Adhémar Tichaud et Désiré Moulade, à la suite de l’incendie ayant ravagé leur domaine ( v. le cas du mois précédent), habitent seuls avec « Maman », leur caniche nain, dans un très vieil appartement près de Montmartre, dans lequel ils se sont installés en plein cœur de l’été…

Ils ont choisi un coquet, et peu coûteux deux pièces, dans un petit immeuble de rapport avec vue imprenable sur la fameuse rue Tabaga, où vécut le peintre impressionniste, (mais pas trop), Émile Feuille. Leur choix a essentiellement, outre le montant raisonnable du loyer, été motivé par la tranquillité absolue du site, laquelle leur a été garantie par le propriétaire, lors de la visite de l’appartement.

Tranquillité absolument nécessaire pour nos deux protagonistes, car le rythme de leurs journées relève de la cadence infernale. Reclus toute la journée, dès potron-minet, dans leurs écoles respectives (Adhémar suit des cours de cuisine, tandis que Désiré est inscrit dans une école privée de peinture sur soie), l’un et l’autre enchaînent ensuite, de 18 à 23 heures 30, avec un harassant et peu gratifiant travail de plongeur dans une pizzeria portugaise. Aussi, aspirent-ils fort légitimement une fois qu’ils ont regagné leurs pénates à un repos plus que mérité !

Or, et c’est là que les choses se gâtent, les cousins ont, depuis la rentrée, hérité d’un voisin, qui jusque-là était en vacances et qui a transformé leurs nuits en cauchemar. Le dénommé Luca Sanova, étalon transalpin et fier de l’être, ramène, en effet, chaque soir que Dieu fait et à la nuit tombée une nouvelle conquête dans son appartement situé juste au-dessus de celui d’Adhémar et de Désiré. Et là, c’est le rodéo infernal ! Magnifiquement pourvu sans doute par Dame Nature et apparemment doté d’une résistance à toute épreuve, le bellâtre calabrais s’y prend de telle façon que ses proies font généreusement et bruyamment connaître leur pleine et entière satisfaction, eu égard à l’hommage qui leur est vigoureusement rendu, à tout le voisinage, et ce des heures durant, sans compter que, sous le coup des athlétiques ruades du mâle italien, les murs de l’immeuble menacent ruine…

Autant de nuits d’ivresse pour le bourreau des corps et ses consentantes et innombrables « victimes » qui se traduisent par autant d’interminables et épuisantes nuits blanches pour nos infortunés Adhémar et Désiré. Et rien n’y fait pour calmer les ardeurs du voisin chéri de ses dames. Toutes tentatives de négociation ont été vaines et se sont soldées par un « Io soui chez moi, Io fait ce que io veut, et basta !!! ».

Adhémar et Désiré, désespérés et éreintés, vous écrivent pour vous demander votre aide. Que peuvent-ils faire, sur un plan juridique bien sûr (car la violence est un remède pire que le mâle, disait le philosophe serbo-croate Josip Ermacher), pour retrouver un peu de leur tranquillité perdue et pour mettre fin à cette épuisante situation?

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Bon, amis juristes, comment faire pour venir en aide à Adhémar et Désiré ?

À la réflexion, deux voies leur semblent, a priori, ouvertes pour en finir avec leur cauchemar.

Ils peuvent exercer une action en responsabilité civile fondée sur la théorie des troubles du voisinage contre Luca Sanova. Pour que celle-ci soit déclarée bien fondée par le juge qui sera saisi, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’une faute commise par leur infatigable voisin italien, (et c’est tant mieux car démontrer que faire l’amour est constitutif d’un quasi-délit n’eût pas été chose aisée pour nos deux compères…), il leur suffit d’apporter la preuve que l’activité nocturne de l’étalon transalpin leur cause un trouble anormal du voisinage. En d’autres termes, ils devront convaincre le juge que les désagréments, que leur causent les ruades nocturnes de Luca, dépassent les inconvénients normaux du voisinage que chacun subit et doit endurer, simplement parce qu’il vit en société, dans une relation de voisinage. Le caractère anormal du trouble est une question de fait souverainement appréciée par les juges du fond. À nos pauvres cousins d’être convaincants donc ! Si le juge décide que leur action est bien fondée et que leur bestial voisin leur cause effectivement un trouble anormal du voisinage, ils peuvent obtenir outre des dommages-intérêts pour le préjudice passé mais encore, et il faut qu’ils songent à le demander au tribunal, ils peuvent obtenir que soit ordonné au fauteur de troubles de prendre les mesures nécessaires à mettre fin aux troubles. La castration chimique étant inenvisageable, on pourrait penser à des travaux d’isolation qui permettraient à Adhémar et à Désiré de ne plus entendre les sons émis par l’étalon et ses conquêtes.

Autre voie, mais beaucoup plus hasardeuse il est vrai, Adhémar et Désiré pourraient exercer une action contre leur bailleur fondée sur le dol. On se souvient en effet qu’au moment de la conclusion du bail, celui-ci leur avait assuré que le site dans lequel était sis leur appartement baignait dans la tranquillité. Ce faisant, n’a-t-il pas commis un dol permettant d’agir soit en nullité du bail, soit en responsabilité civile ? Pour qu’une de ces actions prospère, encore leur faudra-t-il démontrer que leur bailleur a menti intentionnellement et que ce mensonge a causé dans leur esprit une erreur déterminante de leur consentement. En bref, il leur faudra donc notamment apporter la preuve que leur bailleur savait que leur futur voisin du dessus était un amant particulièrement bruyant dont les exploits étaient quotidiens, et qu’il leur a menti délibérément, ce qui ne sera pas simple, on s’en doute…

 

 

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