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Le cas du mois
Introduction au droit
Pourquoi tant de codes dans le monde du droit ?
Après leur rentrée universitaire, Désiré Moulade et Adhémar Tichaud décident d’acheter quelques ouvrages juridiques. Pour cela, ils se rendent à la librairie Dalloz, rue Soufflot, à Paris...
En entrant, Adhémar, renverse de nombreux « codes rouges » aux thèmes divers et variés. Après avoir présenté ses plus sincères excuses à la libraire, Madame Eva Montrouge, il entreprend, avec l’aide de son ami Désiré, de rassembler ces codes. À la lecture des différentes couvertures, ils découvrent un très grand nombre de titres. Ils essaient alors de se remémorer leur cours d’introduction au droit avec le célèbre professeur Félix Rome, qui avait, le temps de quelques heures, abordé le sujet de la codification. Mais leur mémoire a fait abstraction de ce cours, à moins qu’ils aient oublié de se lever ce matin-là…
Quoi qu’il en soit, ils décident de demander à Mme Eva Montrouge des explications sur ce thème.
Qu’est-ce qu’un code napoléonien ?
À quoi sert la codification ? Quelle différence entre la codification créatrice et la codification à droit constant ?
Pourquoi existe-t-il des codes officiels et des codes éditeurs ?
Madame Eva Montrouge, passionnée de codification (et oui cela arrive…) est ravie de répondre à leurs questions mais aura certainement besoin de votre aide.
Rendez-vous dans une dizaine de jours pour connaître les réponses à toutes les questions que se posent Désiré et Adhémar sur la codification…
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■ Les codes napoléoniens
Le mot code vient du latin « codex » qui désigne un livre composé de feuilles de parchemins ou de tablettes écrites reliées ensembles. Un code est un ensemble de lois ordonnées regroupant les matières qui font partie d’une même branche du droit.
Dans un souci d’unifier le droit et par là même, la société, Napoléon voulu que soient réunies « en un seul corps », les règles relatives aux personnes, aux biens et aux relations entre les personnes privées, c’est-à-dire, les lois relatives au droit civil des Français. Le premier code promulgué fut donc le Code civil des Français (loi du 30 ventôse an XII : 21 mars 1804). Il fut rédigé par une commission de quatre juristes reconnus : Portalis Tronchet, Bigot de Préameneu et de Malville. Commission nommée par le premier Consul, le 14 août 1800 : Le Code civil des Français sera ensuite rebaptisé Code Napoléon par la loi du 3 septembre 1807. Ce code a par la suite connu et connaît toujours des modifications, les dernières en date étant celles du 9 novembre 2010 concernant la réforme des retraites (L. n° 2010-1330, art. 101 qui modifie l’art. 271 C. civ.) et du celle du 7 décembre 2010 et concerne le Département de Mayotte (L. n° 2010-1487 du 7 déc. 2010, art. 17 qui modifie l'art. 2492 C. civ.).
On peut retenir cette phrase célèbre que Napoléon prononça à Sainte-Hèlène : « Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires ; ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil. ». Ce premier code sera ensuite suivi du Code de procédure civile en 1806, du Code de commerce en 1807 (entièrement revu en 2000), du Code d'instruction criminelle en 1808 (abrogé et remplacé par le Code de procédure pénale en 1958) et du Code pénal en 1810 (remplacé par le Code pénal de 1994).
Le mouvement de codification s’essoufflera par la suite et reprendra réellement sous la IIIe République même si quelques codes furent publiés avant cette période (Code de justice militaire de l'armée de terre, 1857 ; Code de justice militaire de la marine, 1858).
■ À quoi sert la codification ?
La codification peut être créatrice, ce processus émane alors de la volonté « de créer des règles juridiques nouvelles ou de réformer le droit existant selon un plan cohérent soucieux de rendre compte de l’ensemble du droit » (J.-Cl. Bécane, M. Couderc, J.-L. Hérin, La loi, 2e éd., Dalloz, coll. « Méthode du droit », 2010, p. 198). Ce type de codification étant, comme nous l’avons vu, essentiellement utilisé à l’époque napoléonienne. En effet, le législateur préfère créer des lois autonomes de plus en plus techniques. La codification créatrice exige un travail long et considérable pour les parlementaires.
Ces difficultés expliquent le choix de la codification-compilation ou codification à droit constant à l’époque contemporaine.
Le décret du 12 septembre 1989 créer la Commission supérieure de codification chargée de programmer les travaux de codification et le suivi de leur avancement. Chaque ministère a alors mis en place des équipes dédiées à cette tâche.
La circulaire du Premier ministre, Alain Juppé, du 30 mai 1996 (JO 5 juin 1996) énonce la doctrine générale de la codification : « La stratégie retenue est celle de la codification du droit existant, dite “ à droit constant ”. Celle-ci entraîne déjà, par le regroupement et la clarification qu'elle opère, une amélioration du droit. Elle précède l'effort de simplification des textes, qu'elle prépare et facilite ».
Dans cette optique, la codification sert avant tout à améliorer la lisibilité et l’accessibilité au droit. Elle provient d’une volonté politique de simplification du droit. La codification « est un outil d’amélioration de l’accès et de la lisibilité de la règlementation car elle permet de regrouper des textes épars tout en les clarifiant, par l’actualisation de leur terminologie, et en les reclassant conformément à la hiérarchie des normes. Elle évalue la cohérence des textes entre eux et permet ainsi une harmonisation de l’état du droit » (Warsmann, Rapport sur la qualité et la simplification du droit, la Documentation française, 2009).
Ce processus concerne uniquement les textes législatifs et règlementaires. Il n’est pas possible de codifier les textes constitutionnels, les textes européens et communautaires ni les textes internationaux.
Afin de répondre à ces objectifs, le processus de codification doit identifier précisément les règles de droit existantes dans une matière spéciale, les classer dans un code ayant une structure cohérente sans ajout ni modification possible. Il convient cependant de noter que l’article 3 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations permet d’opérer « des modifications nécessaires pour améliorer la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés, assurer le respect de la hiérarchie des normes et harmoniser l'état du droit » (JO 13 avr. 2000).
Dans un souci d’accélération du travail de codification, le gouvernement a décidé de recourir à la technique des ordonnances de l’article 38 de la Constitution. La première loi d’habilitation en la matière date du 16 décembre 1999 (L. n° 99-1071). Saisi de cette loi, le Conseil constitutionnel a rappelé que la codification du droit répondait à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi (Cons. const. 16 déc. 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, § 13). Neuf codes ont alors été adoptés: certains livres du Code rural (Ord. 15 juin 2000), le Code de l'éducation (Ord. 15 juin 2000), le Code de la santé publique (Ord. 15 juin 2000), le Code de commerce (Ord. 18 sept. 2000), le code de l'environnement (Ord. 18 sept. 2000), le code de justice administrative (Ord. 4 mai 2000), le Code de la route (Ord. 23 déc. 2000), le Code de l'action sociale et des familles (Ord 23 déc. 2000), et le Code monétaire et financier (Ord. 14 déc. 2000).
D’autres lois d’habilitation seront ensuite votées, et, paraîtront notamment, le Code de l’entrée et Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ord. 24 nov. 2004), le Code de la défense (Ord. 20 déc. 2004), le Code des juridictions financières (Ord. 6 juin 2005), le Code du patrimoine (Ord. 20 févr. 2004), le Code de la recherche (Ord. 11 juin 2004) ou encore le Code du tourisme (Ord. 20 déc. 2004), le Code du travail (Ord. 12 mars 2007, recodification du code de 1973).
La dernière ordonnance publiée est celle relative à la partie législative du Code des transports en date du 28 octobre 2010.
Les parties règlementaires de ces codes ne sont pas encore toutes achevées. Ainsi en est-il, par exemple, pour le Code de l’éducation où seules sont publiés les Livres I à V et une petite partie du dernier Livre (le Livre IX) alors que la partie législative existe maintenant depuis plus de dix ans. Le Code de la recherche quant à lui ne comporte pas encore de partie règlementaire.
Selon le site Légifrance, il existe actuellement 73 codes en vigueur.
On constate que l’ampleur du travail, consistant, pour les équipes de mission de codification de chaque ministère, à rechercher, organiser, numéroter des textes biens souvent épars n’est pas chose facile.
■ Codes officiels et « codes éditeurs »
Les codes officiels, évoqués ci-dessus, sont le plus souvent publiés par des éditeurs juridiques qui leur apportent une réelle valeur ajoutée en incluant dans chaque code des annotations de jurisprudence, parfois des commentaires ou encore des textes non codifiés mais dont l’importance est significative pour comprendre le code officiel.
À ces codes s’ajoutent des « codes éditeurs ». Ces derniers ne font pas l’objet d’une numérotation telle qu’elle se retrouve dans un code officiel. Ils ont vocation à rassembler et à classer des textes épars correspondant à matière donnée. Ainsi existe-t-il aux éditions Dalloz, par exemple, le Code de la fonction publique qui réunit notamment les quatre grandes lois relatives au statut général de la fonction publique (droits et obligations des fonctionnaires, fonction publique de l’État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière). Un Code officiel de la fonction publique est actuellement en cours de rédaction. Autre exemple, le Code des associations et des fondations qui n’existe pas en tant que code officiel mais dont les éditions Dalloz ont créé un code éditeur.
Adhémar et Désiré ont ainsi la mémoire plus que rafraîchit par les explications de Mme Eva Montrouge et ne doutent pas d’être bien préparés pour leur partiel prochain d’introduction au droit…
Références
« Ensemble de lois ordonnées regroupant les matières qui font partie d’une même branche du droit (ainsi C. civ., C. com., C. pén., C. pr. civ.).
Les codes modernes ne constituent plus un tout organique, mais se présentent souvent comme de simples compilations réunissant dans un même texte les dispositions touchant à un ordre de matières déterminé (C. de la pharmacie, C. des Caisses d’épargne, etc.). »
« Regroupement dans un texte d’origine généralement gouvernementale d’un ensemble souvent complexe de dispositions législatives ou réglementaires intéressant une même matière; celles-ci conservent leur portée et leur force juridique originaires, ce qui pose des problèmes délicats lorsque la codification ne respecte pas strictement les textes qu’elle rassemble. »
« Acte fait par le gouvernement, avec l’autorisation du Parlement, dans les matières qui sont du domaine de la loi (art. 38 de la Const. de 1958). Le pouvoir de faire des ordonnances est limité dans sa durée et dans son objet. Avant sa ratification par le Parlement, l’ordonnance a valeur de règlement; après sa ratification, elle prend valeur de loi. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article 38 de la Constitution
« Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des Ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
À l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »
■ Cons. const. 16 déc. 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, n° 99-421 DC, § 13.
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