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Le cas du mois
Droit de la responsabilité civile
Quand un train rencontre une voiture….
Désiré et Adhémar n’en finissent plus de s’inquiéter pour leurs amis… Après les tourments causés par leurs adieux à Ismaël et Nadia, ils apprennent, dès leur retour de vacances, que leur camarade de classe, Camille, a été grièvement blessée dans un accident de voiture.
Il faut dire, même si la remarque peut sembler sévère, qu’elle l’a un peu cherché… On leur a en effet rapporté que Camille, avait décidé, sur un coup de tête, de passer un week-end à Deauville, accompagnée de son père qu’elle avait réussi à convaincre, pour s’adonner à son passe-temps favori, les courses hippiques. Un vendredi soir, Camille et son père décidèrent donc de prendre la route. Le père de Camille, qui n’aime pas beaucoup conduire, laissa le volant à Camille, qui n’avait pourtant que quinze ans… S’il est vrai que Camille se vante régulièrement de savoir, malgré son âge, déjà conduire grâce aux leçons secrètement dispensées par son grand frère, la décision de son père de lui laisser le volant pour effectuer, de nuit, un trajet de 200 km, était quelque peu téméraire, pour ne pas dire inconséquente. Cela étant, le trajet se passa bien. Enfin presque… En effet, alors qu’ils atteignaient le dernier rond-point à franchir avant d’arriver en ville, Camille se trompa de direction et dix minutes plus tard, la jeune adolescente et son père se retrouvèrent, sans trop savoir comment, dans une zone rurale dont ils se demandèrent bien comment sortir… Ils s’arrêtèrent donc, en face d’une voie ferrée, pour regarder une carte routière. Une fois leur chemin retrouvé, Camille redémarra en trombe et sans doute par manque d’expérience comme de visibilité, franchit la voie ferrée, malgré la signalisation qui le lui interdisait, et cala sur le passage à niveau, surélevé, que Camille, par son insuffisante maîtrise de la conduite automobile, n’était pas parvenue à franchir. Ainsi le véhicule se trouva-t-il immobilisé en pleine voie ferrée sur laquelle arrivait un train régional…
L’accident qui en résulta obligea Camille à séjourner deux semaines à l’hôpital. Son père, quant à lui, était indemne. La mère de Camille entend obtenir réparation du préjudice subi par sa fille auprès de la SNCF mais ne sait pas sur quel fondement agir.
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Une collision est survenue à un passage à niveau entre un train et une automobile, à la suite de laquelle la conductrice, âgée de 15 ans, a été blessée. La mère de la victime, en tant que représentante légale de sa fille, souhaite assigner la SNCF en justice pour obtenir la réparation du préjudice subi par sa fille.
Aux termes de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation) : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ». L'applicabilité de cette loi dite « loi Badinter » dépend donc notamment des circonstances relatives au véhicule terrestre à moteur. Par emprunt à l'article L. 211-1 du Code des assurances, le véhicule terrestre à moteur vise tout engin qui circule sur le sol grâce à une force motrice et a vocation à transporter des personnes ou des choses (autobus, taxi). L'existence d'un moteur suffit, même s'il n'est pas en marche (V. un accident à bord d'un autobus en arrêt prolongé, Civ. 2e, 25 janv. 2001, n° 99-12.506), dès lors que la fonction du véhicule est d'assurer le déplacement. Figurent aussi les remorques et semi-remorques attelées au véhicule.
Mais la loi ne s’applique pas aux véhicules empruntant les chemins de fer et aux tramways circulant sur des voies propres. Pour déterminer le domaine d’application de la loi de 1985, la notion de voie propre est alors déterminante. Celle-ci peut être définie comme la voie matériellement séparée de la circulation automobile telle que celle, par exemple, réservée aux tramways et séparée de la rue par un terre-plein d'arbustes formant une haie vive (Civ. 2e, 29 mai 1996, n° 94-19.823). Au contraire, la voie réservée au tramway dont les rails sont implantés sur la chaussée sur laquelle d’autres usagers peuvent circuler (Civ. 2e, 6 mai 1987, n° 85-13.912) ou celle qui traverse un carrefour ouvert et partagé avec d'autres usagers de la route, situé par conséquent dans un contexte urbain, ne constitue pas une voie propre (Civ. 2e, 16 juin 2011, n° 10-19.491).
En revanche, le véhicule qui se déplace dans un couloir qui lui est réservé et bien délimité doit être considéré comme circulant sur une voie qui lui est propre.
La question qui se pose plus particulièrement en l’espèce est celle de savoir si la collision à un passage à niveau entre un train et une automobile fait perdre à la voie de circulation considérée, une voie ferrée, son caractère propre.
Il a été admis en jurisprudence qu’un train circulait sur une voie propre, bien que la collision ait eu lieu à un passage à niveau pouvant être emprunté par d'autres usagers, dès lors que l'aménagement des lieux, la chaussée étant surélevée, ainsi que l'existence d'une priorité de passage absolue pour les trains, excluaient tout partage de la chaussée entre le train et les autres usagers (Civ. 2e, 19 mars 1997, n° 95-19.314). Plus récemment, la Cour de cassation a jugé qu'une voie ferrée n’était pas une voie commune aux chemins de fer et aux usagers de la route, ces derniers pouvant seulement la traverser à hauteur d'un passage à niveau sans être autorisés à l'emprunter, en sorte que le train entré en collision avec le véhicule à bord duquel se trouvaient les deux victimes, malgré la circonstance que l'accident soit survenu à un passage à niveau pouvant être emprunté par d'autres usagers, circulait sur une voie qui lui était propre (Civ. 2e, 17 nov. 2016, n° 15-27.832). Dans ces hypothèses, la loi du 5 juillet 1985 ne trouve pas à s’appliquer, seules les dispositions de l’article 1242 alinéa 1er du Code civil (anc. art. 1384) relatives à la responsabilité du fait des choses ont vocation à l’être.
En l'espèce, il s'agit d'un accident entre un train régional et une voiture, qui s'est produit sur un passage à niveau. Il est indiqué que le passage était particulièrement surélevé et que la voie se situait, en outre, en zone rurale, ce qui laisse supposer qu’elle n’avait pas vocation à être partagée avec d’autres usagers de la route. En outre, la voie ferrée bénéficiait d'une priorité de passage, l’énoncé des faits révélant la présence d’un panneau de signalisation d'obligation d'arrêt. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’application de la loi de 1985 devrait être exclue. Seules les dispositions de l'article 1241 du Code civil (anc. art. 1383) auraient vocation à s'appliquer à l'espèce, le train dont la SNCF est la gardienne ayant eu un rôle actif dans l'accident survenu. Cependant, la faute de la victime, même ne présentant pas les caractères de la force majeure, serait de nature à exonérer partiellement ou totalement la société de la responsabilité du fait des choses pesant sur elle. En effet, le véhicule conduit par Camille s'est immobilisé au milieu de la voie ferrée alors que le train arrivait, le conducteur de la motrice n'ayant manifestement pu éviter la collision. En outre, le fait qu’elle ait pris le volant alors qu'étant âgée de 15 ans, elle était dépourvue du droit de conduire ce type de véhicule et qu’elle devait, en outre, être considérée comme inexpérimentée en matière de conduite automobile, est constitutif d'une faute en relation causale directe avec le dommage. Il est enfin établi qu'elle n'a pas respecté la priorité de passage du train.
En conclusion, si la responsabilité de la SNCF devrait être engagée, elle ne pourrait l’être que sur le seul fondement de la responsabilité du fait des choses, et elle devrait pouvoir s’en exonérer partiellement compte tenu de la faute commise par la victime.
Références
■ Civ. 2e, 17 nov. 2016, n° 15-27.832, D. 2016. 2398
■ Civ. 2e, 25 janv. 2001, n° 99-12.506 P, D. 2001. 678.
■ Civ. 2e, 29 mai 1996, n° 94-19.823 P, D. 1997. 213, note G. Blanc.
■ Civ. 2e, 6 mai 1987, n° 85-13.912 P.
■ Civ. 2e, 16 juin 2011, n° 10-19.491 P, D. 2011. 2184, obs. I. Gallmeister, note H. K. Gaba ; ibid. 2150, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et O.-L. Bouvier ; RTD civ. 2011. 774, obs. P. Jourdain.
■ Civ. 2e, 19 mars 1997, n° 95-19.314 P, D. 1997. 100.
■ Civ. 2e, 17 nov. 2016, n° 15-27.832, D. 2016. 2398.
Sur la méthodologie du cas pratique : V. vidéo Dalloz
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