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Le cas du mois
Droit administratif général
Qui est responsable des dégâts causés par un enfant placé ?
Mots-clefs : Responsabilité administrative, Responsabilité sans faute, Risque, Garde, Mineur en danger
Désiré Moulade n’est pas un enfant comme les autres. Violent et asocial, il a dû être placé à l’âge de huit ans par un juge dans un foyer d’accueil à la suite des agressions graves et répétées sur d’autres enfants. Après des progrès notables dans son comportement, Désiré a été autorisé à retourner dans sa famille tous les week-end et durant les grandes vacances. Or, à l’occasion de ces dernières, Désiré qui jouait avec son ami, Adhémar Tichaud, dans la grange d’un voisin de ses parents a mis accidentellement le feu, détruisant une grande partie de la ferme. Les parents de Désiré ont bien entendu fait jouer leur assurance. Mais l’assureur qui n’entend pas forcément supporter seul la charge de la réparation, voudrait se retourner contre l’État. Peut-il le faire et à quelles conditions ?
L’assureur peut se retourner contre l’État pour obtenir remboursement des sommes versées aux propriétaires de la ferme incendiée par un enfant placé par le juge dans un établissement éducatif. En effet, le juge reconnaît, depuis 2005, que la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, de diriger et de contrôler la vie du mineur. En raison des pouvoirs dont l'État se trouve ainsi investi lorsque le mineur a été confié à un service ou établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur et quel que soit son statut (délinquant ou non) (CE, Sect., 11 févr. 2005, GIE Axa Courtage).
Le fait que l’incendie ait été causé par l’enfant alors même qu’il résidait temporairement chez ses parents, n’est pas un obstacle à la mise en cause de la responsabilité de l’État. Le juge administratif reconnaît qu'en raison des pouvoirs dont se trouve investi l'État lorsque le mineur a été confié par le juge des enfants, dans le cadre de l'assistance éducative (art. 375 C. civ.), à un service ou à un établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée pour les dommages causés aux tiers par ce mineur y compris quand celui-ci est hébergé par ses parents, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission éducative (CE 3 juin 2009, Garde des Sceaux, ministre de la justice c. Société Gan Assurance).
L’assureur n’aura pas à faire la preuve devant le juge administratif de la réalisation d’un risque spécial. Seule une faute de la victime (qui semble exclue ici) ou la force majeure (absente en l’espèce) seraient susceptibles d’atténuer la responsabilité de l’État.
CE, Sect., 11 févr. 2005, GIE Axa Courtage, n° 252169, Lebon 45 ; RFDA 2005. 595, concl. Devys et note Bon ; D. 2005. Jur. 1762, note Lemaire ; AJDA 2005. 663, chron. Landais et Lenica ; AJ pén. 2005. 198, JCP Adm. 2005, n° 1132, note Moreau, LPA 1er juin 2005, note Matutano.
CE 3 juin 2009, Garde des Sceaux, ministre de la justice c. Société Gan Assurance, n° 300924, AJDA 2009. 1133.
Article 375 Code civil
« Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil général, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel.
Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.
La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée.
Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l'état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l'exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d'accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure, afin de permettre à l'enfant de bénéficier d'une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu'il est adapté à ses besoins immédiats et à venir.
Un rapport concernant la situation de l'enfant doit être transmis annuellement au juge des enfants. »
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