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Le cas du mois
Droit des obligations
Une chaleureuse réception
Frigorifiés par la pluie froide et incessante qui tombe sur la capitale en ce mois de mai dont l’arrivée, pourtant, les réjouissait, Désiré et Adhémar s’agacent de cette mauvaise surprise climatique. Depuis longtemps sensibles aux problématiques environnementales, nos deux comparses s’offusquent du dérèglement climatique, responsable selon eux de ce temps pluvieux, inattendu en cette saison.
Avivée par le froid qui les saisit, leur fibre écologique leur donne l’idée de faire installer chez eux un chauffage par géothermie. Bon pour la planète, et aussi pour le porte-monnaie, puisque ce système, fondé sur le principe de la pompe à chaleur, permet de se chauffer à prix réduit. Les deux cousins décident alors de faire appel à un professionnel spécialisé, qui procède rapidement à l’installation. Après une première mise en route qui se révèle concluante, Désiré et Adhémar, conquis par la célérité et l’efficacité de l’opération, règlent la totalité du prix demandé par l’installateur. Cependant, après plusieurs utilisations, ils relèvent des dysfonctionnements qui les empêchent d’obtenir une température suffisante. Malgré leurs courriels répétés auxquels l’installateur ne daigne pas répondre, Désiré et Adhémar espèrent pouvoir le contraindre en justice à remédier aux problèmes constatés mais, conscients d’avoir pris possession hâtivement de l’installation, sans émettre aucune réserve ni contestation, nos deux amis redoutent l’impossibilité sinon l’insuccès d’une éventuelle action contre l’installateur. Ils vous demandent ce qu’ils peuvent faire.
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■ Sélection des faits : Désiré et Adhémar ont fait installer chez eux un système de chauffage géothermique, qui a rapidement présenté des dysfonctionnements auxquels ils souhaiteraient que le professionnel l’ayant réalisé remédie.
■ Qualification des faits : Deux amis ont confié l’installation d’un chauffage par géothermie à un professionnel. A première vue, celle-ci fonctionnait et ils en ont donc réglé le prix mais dès les premières utilisations, l’installation a présenté des dysfonctionnements dont ils souhaitent la réparation par l’installateur.
■ Problème de droit : La réception de fait et sans réserve d’un ouvrage dont le prix a été intégralement payé prive-t-elle le maître d’ouvrage du droit d’exiger de l’entrepreneur la mise en conformité de l’ouvrage ?
■ Majeure : La réception est « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves » (C. civ., art. 1792-6, al. 1er) ; elle se définit donc comme l’acte juridique unilatéral par lequel le maître de l’ouvrage approuve les travaux accomplis par l’entrepreneur, reconnaît la conformité de l’ouvrage réalisé à celui commandé et déclare l’accepter, avec ou sans réserve. Elle s’opère le plus souvent au moment de la livraison.
La réception de l’ouvrage emporte des conséquences importantes. Elle signe la fin du contrat d’entreprise et emporte, sauf stipulation contraire et sous la réserve du jeu de l’accession, le transfert de la propriété et des risques de l’ouvrage au maître de celui-ci. Elle constitue surtout le point de départ du délai de garantie d’un an, celle-ci s’étendant à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves émises lors de la réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception (C. civ., art. 1792-6, al. 2).
Aucune forme n’est en principe requise. La réception peut donc être tacite (Civ. 3e, 12 oct. 1988, n° 87-11.174) et résulter, par exemple, d’une prise de possession sans réserve ou du paiement du solde du prix. Encore faut-il, cependant, qu’elle soit certaine. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé insuffisante la simple réception de fait sans émission de réserve, alors que la réception suppose la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir que la seule prise de possession ne suffit pas à établir (Civ. 3e, 6 mai 1995, n° 13-24.947).
En revanche, il semble acquis qu’une prise de possession de l’ouvrage jointe au paiement intégral implique une réception tacite (Civ. 3e, 16 mars 1994, n° 92-10.957) au point même que, selon la jurisprudence, la réception tacite serait, dans une telle hypothèse, présumée (Civ. 3e, 13 juill. 2017, n° 16-10.486 ; Civ. 1re, 30 janv. 2019 n° 18-10.197 ; Civ. 1re, 18 avr. 2019, n° 18-13.734).
Cependant, le caractère tacite de la réception n’exclut pas la possibilité de formuler des réserves (Civ. 3e, 18 avr. 2019, n° 18-13.734, préc.), précisées par écrit en revanche, relatives à des désordres constatés dès la réception, ou révélés postérieurement. En toute hypothèse, son maître est en droit d’exiger la mise en conformité de l’ouvrage, comme le permet le jeu de la garantie légale (C. civ., art. 1792-6, al. 2). Il devra simplement veiller à mettre en demeure l’entrepreneur d’effectuer les travaux de réparation dans le délai, relativement bref, prévu par la loi.
■ Mineure : En l’espèce, la prise de possession de l’ouvrage et son paiement intégral par Désiré et Adhémar feront certainement présumer leur volonté certaine de le recevoir. Le caractère tacite de leur réception ne faisant pas obstacle à la validité de celle-ci, ils devront mettre en œuvre à l’appui de leurs courriels et dans les meilleurs délais, du moins avant que celui d’un an légalement prévu ne s’écoule, la garantie de parfait achèvement à laquelle tout entrepreneur est tenu pour obtenir la réparation de leur installation.
Références
■ Civ. 3e, 12 oct. 1988, n° 87-11.174 P: D. 1988. 246
■ Civ. 3e, 6 mai 1995, n° 13-24.947 P : D. 2015. 1100 ; ibid. 2016. 617, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RDI 2015. 355, obs. F. Garcia
■ Civ. 3e, 16 mars 1994, n° 92-10.957 P : RDI 1994. 455, obs. P. Malinvaud et B. Boubli
■ Civ. 3e, 13 juill. 2017, n° 16-10.486 P : D. 2017. 919
■ Civ. 1re, 30 janv. 2019, n° 18-10.197 P : D. 2019. 199 ; RDI 2019. 216, obs. B. Boubli
■ Civ. 1re, 18 avr. 2019, n° 18-13.734 P : D. 2019. 889
■ Sur la méthodologie du cas pratique : V. vidéo Dalloz
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