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Le cas du mois

Une vie de chien

[ 5 janvier 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Une vie de chien

En avril, Désiré et Adhémar ont acheté à l’élevage Hot Dog un adorable bichon frisé pour 800 €. Ils l’ont prénommé Daredevil. Ils ne se doutaient pas qu’ils étaient visionnaires..

 En effet, depuis plusieurs jours, ils ont constaté qu’il se cognait aux meubles de l’appartement. Inquiets, ils décidèrent de consulter le Dr No, vétérinaire. Le couperet ne tarda pas à tomber. Daredevil est atteint d’une cataracte héréditaire lui causant de graves troubles de la vision. Pour confirmer le diagnostic, les deux cousins décident de consulter un spécialiste de la vision canine. Le Dr Spectre leur explique que la vision du chien se dégrade. Seule une opération permettrait à Daredevil de mieux voir. Les frais s’élèvent à 2400 €. Désiré et Adhémar sont effondrés. Ils se sont déjà énormément attachés à Daredevil. Ils contactent l’élevage pour demander la prise en charge de l’opération. Mme Lassie refuse et leur propose uniquement de procéder au remplacement du chien. 

Que peuvent-ils faire ?

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La garantie de conformité concerne les contrats de vente, portant sur un bien meuble, conclus entre un vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle et un consommateur (C. consom., art. L. 211-1 et L. 211-3). L’article L. 211-4 du Code de la consommation prévoit que « le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité lors de la délivrance ». 

L’acheteur dispose d’un délai de 2 ans à compter de la délivrance du bien pour agir (C. consom., art. L. 211-12). Il devra prouver d’une part que le défaut existait au moment de la délivrance du bien et d’autre part, qu’il en ignorait l’existence. L’article L. 211-7 du Code de la consommation dispose que « les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de 6 mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire ». Cette présomption simple a pour effet de renverser la charge de la preuve. Ce sera au vendeur de prouver que le défaut n’existait pas au jour de la délivrance.

En l’espèce, Désiré et Adhémar ont acheté un chiot dans un élevage. Après 8 mois, ils ont découvert qu’il était atteint d’une cataracte héréditaire, lui causant de graves troubles de la vision. Ils doivent le faire opérer avant qu’il ne devienne aveugle et souhaitent que le prix de l’opération soit payé par l’éleveuse au titre de la garantie de conformité.

Madame Lassie vend des chiens au sein de son élevage. Il s’agit de son activité professionnelle, elle est donc tenue de la garantie légale de conformité lorsqu’elle vend à des consommateurs. Désiré et Adhémar sont considérés comme des consommateurs. 

Il faut également se demander si les animaux et plus particulièrement les chiens sont considérés comme des biens au sens de l’article L. 211-1 du Code de la consommation. La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler dans un arrêt du 19 février 2014 (Civ. 1re, n° 12-23.519) que « les dispositions qui régissent la garantie légale de conformité sont applicables aux ventes d’animaux conclues entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle et un acheteur agissant en sa qualité de consommateur ». On peut donc considérer que les chiens entrent dans la catégorie des biens meubles bénéficiant des dispositions relatives à la garantie légale de conformité. 

Un bien est considéré comme comportant un défaut de conformité lorsqu’il n’est pas propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable (C. consom., art. L. 211-5). La découverte du défaut a eu lieu il y a 8 mois. Désiré et Adhémar ne peuvent donc pas se prévaloir de la présomption selon laquelle le défaut existait au moment de la délivrance. Ce sera donc à eux de rapporter cette preuve. En l’espèce, après avoir consulté plusieurs spécialistes, il a été révélé que la maladie dont souffrait l’animal était une maladie héréditaire. Dès lors, elle préexistait à la délivrance du chien. Par ailleurs, ils n’ont pas été informés avant l’achat que le chien était atteint d’une telle maladie. Les conditions tenant au défaut de conformité semblent donc réunies.

Si le défaut de conformité est prouvé, la garantie légale pourra prendre la forme d’une réparation ou d’un remplacement. Ainsi, l’article L. 211-9 du Code de la consommation dispose qu’en cas que « de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien. Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur ». 

En l’espèce, Désiré et Adhémar forts attachés à Daredevil souhaite bénéficier de la réparation. Elle consisterait pour Mme Lassie à payer les frais de l’intervention chirurgicale. Cette dernière s’y oppose et propose le remplacement de l’animal. 

Par principe, c’est à l’acheteur d’opter pour l’une des modalités prévues à l’article L. 211-9 du Code de la consommation. Ainsi, il peut choisir soit la réparation du bien soit, son remplacement. Désiré et Adhémar souhaitent que la venderesse « répare » le défaut. Pour cela il faut opérer le chien. Or, cette dernière refuse de prendre en charge les frais inhérents à l’opération, considérant qu’ils sont disproportionnés par rapport aux coûts de l’animal. Elle souhaite donc se prévaloir de la disposition de l’article L. 211-9 alinéa 2 du Code de la consommation lui permettant d’opter pour le remplacement alors même que Désiré et Adhémar souhaitent la réparation. Toutefois, cette disposition précise que cette possibilité est ouverte au vendeur, sauf impossibilité. En l’espèce, l’on peut se demander si l’attachement des deux cousins à Daredevil ne peut pas fait obstacle à son remplacement. En effet, Daredevil est un animal de compagnie auxquels les cousins se sont particulièrement attachés et il semble difficile de le remplacer. La Cour de cassation a eu l’occasion de juger que «  le chien en cause était un être vivant, unique et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, sans aucune vocation économique […] son remplacement était impossible » (Civ. 1re, 9 déc. 2015, n° 14-25.910). Il apparaît donc probable que la demande de prise en charge des frais de l’opération au titre de la réparation soit possible. 

Références

■ Code de la consommation

Article L. 211-1 

Article L. 211-3

Article L. 211-5

Article L. 211-7

Article L. 211-9

■ Civ. 1re, 19 févr. 2014, n° 12-23.519.

 

■ Civ. 1re, 9 déc. 2015, n° 14-25.910.

 

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