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Le cas du mois
Vacances réservées sur Internet, danger ! Sauvez Adhémar et Désiré...
Demain, c’est l’été et il est temps pour Adhémar Tichaud et Désiré Moulade de penser à organiser leurs prochaines vacances. Après avoir surfé sur Internet, ils ont jeté leur dévolu sur un voyage de deux semaines sur une île grecque, début juillet, dans un luxueux complexe hôtelier, situé au cœur d’une luxurieuse forêt.
Dès la réservation, ils versent une somme de 2 500 euros, le solde étant à payer une fois sur place. Mais catastrophe, ils apprennent, après avoir effectué le paiement en question, qu’ils doivent impérativement rester à Paris pour participer à une formation professionnelle déterminante dans la perspective de l’obtention de leur diplôme de Droit des médias, dont ils suivent les enseignements par correspondance. Ils contactent donc immédiatement le voyagiste avec lequel ils ont traité pour annuler leur voyage et récupérer leur mise. Celui-ci leur répond que non seulement il n’est pas question de récupérer la somme déjà payée, mais encore qu’ils doivent payer l’intégralité du prix en vertu de la clause aux termes de laquelle les engagements souscrits par les parties au contrat doivent être intégralement respectés indépendamment des événements de toute nature susceptible d’en empêcher la réalisation.
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Adhémar et Désiré qui voulaient faire un beau voyage doivent finalement y renoncer, alors qu’ils ont déjà conclu un contrat dans cette perspective.
La question est : comment éviter que nos deux compères qui doivent renoncer à leurs vacances en paient tout de même le prix, en dépit d’une clause du contrat conclu avec le voyagiste, aux termes de laquelle, en substance, le prix du voyage est dû, même si le voyage tombe à l’eau et, ce, quelle que soit la cause de ce « naufrage », étant entendu que nos deux cousins ont déjà versé une somme à leur contractant ?
■ Adoptons, d’une part, un profil bas et faisons en sorte de limiter les dégâts… : en clair essayons de limiter leurs pertes à la somme déjà payée avant l’exécution du contrat. Tout va dépendre de la qualification retenue pour la somme versée dès la conclusion du contrat :
– Soit, il s’agit d’un acompte, autrement dit d’une simple modalité de paiement, concrètement d’un paiement partiel du prix ; dans ce cas, nos amis sont coincés, le voyagiste peut exiger le paiement du solde du prix, sauf pour eux à se prévaloir de l’impossibilité d’exécuter leur prestation et d’invoquer la théorie des risques, aux termes de laquelle le contrat parce qu’il est devenu impossible à exécuter est anéanti. Mais il est peu probable que cette théorie puisse ici jouer car l’impossibilité d’exécuter le contrat est probablement imputable à la négligence de Adhémar et de Désiré qui sont en faute d’avoir ignoré les modalités d’obtention de leur diplôme.
– Soit, la somme versée peut être qualifiée d’arrhes et la somme peut être conservée par le contractant qui l’a reçue en paiement sans qu’il puisse exiger quoique ce soit d’autre, puisque les arrhes versées par un contractant constituent le prix de son droit d’anéantissement unilatéral du contrat, la contrepartie d’un droit de repentir que le contrat lui a accordé.
Vous le devinez, la difficulté réside dans la qualification accordée à la somme d’argent versée par un contractant à son cocontractant lors de la conclusion du contrat, car la volonté des parties est souvent indétectable. Mais, un élément très important nous simplifie la tâche car nous sommes en présence d’un contrat conclu entre des consommateurs et un professionnel, donc un contrat qui entre dans le champ du droit de la consommation. Or, l’article L.114-1, alinéa 4, du Code de la consommation dispose que « Sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d’avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double ». Au regard de ce texte, il est donc tentant de retenir la qualification d’arrhes pour le plus grand profit des cousins, puisqu’ils ne perdront que la somme déjà versée. Mais, la solution ne va pas de soi, car il est concevable de soutenir que la clause litigieuse susvisée peut s’analyser comme constituant une « stipulation contraire » visée par le texte… Et alors patatras… nos deux cousins devraient payer plein pot. Il faut donc essayer une autre voie pour les libérer de ce paiement.
■ Adoptons alors, d’autre part, une démarche plus audacieuse qui vise à les libérer de tout paiement, à savoir à la restitution de ce qu’ils ont déjà versé et à l’inexigibilité du solde. Dans cette perspective, on peut exploiter la législation sur la protection des consommateurs contre les clauses abusives. En vertu de l’article R. 132-2 du Code de la consommation, dans les contrats de consommation, « sont présumées abusives (…) sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (…) 2° Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non-professionnel ou le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d’un montant équivalent, ou égale en cas de versement d’arrhes au sens de versement d’arrhes au sens de l’article L. 114-1, si c’est le professionnel qui renonce ». Il suffit alors à nos cousins de vérifier la lettre de la clause litigieuse. S’ils constatent, comme c’est probable, que la clause ne bilatéralise pas l’avantage qu’elle accorde au voyagiste, alors c’est le jackpot pour nos deux cousins : ils récupèrent la somme versée et ils n’ont, par hypothèse, rien à verser de plus puisque le contrat a été anéanti.
Références
■ Article L. 114-1 du Code de la consommation
« Dans tout contrat ayant pour objet la vente d'un bien meuble ou la fourniture d'une prestation de services à un consommateur, le professionnel doit, lorsque la livraison du bien ou la fourniture de la prestation n'est pas immédiate et si le prix convenu excède des seuils fixés par voie réglementaire, indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation.
Le consommateur peut dénoncer le contrat de vente d'un bien meuble ou de fourniture d'une prestation de services par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en cas de dépassement de la date de livraison du bien ou d'exécution de la prestation excédant sept jours et non dû à un cas de force majeure.
Ce contrat est, le cas échéant, considéré comme rompu à la réception, par le vendeur ou par le prestataire de services, de la lettre par laquelle le consommateur l'informe de sa décision, si la livraison n'est pas intervenue ou si la prestation n'a pas été exécutée entre l'envoi et la réception de cette lettre. Le consommateur exerce ce droit dans un délai de soixante jours ouvrés à compter de la date indiquée pour la livraison du bien ou l'exécution de la prestation.
Sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d'avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double. »
■ Article R. 132-2 du Code de la consommation
« Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
1° Prévoir un engagement ferme du non-professionnel ou du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
2° Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non-professionnel ou le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 114-1, si c'est le professionnel qui renonce ;
3° Imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ;
4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ;
5° Permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du non-professionnel ou du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du non-professionnel ou du consommateur ;
6° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties, autres que celles prévues au 3° de l'article R. 132-1 ;
7° Stipuler une date indicative d'exécution du contrat, hors les cas où la loi l'autorise ;
8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel ;
9° Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;
10° Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges. »
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