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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Est-il possible d’installer une crèche de Noël dans un lieu public ?
Mots-clefs : Crèche de Noël, Lieu public, Loi de 1905, Séparation des Églises et de l’État, Liberté de conscience, Neutralité du service public
Deux décisions rendues au mois d’octobre 2015, par deux cours administratives d’appel, viennent de répondre contradictoirement à cette question: Le Conseil départemental de la Vendée peut réinstaller sa crèche de Noël et la Ville de Melun en a maintenant l’interdiction….
Quatre décisions des tribunaux administratifs relatives aux crèches de la Nativité, rendues entre novembre 2010 et juillet 2015, ont pu retenir notre attention (TA Amiens, 30 nov. 2010, M. Claude D., n° 0803521. TA Nantes, 14 nov. 2014, Fédération de Vendée de la libre pensée, n° 1211647. TA Melun, 22 déc. 2014, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n° 1300483. TA Montpellier, 16 juill. 2015, M. G., Ligue des droits de l’homme, n° 1405625).
Pour deux d’entre elles, les cours administratives d’appel viennent de se prononcer (TA Melun, 22 déc. 2014 et TA Nantes, 14 nov. 2014).
Concernant l’affaire de la Ville de Melun. Le jugement du tribunal administratif de Melun, rendu le 22 décembre 2014, avait décidé de la légalité de l’installation temporaire d’une crèche de Noël sous le porche de l’Hôtel de Ville (le TA Montpellier, 16 juill. 2015 avait également statué en ce sens concernant l’installation d’une crèche de Noël dans le hall d’accueil de l’Hôtel de Ville de Béziers). La Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne a alors saisi la cour administrative d’appel de Paris qui vient d’annuler ce jugement, le 8 octobre 2015. La cour considère « que si la commune fait valoir que la crèche litigieuse est de taille limitée et n’est pas implantée de manière ostentatoire ou revendicative, il est constant que celle-ci est installée dans une niche située sous un porche permettant le passage de la cour d’honneur de la mairie de Melun à un jardin public situé derrière et est donc comprise dans l’enceinte du bâtiment public que constitue cet Hôtel de Ville ; … contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, une crèche de Noël, dont l’objet est de représenter la naissance de Jésus, installée au moment où les chrétiens célèbrent cette naissance, doit être regardée comme ayant le caractère d’un emblème religieux » au sens de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État « et non comme une simple décoration traditionnelle ». Ainsi, l’installation de cette crèche est contraire aux dispositions précitées et au principe de neutralité des services publics.
Concernant l’affaire du Conseil général de la Vendée (devenu Conseil départemental depuis mars 2015). Le tribunal administratif de Nantes (14 nov. 2014) avait conclu à l’illégalité de l’aménagement d’une crèche dans les locaux publics de l’Hôtel du département de la Vendée (V. également en ce sens : TA Amiens, 30 nov. 2010 : interdiction de l’installation d’une crèche sur la place du village de Montiers). La cour administrative d’appel de Nantes vient d’annuler, le 13 octobre 2015, cette décision. Les juges nantais ont effet estimé que lorsque sa taille est raisonnable, sa situation non ostentatoire et en l’absence de tout autre élément religieux, la crèche de Noël s’inscrit dans le cadre d’une tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël et ne revêt pas la nature d’un « signe ou emblème religieux », il s’ensuit qu’elle n’entre pas dans le champ de l’interdiction posé par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905.
Les différentes décisions précitées se réfèrent toutes aux articles 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, 1er et 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
L’objet de la discussion réside essentiellement sur l’interprétation de l’article 28 de la loi de 1905 faite notamment par les cours administratives d’appel de Paris et de Nantes.
Il s’agit donc de savoir si une crèche constitue un emblème religieux ; plus exactement, il convient de qualifier juridiquement une crèche au regard de l’article 28 de la loi de 1905.
Le problème qui se pose en l’espèce réside dans l’interprétation totalement différente de deux décisions des cours administratives d’appel. La décision de la cour administrative d’appel de Paris du 8 octobre 2015 décide qu’une crèche de Noël a le caractère d’un emblème religieux, et celle de Nantes estime qu’une crèche ne revêt pas la nature d’un signe ou emblème religieux…. Pour l’une, il y a donc également atteinte au principe de neutralité du service public et pour l’autre, ni les principes de liberté de conscience ni ceux de neutralité du service public ne sont méconnus….
Espérons que le Conseil d’État qui devrait être saisi par la Ville de Melun (crèche de Melun) et par la Fédération de la libre pensée (crèche du département de la Vendée) statue sur une interprétation claire de l’article 28 de la loi de 1905 concernant l’installation de crèches de la Nativité dans les lieux publics !
CAA Nantes, 13 oct. 2015, Département de la Vendée, n° 14NT03400.
Références
■ Constitution du 4 octobre 1958
Article 1er
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
■ Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État
Article 1er
« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. »
Article 28
« Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »
■ TA Amiens, 30 nov. 2010, M. Claude D., n° 0803521, Dalloz Actu Étudiant, 20 déc. 2010 ; AJDA 2011. 471.
■ TA Nantes, 14 nov. 2014, Fédération de Vendée de la libre pensée, n° 1211647.
■ TA Melun, 22 déc. 2014, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n° 1300483.
■ TA Montpellier, 16 juill. 2015, M. G., Ligue des droits de l’homme, n° 1405625 ; AJDA 2015. 1446.
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