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[ 6 novembre 2020 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté

À la suite de la récente nomination, de Dominique Simonnot en tant que contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (Décr. 14 oct. 2020), Dalloz Actu Étudiant vous propose de faire un point sur cette autorité indépendante. 

Postérieurement à la ratification du protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants adopté par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 18 décembre 2002, le législateur français a institué, par la loi no 2007-1545 du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et lui a conféré le statut d’autorité administrative indépendante pour veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. 

A ce titre, le CGLPL accomplit sa mission en toute indépendance. Il ne reçoit d’instructions d’aucune autorité. Il est nommé pour une durée de six ans, sans qu’il ne puisse être mis fin à ses fonctions avant l’expiration de son mandat, sauf en cas de démission ou d’empêchement. Son mandat n’est pas renouvelable. Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions qu’il émet ou des actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions. Il exerce ses fonctions à temps plein, et ne peut exercer d’autres activités professionnelles ou de mandats électifs (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 2).

■ Quelles sont ses missions ? 

Le CGLPL veille au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. En effet, ces dernières doivent être traitées avec humanité et dans le respect de la dignité humaine inhérente à la personne humaine, car à l’exclusion de leur liberté d’aller et venir, les personnes privées de liberté demeurent titulaires des droits fondamentaux tels que définis par les textes internationaux et nationaux. Le CGLPL doit donc s’assurer d’une part que les droits intangibles inhérents à la dignité humaine sont respectés, puisqu’ils ne peuvent souffrir d’aucune restriction, et d’autre part, qu’un juste équilibre est établi entre le respect des autres droits fondamentaux, qui peuvent être limités, et l’ordre public. Enfin, il doit le cas échéant prévenir toute violation de leurs droits fondamentaux. 

Dans le cadre de sa mission, le CGLPL contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté. Depuis la loi no 2014-528 du 26 mai 2014, il contrôle, également, les conditions de rétention en veillant à l’exécution par l’administration des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre d’étrangers jusqu’à leur remise aux autorités de l’État de destination (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, mod. par L. no 2014-528, 26 mai 2014, art. 1). En outre, il contrôle les établissements de santé où sont hospitalisées des personnes sans leur consentement. 

■ Quels sont ses moyens d’action ? 

Toute personne peut porter à la connaissance du CGLPL des faits ou des situations susceptibles de relever de sa compétence (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 6). Le CGLPL peut procéder à des vérifications sur place, recueillir les observations de toute personne intéressée (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 6-1). Le CGLPL peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté (établissement pénitentiaire, établissement de santé, local de garde à vue, centre de rétention, centre éducatif, etc. ; L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 8). Il choisit librement les établissements qu’il entend visiter. Le CGLPL peut s’entretenir avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire dans des conditions assurant la confidentialité des échanges, et peut obtenir toute information et toute pièce utile à l’exercice de sa mission, sauf exception. 

Les autorités concernées ne peuvent s’opposer aux vérifications sur place ou aux visites, sauf motifs graves et impérieux prévus par la loi (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 8-1).

Le CGLPL peut formuler des recommandations aux personnes responsables des lieux de privation de liberté (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 6-1). Il adresse, également, aux ministres concernés un rapport de visite puis des recommandations sur l’état, l’organisation ou le fonctionnement du lieu visité ainsi que les conditions des personnes privées de liberté (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 9). Les avis et recommandations adressés aux autorités publiques peuvent être rendus publics (L. no 2007-1545, 30 oct. 2007, art. 6-2, 10). 

Le CGLPL remet chaque année un rapport d’activité au président de la République, au premier ministre et au Parlement, qui est rendu public. 

■ Quelles sont les personnes qui ont occupé le poste de CGLPL ? 

Ce poste, qui existe depuis 2008, a été occupé par deux CGLPL.

Le premier CGLPL, Jean-Marie Delarue, a insisté, par la publication de rapports, avis et recommandations au cours de son mandat de 2008 à 2014, sur la nécessité d’assurer des conditions d’hébergement décentes des personnes privées de liberté, et de prévoir leur resocialisation afin de lutter contre la récidive. 

Son successeur, Adeline Hazan, dont le mandat est arrivé à terme le 16 juillet 2020, a fait du contrôle des établissements de santé mentale une priorité de son mandat. A ce titre, des rapports consacrés à la psychiatrie ont été publiés, notamment sur le recours à l’isolement et à la contention (en 2016), sur les droits fondamentaux des mineurs hospitalisés (en 2017) et sur les soins sans consentement en général (en 2020, V. Dalloz Actu Étudiant, Focus sur « Soins sans consentement et droits fondamentaux », 24 sept. 2020). Son mandat a, en outre, été marqué par une hausse de la surpopulation carcérale (environ 66 000 détenus en janvier 2015 à 71 000 en 2020), et un durcissement généralisé des mesures de sécurité à la suite des attentats terroristes de 2015. En 2018, un rapport sur les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale a été publié, dans lequel, la CGLPL a formulé des recommandations, et a appelé les pouvoirs publics à s’en saisir pour mettre un terme à cette situation. La crise sanitaire, que nous connaissons depuis mars 2020, a forcé une régulation carcérale, qui doit être maintenue, car la problématique liée à la surpopulation carcérale est encore d’actualité. 

Cependant, du 17 juillet 2020 au 14 octobre 2020, soit près de trois mois, aucun CGLPL n’avait été nommé. Or, tout comme le Défenseur des droits, le CGLPL a un rôle essentiel, puisqu’il tend à la défense des droits des personnes privées de liberté. Cette vacance prolongée a fait naître un doute quant à l’intérêt porté par le Gouvernement à cette institution, alors que les personnes privées de liberté, en pleine crise sanitaire, voient leur situation se dégrader. La nomination de Dominique Simonnot, ancienne chroniqueuse judiciaire du « Canard enchaîné », le 14 octobre 2020, était donc très attendue (V. Le CGLPL en roue libreD. actu., 7 oct. 2020, obs. E. Senna). 

 

Auteur :Emmanuelle Arnould


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