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[ 17 juin 2011 ] Imprimer

Procédure pénale

Garde à vue (encore) : ultime précision de la chambre criminelle ?

Mots-clefs : Garde à vue, Assistance d’un avocat (défaut, sanction, annulation), Droit au silence (défaut, sanction, annulation), Retenue douanière, Purge des nullités, Annulation (portée, « actes nécessaires »)

Doivent être annulées les retenues douanières et gardes à vue intervenues avant le 15 avril 2011 sans notification du droit de se taire et sans assistance effective et immédiate d’un défenseur.

« Toute personne placée en retenue douanière ou en garde à vue, doit, dès le début de ces mesures, être informée du droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ». Tel est l’attendu commun, fondé sur l’article 6, § 3, de la Convention européenne, à quatre nouvelles décisions de la chambre criminelle en date du 31 mai 2011.

Dans deux premières affaires (pourvois nos 10-80.034 et 10-88.809), qui concernaient la matière douanière (flagrant délit de contrebande de stupéfiants et trafic de stupéfiants commis en bande organisée), la Haute cour reproche à la cour d’appel d’avoir écarté la requête en nullité des procès-verbaux établis dans le cadre de la retenue douanière puis de la garde à vue ainsi que des actes subséquents, affirmant au contraire qu’« il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours de ces mesures de rétention douanière, puis de garde à vue étaient irrégulières, d’annuler ces actes puis de procéder ainsi qu’il est prescrit par les articles 174 et 206 du Code de procédure pénale ».

Dans les deux autres affaires (pourvois nos 10-88.293 et 11-81.412), deux personnes placées en garde à vue, respectivement dans le cadre d’une enquête pour violation de domicile et pour trafic de stupéfiants, avaient été entendues sans bénéficier de l’assistance d’un avocat. Là encore, la Haute cour annule l’arrêt d’appel qui avait rejeté la demande d’annulation des procès-verbaux d’audition, en énonçant qu’« il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours de la garde à vue, étaient régulières, d’annuler ces auditions et, le cas échéant, d’étendre les effets de cette annulation aux actes dont les auditions étaient le support nécessaire ».

Ces quatre arrêts s’inscrivent dans la lignée des arrêts de l’Assemblée plénière du 15 avril 2011, qui avaient, au lendemain de l’adoption de la loi no 2011-392 portant réforme de la garde à vue, imposé sans délai le droit à l’assistance par un avocat dès le début de la garde à vue et à la notification du droit de se taire (Dalloz Actu Étudiant, 20 avr. 2011) ; récemment, la chambre criminelle avait d’ailleurs indiqué qu’une cour d’appel ne pouvait fonder la culpabilité sur des déclarations faites par le suspect en garde à vue sans l’assistance d’un défenseur (Crim. 11 mai 2011).

Ils augurent de demandes d’annulation en rafale, mais dont la recevabilité sera néanmoins limitée par le mécanisme de la purge des nullités — la demande d’annulation de la garde à vue devra être présentée dans les six mois de la notification de la mise en examen dans le cas d’une instruction (art. 173-1 C. pr. pén.), in limine litis dans les autres cas —, et dont l’effet ne s’étendra pas nécessairement aux actes subséquents (par application de la théorie des « actes nécessaires »). Ils ne signent sûrement pas la fin du « feuilleton » de la garde à vue, l’absence de contrôle de constitutionnalité a priori de la loi du 14 avril ouvrant le champ aux QPC…

Crim. 31 mai 2011, F-P+B+R+I, nos 10-88.293, 10-88.809, 11-80.034 et 11-81.412

Références

In limine litis

« Au seuil du procès.

Le seuil du procès se situe avant le moment où l’instance va être liée par le dépôt des conclusions au fond des plaideurs.

Cette formule latine s’applique principalement aux exceptions de procédure pour indiquer qu’elles doivent être invoquées dès le début de l’instance, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, à peine d’irrecevabilité. »

Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme

« Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »

Code de procédure pénale

Article 173-1

« Sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n'aurait pu les connaître. Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs.

Il en est de même pour le témoin assisté à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures.

Il en est de même pour la partie civile à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures. »

Article 174

« Lorsque la chambre de l'instruction est saisie sur le fondement de l'article 173 ou de l'article 221-3, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d'office, lui être proposés. À défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître.

La chambre de l'instruction décide si l'annulation doit être limitée à tout ou partie des actes ou pièces de la procédure viciée ou s'étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure et procède comme il est dit au troisième alinéa de l'article 206.

Les actes ou pièces annulés sont retirés du dossier d'information et classés au greffe de la cour d'appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu'a été établie une copie certifiée conforme à l'original, qui est classée au greffe de la cour d'appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats. »

Article 206

« Sous réserve des dispositions des articles 173-1, 174 et 175, la chambre de l'instruction examine la régularité des procédures qui lui sont soumises.

Si elle découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l'acte qui en est entaché et, s'il y échet, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure.

Après annulation, elle peut soit évoquer et procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202 et 204, soit renvoyer le dossier de la procédure au même juge d'instruction ou à tel autre, afin de poursuivre l'information. »

Ass. plén. 15 avr. 2011, n° 10-17.049, n° 10-30.242, n° 10-30.313 et n° 10-30.316, Dalloz Actu Étudiants, 20 avr. 2011.

Crim. 11 mai 2011, no 10-84.251, Dalloz Actualité, 24 mai 2011, obs. C. Girault.

■ Sur l’étendue de la nullité prononcée, v. B. Bouloc, Procédure pénale, Dalloz, coll. « Précis », 2010, no 784.

 

Auteur :S. L.


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