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Droit des obligations
Acceptation de l’offre de contrat : première application de l’article 1113 du Code civil
L’acceptation par un cocontractant d’une stipulation relative au lieu de livraison ne peut être caractérisée lorsque le document signé par lui ne fait pas référence à cette clause ; par ailleurs, ni l’exécution du contrat, ni l’émission d’une facture ne peuvent constituer son acceptation à l’offre de contrat.
Com. 8 févr. 2023, n° 21-13.536 P
Après avoir rendu pour la première fois un arrêt au visa des nouvelles dispositions relatives à l’inexécution du contrat (Com. 18 janv. 2023, n° 21-16.812), la chambre commerciale fait une première application, dans l’arrêt rapporté, de l’article 1113 nouveau du Code civil, relatif à la formation du contrat et qui dispose, depuis l’ordonnance de 2016, que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager (al. 1er). Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur (al. 2) ».
Au cœur du litige se trouvait le lieu de livraison d’un matériel commandé par l’offrant, qui n’en avait pas fait mention dans la « confirmation de commande » qu’il avait adressée au destinataire de son offre. Ce dernier avait accepté la commande, bien qu’elle ne comportât donc aucune précision relative au lieu de livraison. Par la suite, l’offrant avait, afin de financer son achat, conclu un contrat de crédit-bail, lequel faisait expressément référence à cette « confirmation de commande ». Trois mois après la conclusion du crédit-bail, le crédit-bailleur avait adressé une nouvelle « confirmation de commande » au destinataire de l’offre pour l’informer qu’il se substituait à l’offrant pour l’acquisition du matériel et lui passer commande. Cette lettre contenait la mention suivante relative à la livraison : « la livraison du matériel s’entend de sa réception par le locataire dans ses locaux », ie au siège social de l’offrant. Postérieurement à la livraison du matériel commandé, effectuée dans un lieu autre que celui stipulé, l’acheteur, invoquant un défaut de conformité du matériel livré, avait assigné le vendeur en résolution judiciaire de la vente et en réparation du préjudice. Ce dernier contesta être lié contractuellement par la confirmation de commande invoquée par le crédit-bailleur, dans la mesure où il ne l’avait pas signée. Il ajouta que le contrat de crédit-bail faisait expressément référence à la commande initiale qui ne précisait pas le lieu de livraison, en sorte que son consentement à une fixation du lieu de livraison au siège social de son cocontractant n’était pas caractérisé. La cour d’appel l’avait néanmoins admis au motif que le vendeur avait accepté la substitution de débiteur (du crédit-bailleur à l’acheteur) en signant une délégation imparfaite de paiement, jointe à cette confirmation de commande, et en exécutant le contrat par la livraison du matériel et l’émission d’une facture adressée au crédit-bailleur.
L’arrêt est cassé au visa de l’article 1113 du Code civil : « en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’acceptation par le vendeur de la clause intitulée "délai de livraison" figurant dans un document non signé par lui, tout en constatant que le contrat de crédit-bail se référait expressément à la commande initiale ayant lié le vendeur et (l’acheteur) » et que la facture reprenait la mention de la commande initiale. Autrement dit, le procédé de renvoi mis en œuvre ne permettait pas de caractériser l’acceptation par le destinataire de l’offre de la précision formulée ultérieurement à cette offre quant au lieu de livraison. Ainsi ne pouvait-il y avoir d’acceptation, entendue comme la manifestation univoque d’être lié dans les termes de l’offre de contrat.
Classique, la solution mérite d’être approuvée. Rappelons que le principe du consensualisme n’a jamais dispensé d’une vérification méticuleuse de ce que l’acceptant a exprimé sa volonté et de ce que son expression ne souffre d’aucune équivoque. Ceci explique d’ailleurs que la jurisprudence – confortée désormais par le nouvel article 1120 du Code civil – affirme traditionnellement que le silence ne vaut pas acceptation (Cass. (civ.), 25 mai 1870, DP, 1870, I, p. 257). L’idée essentielle demeure : l’absence de forme requise ne dispense pas la volonté d’être clairement exprimée. Certes, l’acceptation peut s’exprimer autrement que par un écrit. Elle peut être « impliquée » par une situation, un comportement ou un acte mais en l’espèce, outre le défaut de signature de la confirmation de commande, la livraison effectuée l’avait été dans un lieu autre que celui stipulé et l’envoi de la facture au crédit-bailleur, même conjugué à l’acceptation de la substitution de ce dernier à l’offrant, ne pouvaient suffire à caractériser l’acceptation du destinataire d’être lié dans les termes de l’offre, contrairement à ce qu’avaient retenu les juges du fond, qui avaient en conséquence de ces actes tenu pour acquise sa volonté de contracter, jugée non équivoque. Ces derniers semblaient même y voir un commencement d’exécution du contrat, justifiant de rendre le bon de commande opposable au prétendu acceptant. La Cour de cassation censure cette analyse, ces éléments, notamment l’acceptation de la délégation de paiement, ne pouvant équivaloir à l’acceptation non équivoque d’une offre muette quant au lieu de livraison.
Si les faits de l’espèce sont singuliers, la solution ne l’est guère : renouvelant l’exigence, classique en la matière, de l’univocité de l’acceptation, c’est très probablement le nouveau texte figurant au visa qui justifie sa publication au bulletin.
Références :
■ Com. 18 janv. 2023, n° 21-16.812 P : DAE, 3 févr. 2023, note M. Hervieu, D. 2023. 118.
■ Cass. (civ.), 25 mai 1870, DP, 1870, I, p. 257
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