Actualité > À la une
À la une
Droit de la famille
Adoption de l’enfant né d’une AMP par son parent d’intention : l’absence d’incidence de la séparation du couple
L'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois ; à défaut de rétractation dans le délai légal, l'opposition du conjoint ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant.
Civ. 1re, 12 juill. 2023, n° 21-23.242 B
La présente décision rendue le 12 juillet 2023 vient confirmer la solution rendue le 11 mai dernier (Civ. 1re, 11 mai 2023, n° 21-17.737), qui avait également relevé qu’il résulte des articles 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 du Code civil, applicables à l'espèce, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois. Sous cette réserve, le consentement donné, qui ne se rattache pas à une instance particulière, est illimité dans le temps et devient irrévocable une fois le délai de rétractation expiré. En ce sens, l’arrêt rapporté précise qu’à défaut de rétractation régulièrement exercée dans le délai prévu, le juge est libre de ne pas tenir compte de l’opposition du parent de naissance de l’enfant.
En l’espèce, deux femmes s’étaient mariées le 10 juin 2017. Le 14 octobre 2018, l’une d’elles avait donné naissance à un enfant. Par requête du 16 mars 2021, son épouse avait sollicité le prononcé de l'adoption plénière de l’enfant, à laquelle la mère avait d’abord consenti par acte notarié du 2 janvier 2020 avant de se rétracter, consécutivement à la séparation du couple, depuis en instance de divorce.
La mère de naissance de l’enfant faisait alors grief à l'arrêt d’appel d’avoir prononcé l'adoption plénière de l'enfant mineur par son épouse alors « que l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant et ne devient irrévocable que lorsque le jugement qui la prononce est passé en force de chose jugée ; qu'il en résulte que l'adoption prononcée par jugement doit d'office être annulée par le juge saisi en appel par le représentant légal de l'adopté, dès lors qu'il ne consent plus à l'adoption de son enfant ».
Dans la droite ligne de l’arrêt précité du 11 mai 2023, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle rappelle qu’il résulte de l'article 345-1, 1°, devenu 370-1-3, 1°, du Code civil et des articles 348-1 et 348-3 du Code civil, dans leur version alors applicable, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois. Il s'en déduit qu'à défaut de rétractation dans le délai légal, l'opposition du conjoint ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier que les conditions de la loi sont remplies et que l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant. N'étant pas en l’espèce contesté que la mère avait consenti à l'adoption puis rétracté son consentement au-delà du délai prévu par la loi, la première chambre civile relève que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que malgré la séparation de l'adoptante et de la mère de l'enfant et l'opposition ultérieure de celle-ci à l’adoption de son enfant, l'adoption initialement sollicitée par sa conjointe conformément aux règles légales ainsi qu’à l'intérêt de l'enfant justifiait d’être prononcée.
Rappelons que même après avoir été formalisé dans un acte notarié, le consentement du parent à l’adoption de son enfant par son conjoint peut encore être rétracté. La loi offre en effet au parent de l’enfant la possibilité de se dédire. Cependant, ce droit de rétractation est enfermé dans un bref délai de deux mois lequel avait, en l’espèce, été dépassé. Or la conséquence d’une rétractation tardive est drastique : une fois le délai légal expiré, le consentement du parent ne peut plus être remis en cause. Devenu irrévocable, il doit être considéré comme figé, et illimité dans le temps. C’est aussi la raison pour laquelle il est susceptible de produire ses effets dans des procédures ultérieures à la requête initiale en adoption, le consentement donné ne se rattachant pas à une instance particulière. Ainsi, non seulement une rétractation tardive ne peut avoir pour effet d’anéantir le consentement initialement donné, comme peut seule y conduire l’exercice régulier, durant le délai légal, du droit de rétractation, mais l’introduction de procédures ultérieures, qu’il s’agisse de celle en divorce du couple ou de l’appel interjeté contre le jugement ayant prononcé l’adoption plénière de l’enfant, se révèlent sans incidence sur la déclaration initiale, formalisée par acte authentique, du consentement du parent à l’adoption de son enfant mineur. Passé le délai de deux mois, le consentement parental, à la condition d’avoir été régulièrement formalisé par acte authentique et maintenu durant ce délai, est donc considéré comme irrévocablement donné. Partant, le juge, dont l’office consiste à vérifier la réunion des conditions à l’adoption et sa conformité à l’intérêt de l’enfant, est libre de s’affranchir de l’opposition tardive de son parent.
Concrètement, ce n’est que dans l’hypothèse où cette opposition serait corroborée par des éléments établissant l’absence de conformité à l’intérêt de l’enfant de l’adoption prononcée que le juge saisi d’un recours contre le jugement d’adoption pourrait donner gain de cause au parent souhaitant revenir sur son consentement. Cependant, son opposition ne le lie en aucun cas. Le juge doit jouir pleinement de sa liberté d’appréciation pour décider si, eu égard au seul intérêt de l’enfant, son adoption plénière par l’ex-conjoint du parent peut être prononcée. Ainsi, au cas d’espèce, c’est en raison de la conformité de la procédure engagée à l’intérêt de l’enfant que le jugement d’adoption a été confirmé, en dépit de l’opposition du parent de l’enfant.
Références :
■ Civ. 1re, 11 mai 2023, n° 21-17.737 B : DAE, 30 mai 2023, note. M. Hervieu ; D. 2023. 949 ; AJ fam. 2023. 337, obs. F. Eudier ; ibid. 302, obs. A. Dionisi-Peyrusse.
Autres À la une
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 19 septembre 2024 ]
CEDH : obligation de poursuivre les crimes de haine homophobes
-
Droit des sûretés et de la publicité foncière
[ 18 septembre 2024 ]
Mention manuscrite : le paraphe vaut-il signature de la caution ?
-
Droit constitutionnel
[ 17 septembre 2024 ]
Le Premier ministre et le Gouvernement sous la Ve
-
Droit de la responsabilité civile
[ 16 septembre 2024 ]
Revirement de jurisprudence : Boot’Shop est mort !
-
Droit des obligations
[ 13 septembre 2024 ]
L’obligation d’information et de conseil du vendeur professionnel s’étend aux conditions de transport de la chose vendue
- >> Toutes les actualités À la une