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[ 18 décembre 2017 ] Imprimer

Droit civil

Application d’une loi loi aux effets futurs des contrats

Mots-clefs : Survie de la loi ancienne, Loi nouvelle, Application de la loi nouvelle dans le temps, Contrat en cours, Effets futurs, Ordre public, Ordre public écologique

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (dite « LEMA ») s’applique aux effets futurs des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur (1er janv. 2008). Ainsi, les communes sont obligées de mettre fin aux conventions antérieures prévoyant la fourniture gratuite d’eau.

En l’espèce, afin d’obtenir le paiement de factures impayées, sur le fondement de l’article L. 2224-12-1 du Code général des collectivités territoriales issu de la loi du 30 décembre 2006, la société Lyonnaise des eaux France (aujourd’hui Suez eau France) a saisi une juridiction de proximité. Sa demande a été rejetée. En appel, les juges ont confirmé cette décision en application du principe de survie de la loi ancienne. Pour eux, la loi nouvelle ne s'appliquait pas aux conditions d'un acte juridique conclu antérieurement et elle ne pouvait pas, même si elle est d’ordre public, induire la nullité des actes définitivement conclus avant sa promulgation. La société s’est pourvue en cassation. Le 8 novembre 2017, la première chambre civile s’est donc prononcée sur l’application dans le temps de la loi « LEMA ». Elle affirme au visa des articles L. 2224-12-1 du Code général des collectivités territoriales et du Code civil qu’elle s’applique aux contrats en cours.

Pour rappel, l’article 2 du Code civil énonce que : « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n’a point d'effet rétroactif ». Il s’ensuit que la loi nouvelle ne s’applique, en principe, qu’aux situations juridiques dont la naissance et les effets sont ultérieurs à son entrée en vigueur. En outre, la loi nouvelle ne peut pas, puisqu’elle ne rétroagit pas, frapper de nullité les actes valablement conclus avant sa promulgation (V. en ce sens, Ch. mixte, 13 mars 1981, n° 80-12.125. Cass, avis, 16 févr. 2015, n° 15/002). 

Le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle est écarté à propos des contrats en cours au jour de son entrée en vigueur, dont les effets postérieurs à cette date demeurent régis par la loi sous l’empire de laquelle ils avaient été conclus (Civ. 3e, 3 juill. 1979, n° 77-15.552. Civ. 1re, 4 mai 1982, n° 81-11.539. Civ. 1re, 30 janv. 2001, n° 98-15.178). Ce principe de la survie de la loi ancienne pour les contrats en cours connaît des exceptions. D’abord, évidemment, la loi nouvelle peut prévoir des dispositions transitoires en sens contraire (V. par exemple,  Civ. 2e, 2 févr. 2017, no 16-12.997). Ensuite, la loi nouvelle s’applique aux effets légaux des contrats conclus avant son entrée en vigueur. En outre, il en va de même lorsque la Cour de cassation rend un arrêt « à la lumière de la loi nouvelle », (V. à propos de l’Ord. du 10 février 2016, Soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.103 ). Enfin, la loi nouvelle s’applique aux contrats en cours lorsque les règles qui la composent présentent un caractère d’ordre public particulièrement impérieux comme en semble en témoigner l’arrêt annoté dans lequel la Cour décide que « la loi nouvelle enjoint expressément aux communes de mettre fin, à compter du 1er janvier 2008, aux stipulations contraires à l'obligation de facturation de la fourniture d'eau qu'elle édicte, de sorte qu'elle s'applique aux effets futurs des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur ».

En effet, la Cour, semble avoir reconnu le caractère d’ordre public de la loi « LEMA ». En se fondant sur l’article L. 2224-12-1 du Code général des collectivités territoriales, elle applique la loi nouvelle aux termes de laquelle : « Toute fourniture d'eau potable, quel qu'en soit le bénéficiaire, fait l'objet d'une facturation au tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante. Les collectivités mentionnées à l'article L. 2224-12 sont tenues de mettre fin, avant le 1er janvier 2008, à toute disposition ou stipulation contraire. Le présent article n'est pas applicable aux consommations d'eau des bouches et poteaux d'incendie placés sur le domaine public. ». On pourrait parler d’un ordre public écologique présent en filigrane dans la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 et dans la loi du 30 décembre 1996 sur les substances polluantes (M. Boutelet et J.C. Fritz (dir.), L'ordre public écologique, éd. Bruylant, 2006). 

Civ. 1re, 8 nov. 2017, n° 16-18.859

Références

■ Ch. mixte, 13 mars 1981, n° 80-12.125 P.

■ Cass, avis, 16 févr. 2015, n° 15/002, Dalloz Actu Étudiant, 6 mars 2015.

■ Civ. 3e, 3 juill. 1979, n° 77-15.552 P.

■ Civ. 1re, 4 mai 1982, n° 81-11.539 P.

■ Civ. 1re, 30 janv. 2001, n° 98-15.178 P.

■ Civ. 2e, 2 févr. 2017, no 16-12.997 P : D. 2017. 1213, obs. M. Bacache, L. Grynbaum, D. Noguéro et P. Pierre

■ Soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.103 P : Dalloz Actu Étudiant, 11 oct. 2017 ; D. 2017. 2289, obs. N. explicative de la Cour de cassation, note B. Bauduin et J. Dubarry ; ibid. 2007, note D. Mazeaud ; AJ Contrat 2017. 480, obs. C.-E. Bucher ; RDT 2017. 715, obs. L. Bento de Carvalho ; RTD civ. 2017. 837, obs. H. Barbier.

 

Auteur :P. M.


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