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Droit commercial et des affaires
Confirmation de l’autonomie de l’aval
L’aval constituant un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, l’avaliste n’est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque bénéficiaire pour manquement à un devoir d’information au titre de l’article 1112-1 du Code civil.
Com. 5 avr. 2023, n° 21-17.319 B
Rappelant la spécificité de l’aval qu’elle a, le même jour, refusé de requalifier en cautionnement (Com. 5 avr. 2023, n° 21-19.160), la chambre commerciale confirme, dans l’arrêt rapporté, l’autonomie de cette sûreté, à laquelle s’applique un régime propre, exclusif de tout autre, dont celui issu de la théorie générale du contrat. S’en trouve alors exclu l’article 1112-1 du Code civil, qui fonde le droit commun de l’obligation précontractuelle d’information.
Un établissement bancaire avait consenti à une société un crédit de trésorerie matérialisé par l’établissement d’un billet à ordre, sur lequel le dirigeant de la société débitrice avait porté son aval. À la suite de la défaillance de la société, la banque avait assigné l’avaliste en paiement. Pour refuser d’y procéder, celui-ci avait, sur le fondement de l’article 1112-1 du Code civil, argué de l’inexécution par le créancier de son obligation précontractuelle d’information. Au motif qu’aucune règle dérogatoire du Code de commerce n’est susceptible de mettre en échec le texte précité du Code civil, la cour d’appel en fit application au profit de l’avaliste accueillant, sur ce fondement, son action en responsabilité contre la banque bénéficiaire. En conséquence, elle ordonna la levée de la garantie bancaire pour le montant du prêt correspondant au billet à ordre impayé et annula l’aval consenti. Devant la Cour de cassation, la banque soutenait que l’aval étant exclusivement régi par les règles du droit du change, l’article 1112-1 du Code civil n’était pas susceptible d’être invoqué. La demanderesse au pourvoi posait ainsi aux juges du droit la question inédite de l’autonomie de l’aval au regard du droit commun. Ceux-ci la consacrent, jugeant le texte précité inapplicable au litige. Renouvelant sa motivation habituelle concernant l’exclusivité du régime propre à l’aval qui, « en ce qu’il garantit le paiement d’un titre dont la régularité n’est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change », la Cour soustrait aux règles qui lui sont applicables l’obligation précontractuelle d’information, au double visa des articles L. 511-21 et L. 512-4 du Code de commerce.
La cassation pour violation de la loi vient ainsi renforcer l’autonomie certes acquise (v. pour le refus d’application de la disproportion du cautionnement à l’aval bancaire, Civ. 1re, 19 déc. 2013, n° 12-25.888 ; pour le refus d’étendre à l’avaliste l’obligation d’information annuelle due à la caution, Com. 16 juin 2009, n° 08-14.532), mais relative (v. not., sur la restriction du gage des créanciers en matière de régime de communauté de l’article 1415 du Code civil, Com. 4 févr. 1997, n° 94-19.908 et Civ. 1re, 3 mai 2000, n° 97-21.592 ; v. aussi, à propos de la possibilité de requalifier un aval irrégulier en cautionnement solidaire, Com. 5 avr. 2023, préc.), de l’aval.
L’intérêt de l’arrêt commenté réside surtout dans la mise en relation de l’aval avec la théorie générale du contrat, marquant la soustraction de cette sûreté non plus seulement aux règles issues du droit des contrats spéciaux, mais également à celles fondatrices du droit commun. En effet, motif pris de l’autonomie du régime qui lui est applicable, la chambre commerciale refuse d’intégrer l’aval dans le champ d’application de l’article 1112-1 du Code civil, au détriment de l’avaliste qui recherchait la responsabilité de la banque bénéficiaire du billet à ordre pour manquement à son devoir prétendu d’information.
Cette solution nouvelle méritait de figurer dans un arrêt publié au Bulletin. En effet, alors qu’il était principalement question, dans la jurisprudence antérieure, de souligner la distinction de l’aval et du cautionnement, et d’affirmer en conséquence la spécificité des régimes qui leur sont respectivement applicables, la motivation ici retenue est employée à l’effet de souligner l’autonomie de l’aval au regard du droit commun outre celle, désormais connue, qui l’affranchit des droits spéciaux concurrents, principalement du cautionnement. L’aval voit ainsi sa spécificité renforcée au bénéfice des établissements bancaires qui, en pratique, ne renseignent pas véritablement l’avaliste sur les opérations, peu propices à la délivrance d’informations préalables, que ce dernier garantit. En même temps que l’autonomie de l’aval se renforce, le fonctionnement des effets de commerce et des sûretés s’y greffant s’assouplit, ce qui ne manquera pas d’intéresser la pratique bancaire, désormais protégée par une jurisprudence à la fois stable et complète.
Références :
■ Com. 5 avr. 2023, n° 21-19.160 B : DAE, 2 mai 2023, note M. Hervieu ; D. 2023. 684.
■ Civ. 1re, 19 déc. 2013, n° 12-25.888 P : DAE, 22 janv. 2014, note M. H ; D. 2014. 518, obs. V. Avena-Robardet, note G. Piette et J. Lasserre Capdeville ; ibid. 1610, obs. P. Crocq.
■ Com. 16 juin 2009, n° 08-14.532 P : D. 2009. 1755, obs. X. Delpech ; RTD civ. 2009. 759, obs. P. Crocq ; RTD com. 2009. 605, obs. D. Legeais ; ibid. 798, obs. D. Legeais.
■ Com. 4 févr. 1997, n° 94-19.908 P : D. 1997. 478, note S. Piédelièvre ; ibid. 261, obs. M. Cabrillac ; RTD civ. 1997. 728, obs. B. Vareille.
■ Civ. 1re, 3 mai 2000, n° 97-21.592 P : D. 2000. 546, note J. Thierry ; ibid. 2001. 693, obs. L. Aynès ; RTD civ. 2000. 889, obs. B. Vareille ; ibid. 890, obs. B. Vareille.
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