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Droit pénal spécial
Cot, cot, cot…. !!!
Mots-clefs : Coqs, Combat, Gallodrome, Infraction pénale
Les dispositions du huitième alinéa de l'article 521-1 du Code pénal qui incriminent «toute création d'un nouveau gallodrome » sont conformes à la Constitution.
L'article 521-1 du Code pénal punit les sévices et actes de cruauté envers les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité. Seule l'existence d'une tradition locale ininterrompue fait obstacle à ce que s'applique cette disposition pénale à une course de taureaux et aux combats de coqs. Le Conseil constitutionnel avait eu l’occasion d’examiner et d’entériner la conformité à la Constitution l’exception en faveur des courses de taureaux (21 sept. 2012, n° 2012-271 QPC, Dalloz Actu Étudiant, 24 sept. 2012).
Dans la présente décision, les sages étaient, cette fois-ci, saisis de la constitutionnalité du huitième alinéa de l’article 521-1 du Code pénal, lequel interdit toute création d’un nouveau gallodrome sous peine des sanctions prévues en cas de sévices sur animaux. Le requérant était poursuivi, en application de cette disposition devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion et avait soulevé une QPC transmise par la chambre criminelle (2 juin 2015, n° 15-90.004). Selon ce dernier, alors que législateur pénal exonère de toute responsabilité pénale les sévices envers les animaux résultant tant des courses de taureaux que des combats de coqs dans les lieux où ces traditions ininterrompues sont établies, la loi ne punit que la création de nouveaux gallodrome et non la création de nouveaux lieux accueillant des courses de taureaux, emportant une rupture d’égalité contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La différence de traitement serait sans rapport avec l’objet de la loi et ne seraient justifiées par aucun objectif d’intérêt général.
Les arguments n’ont pas emporté la conviction du Conseil constitutionnel qui a déclaré le huitième alinéa de l’article 521-1 du Code pénal conforme à la Constitution.
Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel considère que bien que les courses de taureaux et les combats de coqs bénéficient de la même immunité pénale là où il y a tradition ininterrompue, « il s’agit toutefois de pratiques distinctes par leur nature ». En conséquence, « en interdisant la création de nouveaux gallodromes, le législateur a traité différemment des situations différentes » (cons. 4). L’affirmation selon laquelle les combats de coqs et les courses de taureaux seraient des « pratiques distinctes par leur nature » peut ne pas convaincre. Si l’on peut reconnaître dans le premier cas, les coqs sont à égalité alors que dans l’autre cas, le taureau fait face à l’homme, il n’en demeure pas moins ces deux spectacles d’animaux sont constitutifs, en eux-mêmes de mauvais traitements mais aussi et surtout de sévices graves ou actes de cruauté.
Dans un second temps, le Conseil juge que la différence de traitement instituée était en rapport avec l’objet de la loi. Pour parvenir à cette conclusion, les sages se reportent aux travaux parlementaires relatifs à la loi du 9 juillet 1964 relative à la protection des animaux lesquels révèlent que « le législateur a entendu encadrer plus strictement l'exclusion de responsabilité pénale pour les combats de coqs afin d’accompagner et de favoriser l'extinction de ces pratiques ». Dans cette perspective, l'incrimination de toute création d'un nouveau gallodrome s’inscrit parfaitement dans la finalité de protection des animaux de l'article 521-1 du Code pénal.
Il faut ici rappeler ici que si le combat de coqs et la corrida trouvent leur justification dans l’existence d’une tradition ininterrompue et bénéficient d’un même régime dérogatoire, l’immunité́ pénale, la formulation du septième alinéa de l’article 521-1 du Code pénal diffère. Si l’immunité pénale est applicable « aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée », elle n’est envisageable pour les combats de coqs que « dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. Le périmètre de l’immunité est donc plus strict dans la dernière hypothèse. Une telle différence de rédaction trouve son origine, comme le rappelle le Conseil, dans la volonté de voir cette tradition tombée en désuétude. C’est reconnaître implicitement qu’une telle volonté n’existe pas s’agissant des courses de taureaux. On est loin de l'interdiction de la corrida votée au parlement catalan et effective depuis le 1er janvier 2012.
Cons. const. 31 juillet 2015, M. Jismy R., n° 2015-477 QPC
Références
■ Code pénal
Article 521-1
« Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l'animal, qu'il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l'animal et prévoir qu'il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.
Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d'interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d'exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :
- l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal ;
- les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au présent article toute création d'un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au repeuplement. »
■ Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
Article 6
« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
■ Cons. cont. 21 sept. 2012, Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre, n° 2012-271 QPC : AJ pénal 2012. 597, obs. C. Lacroix ; AJCT 2013. 50, obs. L. Fabre ; RSC 2013. 427, obs. B. de Lamy.
■ Pour aller plus loin : C. Vial, Coq de combat ou dindon de la farce ? RSDA 1/2013, p. 111.
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